« À
l’époque où Jules Ferry envoyait dans les campagnes françaises les hussards
noirs pour lutter contre la superstition que les curés mettaient dans la
tête des enfants, aucun enfant ne passait par jour au catéchisme, la moitié
du temps qu’il passe aujourd’hui devant la télévision. Je pense que la
télévision représente un danger pour la laïcité, un danger très largement
aussi important que beaucoup de phénomènes religieux ; d’ailleurs il y a une
religion de la télévision, et l’emprise de la télévision sur les enfants
représente une vraie menace pour l’éducation scolaire ». Philippe Meirieu
décline, sur Savoirscdi, l’histoire des rapports difficiles entre l’école et
l’image. Sa conclusion se situe dans cette tradition. « Je fais
l’hypothèse, et je crois que c’est une hypothèse assez largement vérifiée
par nombre d’enseignants, que beaucoup d’enfants rentrent dans la salle de
classe comme ils rentrent dans leur salon ou leur salle à manger : il y a
une télévision qui cause, on laisse causer la télévision et on fait des tas
de choses à côté, et puis, de temps en temps, on se branche : « Tiens c’est
pas bête ce qu’il dit, mais c’est quand même vraiment ennuyeux qu’on ne
puisse pas changer de chaîne». Nous avons là un phénomène de société et je
ne crois pas que nous puissions faire l’économie d’une réflexion en
profondeur sur la réactivité de l’institution scolaire vis-à-vis de la
télévision. Je me dis « mais que fait l’école ? » et effectivement que fait
l’école face au rouleau compresseur médiatique ? ».
Cette intervention de P. Meirieu est accompagnée d’un texte de Maryvonne
Masselot-Girard (Université de Franche-Comté) qui analyse la fonction
pédagogique de l’image. « Tant qu’on continuera de penser l’image en terme
de vrai/faux, en terme d’embrayage imaginaire opposé à la réalité, on
continuera de ne pas traiter le vrai problème auquel sont confrontés les
élèves. Comme le disait Serge Tisseron, il est vrai que le pouvoir
symbolique des images (ce que j’appelle l’embrayage poétique des images) est
tel que le discours du maître ne peut pas se contenter d’être un discours
disciplinaire. C’est la raison pour laquelle il est important de traiter le
rapport à la connaissance construit par l’image et la façon dont ce rapport
circule dans nos stock de savoirs, y compris historiquement ».
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