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L'internationale de l'éducation

A l’heure du retour, une fois le choc thermique et le décalage horaire absorbés, que reste t’il de ce séjour dans la démesure ? Un zeste de cosmopolitisme, une impression de Babel mais surtout, une conviction plus forte encore, celle que l’éducation est une richesse portée par des énergies individuelles reliées entre elles par le fil invisible de l’innovation. Les enseignants innovants ont un petit grain de folie dans la tête et un cœur généreux. Le décor kitsch, clinquant de Hong Kong, a accueilli une véritable internationale de fous furieux dont l’air amical et le sourire radieux ne font pas oublier leur obstination à frayer leur chemin souvent hors des sentiers officiels. Ce qui compte pour eux, me semble t’-il c’est d’ouvrir les portes du savoir.

 

Avant de partir à Hong Kong, je suis d’abord passée à Nantes pour accompagner mon fils à un concert de NTM. Dans la débauche d’énergie du rap contestataire, les chanteurs Kool Chen et Joey Starr ont demandé au public d’applaudir les profs, de les soutenir lorsqu’ils descendent dans la rue parce qu’ils défendent un bien précieux, l’éducation. Je suis allée ensuite à Paris, au forum de l’éducation tout au long de la vie où des intervenants de pays différents, du monde de l’entreprise comme de celui de l’école ont défendu l’accès au savoir pour tous comme le moyen nécessaire de construire le monde du XXIe siècle. A Hong Kong, ce sont les modestes constructeurs de ce monde plus juste que j’ai rencontrés, les artisans d’une douce rébellion contre la fatalité d’un règne des égoïsmes.

J’ai été une piètre journaliste, préférant les discussions longues avec des enseignants à une enquête approfondie sur les motivations de Microsoft à se mêler si ostentatoirement d’éducation. J’ai choisi d’écouter Nicole l’israélienne, Ousmane le sénégalais, Peter le sud-africain, Pamela l’indienne, Roberto le canadien ou Nathan le néo-zélandais plutôt que d’assister aux conférences de presse. J’ai observé Alain et Benoît dans leur rôle de jury sans me donner la peine d’interviewer les organisateurs de l’évènement. J’ai accompagné Annie, Patrice, Eric et Bruno dans leur pérégrinations alors que j’aurais pu questionner la conseillère Tice de Darcos. Les uns étaient plus disponibles que les autres et puis, je revendique une certaine subjectivité. L’éducation se construit en permanence par les acteurs du terrain. Les ministres passent, les conseillers aussi, avec leurs ambitions personnelles et leur vision superficielle de ce qui fait l’école du quotidien.

Je retire de mes promenades dans les rues de Hong Kong et dans les projets de tous les continents, une énergie renouvelée parce que dans les différences de contextes, de thématiques, j’ai retrouvé une vision commune. Que chacun ait cherché une solution pédagogique à des difficultés rencontrées par leurs élèves en s’aidant de la technologie, avec les moyens du bord, en dépit des entraves du système, sans compter leur temps, moi, ça me donne des ailes.

J’ai été heureuse de côtoyer des enseignants français dont les projets et l’ouverture d’esprit ont donné envie aux autres délégations de les rencontrer. Vous avez découverts dans ce blog leur travail, pas toujours reconnus. Patrice par exemple, malgré le prix obtenu à Rennes, n’a rien pu faire pour sauver son poste. Il travaille désormais à plus de 100 kilomètres de chez lui et continue malgré tout à épauler Annie pour la réussite de son école nomade. Alors, sous forme de conclusion, j’aimerais adresser un grand merci à tous les enseignants qui simplement font avancer les choses, à ceux qui comme Eric, Bruno, Annie et Patrice mettent leur intelligence, leur humanité au service de l’éducation, de l’accès au savoir pour tous. Une dernière fois, je vous adresse de bons baisers de Hong Kong.

