Adresse Email :
Mot de Passe :
Mot de passe oublié? Pas encore inscrit?
 
jpa > Catégories
Concilier le pédagogique et l’éducatif

 

Jean-Claude Guérin, vous êtes inspecteur général honoraire et vous avez accompagné beaucoup de projets dans l’enseignement primaire. Des enseignants qui s’engagent dans un séjour scolaire de plusieurs jours ont souvent l’impression lors de la préparation d’agir dans l’urgence et d’être accaparés par des démarches. Comment peuvent-ils être sûrs de rentrer dans une démarche de projet ?

« Le premier problème, c’est de clarifier l’objectif ou les objectifs. En quoi est-ce en lien avec ce qui se fait en classe ? Qu’il s’agisse de compléments ou d’observations de ce qui y est enseigné, ou de mode d’actions. Il y a donc des questions qui portent sur l’organisation du temps. Qu’est-ce qui relève de l’éducatif ? Quelle place pour la convivialité ? Le second problème à aborder, c’est la question des accompagnateurs. Comment cela est-il discuté avec les élèves ? Présenté aux parents ? C’est toute la problématique de l’accompagnement des personnes en formation qui est posée. Les relations enseignant-accompagnateurs-animateurs sont essentielles : apprentissage et construction des règles, engagements des élèves, information des parents sur les modalités d’encadrement. Un séjour scolaire, ce n’est ni du tourisme, ni une colonie de vacances. En fait, il y a deux volets à distinguer : pédagogique qui renvoie à la relation enseignant-élève ; éducatif qui renvoie à la relation adulte-jeune. C’est la façon dont la relation entre ces deux volets a été pensée qui permet au jeune de construire l’autonomie. »

Par quoi faut-il commencer ? « Avant de partir, expliciter aux élèves ce qu’on attend d’eux, expliquer le rôle des autres adultes. Tout cela doit éclairer les moments de la vie quotidienne (repas, coucher, participation aux tâches…). Il faut que les enfants/élèves puissent se représenter ce qui les attend. A l’arrivée, la prise de possession des lieux est importante : rappeler pourquoi on est là, présenter les adultes et les enfants, collectivement et personnellement. Qu’est-ce que chacun a à faire ? On est alors sur la voie de la responsabilité donc sur le chemin de l’autonomie. »

 

Monter un projet

 

Pour beaucoup d’enseignants qui ont vécu des séjours scolaires, les bénéfices sont nombreux : réinvestissement pédagogique avant, pendant et après le séjour ; expérience de la vie collective qui permet de souder la classe, de dénouer des conflits existants ; possibilité d’organiser plus souplement les activités, en tenant compte des rythmes réels de la journée ; découverte d’un autre milieu, ouverture culturelle ; détour pédagogique que permettent des activités, qu’elles soient sportives  ou culturelles…

 

Le porteur du projet est l’enseignant ou l’équipe éducative. Il peut faire appel à des organismes qui assureront tout ou partie de la prestation d’organisation : déplacements, hébergement, restauration, activités sportives ou culturelles, encadrement, outils pédagogiques.

Qui peut aider au montage du projet ? Des ressources académiques existent, ainsi que des sites nombreux. Les associations confédérées à la JPA organisateurs de séjours et formateurs ont une expérience ancienne des séjours collectifs. Comme associations d’éducation complémentaires de l’enseignement public elles peuvent proposer des classes de découvertes, séjours linguistiques… L’enseignant pourra se consacrer aux dimensions pédagogiques du projet en incluant les caractéristiques du lieu ou des activités proposées, en collaboration avec l’organisateur qui lui fournira les précisions nécessaires.

Autorisations et délais :

Dans le premier degré, avec l’avis du directeur d’école, c’est l’Inspecteur d’Académie (IA) qui accorde ou non l’autorisation, en ayant vérifié auprès de l’IA du lieu d’accueil que les conditions prévues sont remplies. Le conseil d’école doit en être informé.

