Le collège en débat
« Chaque jour qui passe, les problèmes du
collège et de l’école se trouvent posés
en des termes de plus en plus radicaux .
Nous allons nous trouver devant le choix
d’une sortie par le bas, le retour au
passé, ou par le haut, la recherche des
voies d’avenir ». Devant l’échec du
collège, le « collectif du 4 juin 2003 »,
regroupant les principaux mouvements
pédagogiques français, organisait samedi
13 décembre un débat national sur « le
collège unique outil de promotion
collective ». A travers une dizaine
d’ateliers et deux conférences
générales, chaque organisation s’est
exprimée, pour demander une autre
politique. Ainsi pour l’ICEM Freinet, »
Une réforme du collège ne peut se
concevoir sans une refonte complète du
système éducatif français ». Pour l’OZP,
une association qui fédère des zones
d’éducation prioritaires, « l’école seule
ne peut résoudre tous les problèmes de la
société, mais renoncer à en faire le lieu
privilégié de la construction du lien
social serait le signe d’un renoncement
plus général. Réintroduire la sélection
au collège, c’est prendre son parti de
l’exclusion, c’est accentuer les
fractures sociales ». Pour l’OZP, la
réussite de tous passe par des
transformations importantes du collège
et particulièrement du métier
d’enseignant : « une définition large du
métier d’enseignant incluant des
missions d’éducation, de nouveaux
rapports entre l’école et ses
partenaires du milieu environnant, le
choix d’une culture commune ». Pour
Jean-Michel Zakhartchouk (CRAP), la
transformation du collège peut s’appuyer
dans l’immédiat sur la généralisation de
certains dispositifs comme les
itinéraires de découverte, un outil d’un
grand intérêt « pour les disciplines, pour
la culture, pour l’indispensable mise au
travail des élèves, pour la préparation
à leurs tâches futures, professionnelles
ou civiques ». Or on sait que le ministre
souhaite rendre les IDD facultatifs.
Alors faut-il changer l’ensemble du
système éducatif ou simplement soutenir
les éléments innovants déjà présents
dans le collège ? Jean-Louis Auduc,
directeur adjoint de l’IUFM de Créteil,
souligne que l’échec scolaire commence
dès le primaire. Les évaluations
nationales montrent que le collège
atténue les écarts scolaires apparus au
CE2. Au niveau du collège, « s’il y a
bien une leçon à retenir des diverses
tentatives de réformes proposées ces
dernières années, c’est que toute
réforme du collège ne peut se concevoir
seule et doit nécessairement impliquer
une articulation meilleure entre le
lycée professionnel et le collège…
Pour les élèves en difficulté, en phase
de démotivation et de décrochage, ne
vaut-il pas mieux les orienter dans la
voie professionnelle dès la classe de 4e
, plutôt que de les laisser, sans projet
cohérent, dans des classes »
généralistes » ? » Pour lui la solution
passe par un corps unique d’enseignant
bivalents exerçant du CM1 à la 4ème.
C’est là remettre en question
l’unanimité sur le collège « unique ».
Bruno Mattei, IUFM de Lille, va un peu
plus loin en demandant une réflexion sur
les valeurs de l’école. Veut-on « la
réussite de tous » ou « l’égalité des
chances » ? « Il serait de courte vue de
penser qu’en renonçant au collège
unique, en reprofilant les élèves
hétérogènes dans des filières, ou des
systèmes d’alternance plus conformes aux
talents tellement » particuliers » ! des
uns et des autres, on va retrouver la
paix. Certes » l’élitisme républicain »
et » l’égalité des chances » penseront
s’en être sorti la tête haute. Sans voir
qu’elles ne sont plus que jamais que le
cache-misère de la ségrégation scolaire
et sociale… N’est-il pas de la
responsabilité collective d’une société
de ne pas se contenter » d’avoir la paix
« , mais au contraire de construire une
paix dans une société qui chercherait
résolument à créer selon l’expression de
Pestallozi au 18ème siècle » des écoles
créatrices d’humanité « , c’est-à-dire
des écoles où l’on apprendrait à
apprendre et à vivre non pas les uns à
côté des autres et contre les autres,
mais avec les autres par les autres et
grâce aux autres ». Comment conclure ces
échanges ? Dans le court terme, le
collectif recommande de « préparer la
transformation des esprits et des
pratiques dans l’ensemble des collèges..
en soutenant les IDD, comme banc d’essai
pour la transdisciplinarité,… en
incitant à la mise en place du
tutorat,.. en proposant des lieux de
réflexion pour la mise en commun de
l’expérience ». A moyen terme, le
collectif envisage la » redéfinition du
statut de l’enseignant, sur la base des
nouvelles pratiques expérimentées et
prenant notamment en compte : le travail
en équipe, le temps de présence dans
l’établissement hors cours (pour travail
en équipe, tutorat, relations avec les
parents etc.), le partage des
responsabilités dans le projet
d’établissement ».
On trouvera sur le site du collectif les
nombreuses participations au débat et les
comptes-rendus des ateliers.
http://www.collegeunique.org
Le débat national mobilise-t-il ?
Le ministère annonce que 14.182 débats
ont eu lieu depuis le 17 novembre, et
que 212.813 visiteurs ont consulté les
pages du site du débat depuis septembre.
Pour Luc Bronner et Martine Laronche,
dans Le Monde du 15 décembre, le débat
« se déroule dans une relative
indifférence ». Si les enseignants y
participent, la rencontre entre
enseignants et parents n’a pas lieu. Le
quotidien a enquêté en Ile-de-France et
en Province et rend compte de réunions,
très différentes d’un lieu à un autre,
mais qui souvent n’aboutissent à aucune
résolution.