United colors of Tice

Le séjour s’achève, une journée passée dans les rues de Hong Kong, depuis les marchés de jade ou alimentaires jusqu’à la rue des antiquaires. Les buildings rutilants, les centres commerciaux reluisants de luxe, laissent la place à des rues moins resplendissantes mais tellement plus vivantes. Sur les étals du marché, des tortues, des serpents et des poissons frétillants dans des bacs, nous étonnent.

Photo Patrice Girard

A l’heure du repas, en guise de dessert, l’équipe française dresse un bilan du forum. Côté jury, Benoit Montessinos et Alain Chaptal sont plutôt satisfaits. Le choix des candidats primés correspond à la logique des débats auxquels ils ont contribué. Etre jury leur a permis  de voir les projets en détail. Chacun avait 7 à 8 projets pour lequel il devait donner des notes, exercice peu facile surtout dans le cadre d’un jury international où les pratiques de notation varient d’un pays à l’autre. Malgré l’organisation un peu flottante, et les craintes, le résultat reflète les coups de cœur et les échanges. « Ce ne sont pas forcément des projets qui sont favorables à la politique commerciale de Microsoft » nous dit Benoit.

« Tous les projets sont des histoires fantastiques » renchérit Alain « il fallait se poser la question de la généralisation et se méfier des aspects superficiels pour ne retenir que les projets construits avec une vraie stratégie». Benoit trouvait difficile de valoriser des initiatives à priori modestes mais qui révélaient une véritable prouesse dans des contextes peu favorables. Par exemple, un enseignant indien a mis en place un observatoire des étoiles dans un village de montagnes où l’électricité est peu accessible. Ce sont des projets à encourager, peut être faudrait il une catégorie particulière. Alain pointe la préparation du jury avant le forum comme le chaînon défaillant. Chaque candidat devait préparer une présentation très formalisée que les membres du jury consultaient avant de venir. Une plateforme collaborative était ouverte pour le jury, elle a été peu utilisée et son animation n’a pas stimulé les échanges. Certaines présentations n’étaient pas claires, donnaient l’impression que le projet était sans intérêt or, après avoir discuté avec le candidat, l’impression s’estompait car le projet tenait la route. La forme exigée avait bridé les enseignants.

Tous autour de la table, nous soulignons la qualité des projets présentés, la richesse des échanges entre les participants. L’innovation pédagogique était bien là, la nécessité d’un tel forum une évidence. Avec plus de simplicité, moins de débauche de moyens, ce serait bien d’organiser un tel forum en France, suggère Benoit Montessinos qui admet avoir passé d’excellents moments. Quasiment en chœur, nous lui parlons du Forum de Rennes organisé en mars dernier.

Photo Patrice Girard

Autour de la table, un partisan du libre, des utilisateurs exclusifs d’Apple, le responsable des partenariats éducatifs Microsoft en France, et des enseignants navigant entre le libre et le Microsoft savouraient en riant cette union sacrée pour l’innovation pédagogique. Nous partagions la même question : pourquoi les pouvoirs publics, nationaux, européens ou internationaux, n’organiseraient ils pas ce type d’événement, histoire de laisser au clou les querelles de chapelle.

Alors, de retour dans la rue, Benoit Montessinos de Sésamaths et Thierry de Vulpillières de Microsoft posèrent devant une boutique Apple pour sceller sur le numérique l’harmonie d’un bon moment partagé du côté de Hong Kong. Comme un écho à nos débats du premier jour.

Jeudi : la folle journée d'Annie

Jeudi matin, la liste des trente projets sélectionnés dans les trois catégories (communautés, contenus, collaboration) pour la finale est annoncée. Annie et Patrice sont de la partie. Eric et Bruno n’ont pas l’air déçus de ne pas être retenus. L’un a déjà connu les honneurs à Zagreb, l’autre à Rennes et la qualité des projets présentés ici rend les décisions du jury difficiles. Nathan le néo zélandais, Ousmane le sénégalais et Pamela l’indienne sont retenus pour la finale mais pas Peter le sud africain ni Mary des Seychelles.

Annie apprend qu’elle devra répondre à quelques questions devant la caméra. Le stress monte, Annie redoute l’exercice et se sent peu à l’aise en anglais. Des questions lui sont remises pour préparer l’entretien. Le stress monte encore. Bruno, au départ enseignant en anglais qui communique comme il respire, propose de l’aider. Avec Patrice, ils partent tous trois potasser les questions.