Dans le second degré, le Conseil d’administration doit être obligatoirement consulté et c’est le chef d’établissement qui accorde ou non l’autorisation, après avoir recueilli l’avis de l’Inspecteur d’Académie. Comme le projet comporte un budget qui doit être en équilibre, il est recommandé de le soumettre avant l’adoption du budget de l’établissement en novembre ou décembre. On voit donc que, dans le premier comme dans le second degré, des délais sont nécessaires entre le dépôt du projet et l’autorisation définitive. Pour le premier degré, il est de 40 jours minimum si le séjour a lieu dans le même département, 60 dans un autre.

Bien évidemment, le séjour scolaire ne pourra avoir lieu sans l’accord et la participation des parents ou responsables légaux des élèves. L’information préalable est obligatoire ainsi que l’obtention d’un accord signé par chaque parent ou responsable.

Règlementation.

La règlementation pour le premier degré est assez fournie et précise, notamment la circulaire du 21 septembre 1999 modifiée en 2005 qui porte sur les sorties scolaires.

Pour le second degré, les textes sont plus anciens et d’un objet plus limité



Lever les freins au projet

Une fois le dossier déposé, validé, les éventuels obstacles institutionnels et financiers levés, il arrive parfois que des résistances se manifestent chez les élèves ou les parents. L’enseignant aura beau avoir associé les élèves au choix et au montage du projet, prévenu à temps les parents, évalué l’adhésion de l’ensemble du groupe-classe : des élèves indiquent qu’ils ne partiront pas.

Si une solution est de proposer au chef d’établissement d’accueillir ces élèves dans d’autres classes pendant la durée du séjour, on voit tout de suite qu’un certain nombre de bénéfices attendus tombent d’eux-mêmes : souder le groupe-classe, travailler le vivre-ensemble, sans compter les décalages de progression, le double travail de préparation pour l’enseignant. Cette solution s’avère finalement difficile à mettre en œuvre.

 

Il convient donc d’identifier les freins. Une bonne part sont particuliers (engagement dans des activités sportives ou artistiques, dans un travail salarié, dans le soutien aux responsabilités familiales, problèmes de santé, garde alternée) et les solutions, si elles peuvent être trouvées, seront toujours particulières.

Mais il existe d’autres freins, qui portent sur les modes de vie, les références culturelles et les représentations des parents et des enfants ou adolescents.

Une première série porte sur les prescriptions religieuses. Il est nécessaire à l’enseignant d’avoir des repères sûrs pour garantir la laïcité. Interdits alimentaires, pratiques religieuses, prosélytisme… : qu’est-ce que la réglementation interdit ? Qu’est-ce qu’elle autorise ? On trouvera de nombreuses ressources actualisées ici


La demande de sécurité des familles peut se porter sur de nombreux points : la sécurité physique lors des déplacements ou des activités, la liberté de circulation en dehors des activités prévues au programme, la possibilité d’accéder à des produits interdits. Derrière ces demandes - à prendre en considération - de sécurisation ou au contraire d’épanouissement, gisent d’autres représentations qu’il faut pouvoir interroger avec les parents :

- L’école est-elle légitime pour organiser des séjours ? Pour certains, à l’école, on apprend, on ne part pas au bord de la mer…

- Des parents ne se représentent pas l’idée d’un  séjour scolaire parce qu’ils n’ont pas participé dans leur enfance à des colonies de vacances ou à des classes de découverte et que personne dans leur entourage ne peut s’y référer.

- L’inquiétude du premier départ est peut-être plus importante pour des parents que le premier jour à l’école maternelle !

- Comment vont être gérées les relations garçons-filles au quotidien ?

 

A tous ces questionnements, l’enseignant doit affirmer un cadre, peut proposer des représentations variées dans la préparation du départ mais parfois cela ne suffit pas. Les témoignages de pairs (des parents dont les enfants sont partis en classes de découverte l’année précédente), les interventions des accompagnateurs, d’un animateur dans la réunion de présentation seront des moyens pour permettre aux parents sinon de questionner leurs représentations, du moins d’envisager de les faire évoluer. L’enseignant doit être l’animateur de cette coopération.

Une réflexion d’un praticien sur l’enfant-roi et la colo qui peut être éclairante pour les séjours scolaires.

Stéphane Clerget, pédopsychiatre, rappelle les bienfaits de la « colo » pour les enfants, mais aussi pour la famille.