Dossier spécial
L’opinion publique abusée sur l’apprentissage de la lecture pour R.
Goigoux
« Il faut rappeler à l’opinion publique, aujourd’hui abusée par ceux qui
prétendent que la méthode globale a mis le feu aux cités, que le b.a.-ba
est inscrit au programme de l’école de la République. Les questions de
méthode posées aux responsables du système éducatif sont réglées depuis 10
ans dans les textes officiels même s’il est toujours possible de trouver
des enseignants qui n’en tiennent pas compte ou de généraliser de manière
malveillante à partir d’exemples singuliers caricaturaux » rappelle
Roland Goigoux dans un entretien accordé à La Lettre de l’éducation. Il
réagit ainsi aux propos du député A. Gest et à la réponse du ministre à
l’Assemblée nationale.
Pour R. Goigoux c’est ce qui explique la baisse de l’illettrisme. « Les
dernières données de l’INSEE confirment que les jeunes sont moins souvent
en difficulté que les personnes plus âgées : 4 % des 18-24 ans contre 14 %
des 40-54 ans et 19 % des 55-65 ans qui ont tous appris, pourtant, à lire
avec la méthode syllabique. Rien ne permet d’affirmer aujourd’hui que ces
difficultés ont pour principale origine les méthodes d’enseignement de la
lecture. Comment expliquer sinon que le chiffre de 4% de non-lecteurs en
6ème grimpe à 11% en ZEP alors que les méthodes utilisées au cours
préparatoire ne sont pas différentes du reste du territoire ? ».
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lesdossiers/Pages/contribs_goigoux.aspx
http://www.lemonde.fr/mde/lettre/education.html
Le B A BA du ministre
« On se demande pourquoi tant d’ignorance, tant de rumeurs et de propos
sous-informés sont colportés à l’envi. Pourquoi dès lors vouloir légiférer
et promulguer décrets et circulaires sur la question, si ce n’est pour
occuper un espace médiatique plus ou moins vacant dans le champ de
l’éducation et tenter de masquer l’absence de réponses solides aux
difficultés réelles des jeunes, notamment face à leur avenir scolaire et
professionnel ». Jacques David, rédacteur en chef de la revue Le
Français aujourd’hui et conseiller scientifique à l’Observatoire
national de la lecture, interpelle le ministre dans une tribune envoyée au
Café.
« On dénoncera. les critiques à peine voilées, adressées aux enseignants
du primaire, soupçonnés de défendre des méthodes qu’ils n’ont en fait
jamais pratiquées. Je défie qui que ce soit, ministre ou conseiller,
journaliste ou délateur, de trouver sur le marché éditorial français un
manuel de lecture qui propose une approche globale de l’apprentissage de la
lecture. Au contraire, il faudrait soutenir ces innombrables enseignants
qui savent conduire, avec compétence et énergie, les apprentissages de la
lecture et de l’écriture, en parvenant tout autant à intéresser leurs
élèves par des activités attrayantes et adaptées, et à maintenir la rigueur
nécessaire à la maîtrise du système alphabétique du français. Il n’y a pas
de contradiction entre une pédagogie moderne, intelligente, adossée aux
résultats des recherches les plus actuelles, et une pédagogie combinant
pertinence et précision méthodologiques ».
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lesdossiers/Pages/baba_index.aspx
http://www.afef.org/publications.htm
Vers un choc global sur la lecture ?
Le ministre de l’éducation nationale insiste. « Je vais passer de la
parole aux actes en envoyant cette semaine une circulaire aux
enseignants » déclare-t-il à l’AFP. Et il condamne « méthode globale
et assimilée ». Il annonce une réunion mardi 13 décembre avec
l’Association des maires de France au sujet des manuels d’apprentissage de
la lecture.
Cette insistance rencontre une incompréhension croissante. Dans La Croix,
Bernard Gorce fait le point de l’interrogation des spécialistes. Ainsi
Alain Bentolila explique : » le cours préparatoire est un moment
important et la méthode d’apprentissage compte. Mais affirmer que le
problème de la lecture se réduit à cela ressemble à un slogan pour brosser
les parents dans le sens du poil ». Le ministre semble s’appuyer sur un
rapport de l’Observatoire national de la lecture mais ses auteurs ne
reconnaissent pas leurs conclusions dans les propos ministériels.
Le Café a publié le 12 décembre une tribune d’un membre de cet
Observatoire; D’autres contributions d’enseignants nous sont parvenues. Les
projets ministériels ne laissent pas les enseignants et les spécialistes de
marbre. Vous trouverez ces contributions sur la page spéciale du Café.