Une partie de la délégation canadienne avec Roberto en premier plan

Pendant ce temps, je rencontre Roberto Gauvin, directeur du Cahm dans le Nouveau Brunswick et mari de Danis dont nous avions fait la connaissance l’an dernier à Helsinki. Roberto fait partie de la délégation canadienne menée par Jacinthe, une personne que j’ai grand plaisir à revoir ici. Il collabore avec Mario Asselin dans l’aventure des blogs pédagogiques. Bref, avant de nous asseoir ensemble autour d’une table, nous savions déjà que nous aurions plein de choses à nous dire. Roberto présente ici une expérience avec Zune, l’équivalent Microsoft de l’i-pod. Les élèves sont filmés comme des présentateurs météo mais en guise de carte de prévisions, ce sont leurs propres présentations powerpoint qu’ils commentent, une façon de rendre encore plus vivante leur travail. Le projet ne fait pas partie des finalistes mais Roberto n’est pas déçu tant le forum lui paraît une opportunité formidable de glaner de nouvelles idées. Car, dans son école, l’équipe travaille constamment sur de nouveaux projets, dont le point central constitue le blog. Dernièrement, le Cahm a travaillé avec l’Université de Moncton sur l’élaboration de scénarios pédagogiques sur l’utilisation de la robotique en mathématiques. Les scénarios sont en ligne et enrichissent le fonds des ressources pédagogiques francophones. Avant que je ne rejoigne nos finalistes français, Roberto me parle de la réaction plutôt courroucée du monde du libre canadien sur sa venue dans un forum organisé par Microsoft. Visiblement, nous n’avons pas en France l’exclusivité des querelles de chapelle.

Après le repas, Annie entre dans la salle d’enregistrement, encadrée de Patrice, de Bruno son traducteur et de sa reporter. Elle sera seule à répondre mais finalement elle pourra le faire en français. Sous le regard encourageant de Patrice, elle surmonte sa timidité en reprenant au vol les questions traduites par Bruno. La séance terminée, nos candidats foncent vers leur stand pour répondre cette fois aux questions du jury. Bruno traduit toujours, se passionnant pour le projet, débordant les réponses d’Annie pour ajouter des éléments qui lui semblent importants. La lecture nomade intéresse beaucoup les autres enseignants du salon. Une candidate irlandaise me dit combien cette idée simple va l’aider à son retour à permettre à une de ses élèves de onze ans, qui n’avait jamais été scolarisée auparavant, à apprendre à lire.

Lors de la conférence de clôture, Ousmane défend haut et fort la francophonie en s’étonnant que l’anglais soit la seule langue pratiquée, sans traducteur pour inclure tous les enseignants dans les échanges. Son intervention, joliment troussée, lui vaut de chauds applaudissements et le collier de fleurs de Nathan.

Nous rentrons à l’hôtel pour nous préparer pour la soirée de gala où tenues élégantes seront de mise puis nous rejoignons en bus et en bateau le lieu des festivités. Un dragon nous accueille. Dans une salle de réception, les participants se font lire les lignes de la main, des calligraphes décorent des éventails et les flashs crépitent. Qui sont les plus beaux ? Les thaïlandaises sont magnifiques, les indiennes ont revêtu leurs plus beaux saris et parmi les africains, de belles couleurs se distinguent.

Le repas est somptueux, douze plats défilent sur les plateaux tournants posés sur les tables. Nous dinons avec l’équipe allemande. A côté se trouve Carry qui m’avait invitée à Taiwan, l’équipe canadienne n’est pas loin non plus. Nous sommes entourés d’ondes amicales. Mais le stress d’Annie monte encore.

