– François Jarraud –
Depuis septembre 2002, le département des Landes vit une expérience originale : tous les collégiens de troisième (ils sont plus de 3000) reçoivent, à l’initiative du Conseil général, un ordinateur portable qu’ils emmènent au collège et ramènent à la maison. Qu’est ce qui se passe quand on équipe chaque élève d’un ordinateur ? Quels effets cela a-t-il sur la vie scolaire ou les résultats des élèves ? Comment les enseignants s’adaptent-ils ? Quelles pratiques pédagogiques développent-ils ? Quel est l’impact sur les familles ? Alors que les établissements disposent de salles multimédias capables d’accueillir les classes, faut-il équiper chaque enfant d’un ordinateur ? Le 7 mai, un colloque a réuni à Moliets (Landes) les enseignants du département, leurs élus et les responsables académiques pour faire le point sur ces deux années de généralisation des ordinateurs portables.
Dans un entretien diffusé lors du colloque, Seymour Papert, une figure de l’histoire de l’informatique éducative, créateur du légendaire Logo, défend l’idée de la généralisation. Pour lui, il faut donner aux jeunes, sans réticences, les outils culturels de leur époque. Il s’étonne qu’en France on s’intéresse davantage aux moyens de maintenir la pédagogie traditionnelle qu’à exploiter les innovations apportées par l’outil pédagogique.
Les enseignants, les élèves, les parents réunis sur la scène de Moliets le matin du 7 mai témoignent de ces innovations. Clairement, les élèves et les parents plébiscitent les ordinateurs. En classe, de nouvelles pratiques apparaissent avec l’utilisation de manuels numériques, la construction de cours interactifs par les enseignants, les activités de recherche sur Internet. On en trouvera de nombreux exemples dans le Journal de Pascale Dufau publié sur le site du Café. Mais le portable induit des effets plus fondamentaux. D’abord la forte implication des élèves et des enseignants dans ce qu’ils vivent au collège. Plus généralement, la connivence qui s’installe entre professeurs, parents et collégiens. L’ordinateur sert non seulement de passerelle vers le savoir mais aussi de lien entre les personnes. Les enseignants découvrent par exemple que les devoirs réalisés par traitement de texte se corrigent plus facilement. Les élèves constatent que le logiciel les aide à améliorer la qualité de leur travail. Les premiers utilisent le courrier électronique pour rappeler les consignes et les seconds pour envoyer les devoirs ou calmer leurs inquiétudes. Les parents, très rapidement, se rendent compte que les profs, injoignables au téléphone, sont au bout du courriel. Ils peuvent suivre plus facilement le travail de leurs enfants sur l’ordinateur. Tout cela est possible par la posture pédagogique prise par ces enseignants : ils observent les élèves, n’hésitent pas à chercher avec eux les solutions aux difficultés, ne perdent jamais pied et ramènent toujours le cours vers ses objectifs. Est-ce parce qu’ils sont landais qu’ils savent aussi bien observer les flots, prendre la vague et maintenir le cap ?
L’après-midi de ce 7 mai présente des travaux de chercheurs. Mireille Bétrancourt (TECFA Genève), André Tricot (IUFM Aix-Marseille), et François Lombard (TECFA) montrent comment intégrer de façon efficace des images dans des séquences pédagogiques. Odile Chenevez (Clemi) avec le projet Educaunet, prouve l’intérêt d’une démarche d’éducation aux risques d’Internet. Une dernière table ronde propose des exemples d’utilisation d’espaces numériques avec la classe. C’est le cas par exemple au collège de Tullins (38) où enseigne Sylvie Mignardot, ou au collège de Saint-Martin-en-Bresse où intervient Jean Vernet. Les E.N.T. permettent de développer la relation éducative avec les élèves.
Dans son discours de clôture, Henri Emmanuelli, président du Conseil général des Landes, rappelle que c’est la volonté du département qui a permis cette expérience de généralisation de l’informatique. Il continuera sur cette voie. Pour H. Emmanuelli, cela se justifie d’abord parce que le citoyen du 21ème siècle doit avoir une maîtrise de l’outil informatique. Mais d’autres éléments appuient la démarche. Les ménages landais s’équipent en ordinateurs plus rapidement que les autres ce qui témoigne de la diffusion d’une culture informatique dans les familles et soutient le développement économique d’un département qui n’est pas qu’agricole ou touristique. Les collèges du département attirent un nombre croissant d’élèves ce qui reflète l’intérêt des familles. Une forte proportion d’enseignants utilise l’ordinateur portable d’une façon ou d’une autre et une évaluation académique montre que le pari éducatif lancé en 2001 et généralisé en 2002 est viable. Le recteur de Bordeaux, Patrick Gérard, promet le soutien de l’Etat à ce projet départemental. Dans les Landes, la décentralisation fonctionne.
L’expérience landaise a déjà été imitée dans les Bouches-du-Rhône avec l’opération « Ordina 13 ». De nombreuses autre collectivités locales étaient représentées à Moliets : les départements de la Nièvre, l’Ille et Vilaine, la Drôme, le Rhône, l’Isère, le Gers, la Charente, la Savoie, la Seine Saint Denis, l’Allier, la Somme, les Régions Ile de France, la Picardie, la Lorraine, Midi-Pyrénées. Leurs délégués ont suivi avec beaucoup d’attention les débats et cela donne à penser que l’exemple landais pourrait prochainement être suivi ailleurs. Les Landes ouvrent la voie à de nouvelles responsabilités pour les collectivités territoriales : celles d’un acteur éducatif majeur.
François Jarraud
Quelques sites :
Landes interactives, le site du colloque. Vous y trouverez prochainement le texte des interventions et un compte-rendu exhaustif.
http://www.landesinteractives.net/
Le bilan pédagogique de l’opération réalisé par l’académie :
http://www.landesinteractives.net/upload/pagesedito/journal2003.pdf
La rubrique du Conseil général :
http://www.cg40.fr/fr_vivre_nouv_techno_portables.asp