Ainsi Jackie Ferey, IEN, rappelle que » le Ministère de l’Education a
lancé en 95 une vaste enquête en France pour déterminer l’efficacité des
méthodes de lecture au CP. Celle-ci a conclu à une différence non
significative, mais attribuant à l’équation personnelle du maître la
différence des réussites de l’apprentissage (regard positif sur l’enfant,
encouragement, aides personnalisées, bilans individuels des acquis.)..les
méthodes sont renvoyées dos à dos ». Pour Evelyne Charmeux, chercheur en
didactique de la lecture, » cette déclaration gouvernementale est, à
coup sûr, la chose la plus bête, la plus ignorante, la plus honteuse donc
pour des gens prétendument cultivés, qu’on ait pu dire depuis longtemps sur
l’école et sur l’apprentissage de la lecture ».
Patrice Gourdet, enseignant formateur, en appelle à la responsabilité
politique. « Pour finir, les déclarations du ministre laissent donc à
penser qu’à tout moment l’institution peut réformer des programmes, imposer
des interdits sur des méthodes d’apprentissage. Cette immédiateté de
l’injonction est dangereuse. Les programmes, j’y reviens, se construisent
dans le temps à travers des instances officielles qui privilégient les
échanges, les débats, les réflexions. Ces instructions officielles engagent
l’Etat sur un temps qui dépasse les durées des mandats électoraux, c’est
une garantie pour la démocratie car le rapport entre l’école et la société
est complexe, il a besoin de sérénité que ce temps lui offre. Ne pas
respecter ce rapport au temps (« sous huit jours ! ») c’est mettre en
danger l’école, la formation des enseignants, les réflexions pédagogiques
mais aussi la relation de confiance indispensable entre les familles et
l’institution. Comment expliquer aux parents que la méthode globale n’est
plus pratiquée dans les classes (elle ne l’a jamais été réellement),
comment les rassurer, comment leur dire que le manuel utilisé prend en
compte la complexité et la diversité des entrées pour apprendre à lire,
comment reconquérir une confiance primordiale alors que le ministre parle
de nocivité, de danger et utilise même le terme de « criminel ».
L’enseignant devient l’assassin, pourquoi le juger, condamnons le tout de
suite ! » Le ministre serait-il allé vraiment trop loin ?
Article de La Croix
http://www.la-croix.com/article/index.jsp?docId=2251308&rubId=4076
Nos articles sur le blog du Café
http://www.cafe-leblog.net/index.php?2005/12/13/30-l-enseignement-de-la-lecture
La tribune de Jacques David
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lesdossiers/Pages/baba_index.aspx
France 2 dérape
« Je viens de couper la TV de rage ! » « Je viens de voir cette parodie de
débat contradictoire. Je trouve cela encore plus honteux que le reportage
lui-même ». Les listes de discussion des instits (Listecol, Freinet)
sont unanimes dans la condamnation de France 2. La chaîne a mis en vedette
le 15 novembre dans son journal télévisé une institutrice
ultra-conservatrice, défendant « les bonnes vieilles méthodes ». L’émission
du médiateur, au lieu de rééquilibrer les choses, en a rajouté dans un
débat totalement déséquilibré. Pour les enseignants « la manipulation
médiatique est en train de revenir à ce que Peyrefitte imposait sous De
Gaulle… » Il est vrai que lors de la même émission du médiateur, la
chaîne avait reconnu avoir montré aux autorités de police un reportage sur
les violences policières avant de le diffuser et l’avoir soustrait du JT
diffusé sur Internet.
Sur son blog, Bruno Devauchelle démonte la mise en scène de ce reportage.
Pour lui » le spectacle mis en scène ici (et non pas simplement observé
et analysé) repose sur l’art de ne pas permettre au spectateur de prendre
de la distance avec ce qui est montré. Au moment où les télévisions
étrangères et en particulier Nord Américaine ont montré la capacité des
médias à fausser l’information, nous observons que chez nous c’est la même
chose et que le service public, qui est supposé être au service du public
se met volontiers au service de causes particulières sans permettre une
prise réelle de recul. Force est de constater que les personnes qui
oeuvrent dans le sens pris par le journaliste utilisent depuis longtemps
ces techniques rhétoriques qui caractérisent les tenants de telle ou telle
idéologie et qui veulent à tout prix montrer qu’ils ont raison ».
Le blog de B. Devauchelle
http://www.brunodevauchelle.com/blog/
TF1 rivalise avec France 2
« Jamais les enfants n’ont eu autant l’envie de lire et jamais autant
leur niveau en lecture n’a été aussi bas » n’a pas hésité à affirmer
vendredi 2 décembre une journaliste de TF1 en plein journal de 20 heures.
Selon elle, 30% des élèves de 6ème ne sauraient ni lire ni écrire. Pourquoi
? « Il y a des maîtres de plus en plus mal formés qui ne savent pas
quelle méthode choisir ». Pour finir elle mobilise les parents : « si
en février votre enfant ne sait pas déchiffrer un mot nouveau, inquiétez
vous ». Il est vrai qu’il y a déjà de quoi s’inquiéter et de cette
campagne contre l’Ecole, et du niveau de certains journalistes.