« Je suis choqué par les accusations de récupération politique, que je trouve déplacées ; il y a aussi les tensions très fortes qui existent, dans le domaine de la santé mentale, entre approche cognitivo-comportementale et approche psychanalytique, avec des désaccords de vue profonds sur le psychisme humain ; et il y a la peur que suscite la maladie mentale ». Dans une tribune du Monde, Christian Bréchot , directeur général de l’Inserm, défend le rapport de l’Inserm sur « le trouble des conduites ».
Pour lui, » l’expertise collective est le fruit d’une analyse de la littérature internationale, faite par un groupe pluridisciplinaire d’experts indépendants et reconnus. Leurs conclusions ne prétendent pas représenter un état définitif de la science sur un sujet, mais offrent une contribution à un débat de société, avec une perspective scientifique et médicale ».
Le rapport a été rejeté par plus de 120 000 signataires, (particulièrement des enseignants et des professionnels de la santé) qui y voient d’importants risques de dérive policière. » Les professionnels sont invités à repérer des facteurs de risque prénataux et périnataux, génétiques, environnementaux et liés au tempérament et à la personnalité. Pour exemple sont évoqués à propos de jeunes enfants « des traits de caractère tels que la froideur affective, la tendance à la manipulation, le cynisme » et la notion « d’héritabilité (génétique) du trouble des conduites ». Le rapport insiste sur le dépistage à 36 mois des signes suivants : « indocilité, hétéroagressivité, faible contrôle émotionnel, impulsivité, indice de moralité bas », etc. Faudra-t-il aller dénicher à la crèche les voleurs de cubes ou les babilleurs mythomanes ?
Devant ces symptômes, les enfants dépistés seraient soumis à une batterie de tests élaborés sur la base des théories de neuropsychologie comportementaliste qui permettent de repérer toute déviance à une norme établie selon les critères de la littérature scientifique anglo-saxonne. Avec une telle approche déterministe et suivant un implacable principe de linéarité, le moindre geste, les premières bêtises d’enfant risquent d’être interprétés comme l’expression d’une personnalité pathologique qu’il conviendrait de neutraliser au plus vite par une série de mesures associant rééducation et psychothérapie… L’expertise de l’INSERM, en médicalisant à l’extrême des phénomènes d’ordre éducatif, psychologique et social, entretient la confusion entre malaise social et souffrance psychique, voire maladie héréditaire ».
Une position soutenue par plusieurs syndicats. Ainsi pour le Syndicat National des Psychologues de l’Education Nationale (SNPsyEN), « l’expertise INSERM sur le trouble des conduites chez l’enfant n’offre pas d’avancée pour la prévention dans le champ de la santé ou pour la prise en charge d’enfants en difficulté. Elle stigmatise comme pathologiques « des colères et des actes de désobéissances » et les présente de fait comme prédictifs d’une délinquance future. Elle brouille, de ce fait, les cartes en établissant, page après page, un lien mécanique entre difficultés de comportement de l’enfant et risque de délinquance. Le SNPsyEN marque son entier accord avec l’analyse qui est faite de toute part : ces projets gouvernementaux ne sauraient qu’instrumentaliser les acteurs de la santé ou de l’éducation à des fins de surveillance ou de contrôle des familles et de leurs jeunes enfants ».
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3226,36-752643@51-749022,0.html
http://www.pasde0deconduite.ras.eu.org/
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2005/09/index230905.aspx