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3226,36-346033,0.html
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3226,36-346035,0.html
Le débat peut-il accoucher d’une
révolution culturelle ?
» On comprend qu’un débat de cette
ampleur suppose une dynamique de
réflexion citoyenne, au-delà du cadrage
gouvernemental, qui ne peut s’initier
qu’à la base au sein des communautés
éducatives, élargies à toutes les forces
vives concernées par l’école, se
développant progressivement au niveau
local et régional pour conduire, si le
souffle en est suffisant, à des états
généraux de l’école qui contribueront à
orienter la décision politique ». André
Giordan, Claire Heber-Suffrin, Georges
Hervé, Bruno Mattei et Albert Jacquard,
invitent tous les acteurs à participer
au débat sur l’école. Mais c’est pour le
situer sur un point imprévu dans les 22
thèmes du débat. « Si l’on veut vraiment
être capable de répondre (aux défis de
l’école), alors comment ne pas voir que
les changements doivent porter non pas
d’abord ou uniquement sur les moyens,
l’organisation, la gestion ou la
pédagogie, mais tout autant sur la
transformation des mentalités qui
génèrent des pratiques d’exclusion et
des jugements invalidants et arbitraires
sur les élèves, leurs potentiels et leur
orientation. » C’est à une révolution
des mentalités qu’ils nous invitent. « Il
s’agit de refonder l’école sur une
« politique de civilisation » (Edgar
Morin), et à travers elle, d’éveiller à
un monde commun, désirable et sensé,
sans lequel, nous le savons bien, de
plus graves périls nous attendent
encore ».
http://www.liberation.fr/page.php?Article=161976
Les 10 propositions du CRAP
Au moment où les établissements
organisent leur participation au débat
national, le CRAP diffuse 10
propositions susceptibles d’animer et
d’orienter le débat. Le CRAP se prononce
pour un véritable « collège pour tous ». Il
défend les pratiques interdisciplinaires
de type IDD ou TPE et demande leur
extension aux voies technologiques. Plus
fondamentalement, il estime que « le lire,
écrire et compter n’est plus suffisant
face à la demande sociale mais aussi
pour répondre aux besoins de culture de
citoyens en devenir. Le partage des
connaissances en disciplines
scolaires… est artificiel et a
contribué à créer des groupes de
pressions qui ont œuvré à la
juxtaposition et à l’accumulation de
connaissances. Il conviendrait de
raisonner en termes de culture » . Aussi
il recommande un nouveau découpage
disciplinaire : « une culture
sémiologique : une grammaire des signes
qui permette de lire et produire des
textes sous toutes leurs formes, une
culture scientifique et technique :
conduisant à la maîtrise des systèmes de
logique, de la démarche scientifique, une
culture humaine et sociale : en termes de
philosophie, d’histoire, d’économie, de
droit, ou de politique afin de
construire le citoyen, une culture du
corps, des sens et de la santé :
permettant à chacun de se connaître et
de respecter autrui. Le CRAP souhaite le
développement d’alternatives au
redoublement par la mise en place de
pédagogies différenciées.
http://www.cahiers-pedagogiques.com/actu/propocrap.html
Le SE UNSA et la loi de 1989
« Il vaudrait mieux un amendement ou un
toilettage de la loi de 89 qu’une remise
en cause de ses grands principes ». Selon
une enquête menée par le syndicat,
rapportée par l’AFP, 90% des enseignants
trouvent que les grands principes de
1989, comme le droit à l’éducation
garanti pour tous, doivent rester. Mais
d’autres points, et particulièrement les
éléments innovants de 1989, sont moins
bien acceptés comme l’objectif de 80% au
bac, soutenu par seulement 53% des profs,
le projet d’école ou la mise ne place des
cycles.
http://actu.voila.fr/Depeche/depeche_emploi_031203191144.mkqgsgwz.html
L’ICEM – Freinet refuse le débat
« On nous assure que cette grande
concertation, élargie à toute la nation,
va décider des orientations
de l’École pour les 15 ans à venir. Mais
on sait déjà… que tout cela conduira à
coup sûr à l’abrogation de la loi
de 1989, accusée d’être à la source de
tant de maux ». C’est pour mieux défendre
la loi d’orientation de 1989 que l’ICEM
Freinet « ne peut cautionner.. ce qui
s’annonce comme un ersatz de débat ».
L’ICEM appelle « à l’instauration d’une
contre-culture » et défend une école
« laïque et populaire, émancipatrice et
coopérative ».
http://www.icem-freinet.info
Le collège unique, projet démocratique
pour F.Dubet
« Le vrai projet démocratique est de
faire travailler ensemble des élèves qui
sont différents. Dans une société où les
inégalités se creusent, où les mômes
sont perdus, où les problèmes d’identité
culturelle sont de plus en plus forts, je
dis qu’il est essentiel de souder une
génération, jusqu’à l’âge de seize ans,
autour d’une culture commune ». Dans une
tribune accordée à l’Humanité du 10
décembre, le sociologue souligne
l’importance sociale du maintien d’un
collège unique. » Le collège doit-il
être une école primaire supérieure ou un
petit lycée ? Dans le premier cas, on
définit des connaissances que nul ne
doit ignorer, quel que soit son avenir.
C’est ce que fait l’école primaire.
Qu’ils deviennent agriculteurs ou
ingénieurs, tous les élèves y acquièrent
les mêmes compétences de base. Dans le
second cas, on vise l’excellence pour
tous, avec un collège qui ne prépare,
finalement, qu’aux formations
générales… Et qui laisse de côté les
30 % d’élèves qui n’arrivent pas à
suivre. C’est ce qui se passe
aujourd’hui ».
http://www.humanite.fr/journal/2003-12-10/2003-12-10-384230