Le repas se termine, le palmarès s’annonce. Trois projets sont primés pour les trois catégories avec en complément un prix du public. Visiblement, les scores sont serrés. Aucun français n’est appelé sur la scène, Annie pousse un ouf de soulagement. Nous sommes heureux car Ousmane a reçu un prix, un pas important pour son projet qu’il espère ainsi voir mieux aidé à son retour. Nous empruntons le bateau du retour, un peu grisés par le vin et le kitch, un peu tristes aussi car le forum est fini.

 

Note du 11/11

Palmarès

Catégorie collaboration

Première place Nouvelle Zélande : Nathan Kerr, Collaboration and    Digital Learning Projects within a Multi-Cultural

Deuxième place Ouganda : Ronald Ddungu, Education for  Sustainability

Troisième place Brésil/Portugal : Emilia Miranda, Marise Brandao et    Marli Fiorentin, Flight BPF

Catégorie communauté

Première place Australie  : Andrew Douch, Anywhere Anytime Biology Class

Deuxième place Afrique du Sud : Sarietje Musgrave, Spread the Sunshine

Troisième place Allemagne/Autriche : Elke Mayer, Gabriele Jauck,  Together in a World of Learning

Catégorie  contenu

Première place Inde : Parambir Singh Kathait, Let's Explore the Universe

Deuxième place Sénégal : Ousmane Diouf, Electronic Alarm

Troisième place Royaume-Uni : Dan Roberts, Recharge the Battery  

Irlande : Kate O'Connell, Flying High Exploring Aviation

Prix du public

Première place El Salvador : Mariella Paz, Business Game

Deuxième place Singapour : Fong Yin Kuan, Digital Story Telling @   Beacon

Troisième place Thaïlande : Pongpanote Phongpanngam, Instructional Games   for Kids by Kids

 

La tête entre deux célébrations

Ce matin, un air surréaliste flotte sur la cérémonie d’ouverture du forum. Oui, c’est aujourd’hui réellement que s’ouvre le concours entre les projets. 60 pays sont représentés avec chacun une ou plusieurs innovations en lice. Les enseignants ont affiché leurs posters, placé dans de jolis paniers des objets souvenirs et masquent leur stress derrière de larges sourires. C’est le moment de montrer, d’expliquer, de partager une expérience avec d’autres enseignants et les projets d’abord confinés dans leur école puis exposés au niveau national ou continental prennent encore une autre dimension.

Les projets se côtoient, d’une grande diversité. Au premier regard, c’est la qualité qui frappe, comme si nous étions passés à un cran supérieur depuis Helsinki. Les présentations semblent mieux peaufinées, un effet sans doute de la communication entre les compétiteurs des années précédentes et la promotion de Hong Kong.

Puis, la cérémonie d’ouverture débute avec les discours de bienvenue d’officiels de Hong Kong et de Microsoft. Les têtes sont ailleurs aussi, dans l’attente des résultats des élections américaines. Dans ce centre d’exposition à côté de l’aéroport, comme au milieu de nul part, c’est une véritable mosaïque des nations qui se compose. Ce ne sont sans doute pas des citoyens ordinaires, puisque chacun d’entre eux a placé l’innovation en pivot de leurs pratiques professionnelles, parfois isolés, en dépit d’un manque de moyens ou d’engagement du système. L’environnement, la citoyenneté, l’enseignement des sciences, la communication, l’accès aux compétences de base pour les élèves en difficulté : pour prendre en compte ces questions centrales, ils se sont creusés la tête, ont trouvé des idées modestes ou géniales.

Entre célébration de la démocratie et célébration de l’innovation, je choisis la première et scrute les résultats devant un écran de télévision placé dans la salle de restaurant. D’autres déserteurs de la conférence sont là, américain, sud africain, croate. Obama dépasse le seuil de 200, l’espoir grimpe, grimpe, dans le silence.

Et puis, un peu plus tard, lorsque les allées se sont à nouveau remplies, que les enseignants expliquent leur projet, le résultat définitif arrive : Obama est élu président des Etats-Unis. Avec Ousmane Diouf, un enseignant sénégalais que j’interviewe, nous éclatons de rire et nous trinquons à la santé de la démocratie. Fêter la première élection d’un président américain noir, d’origine africaine, avec un sénégalais, à Hong Kong, c’est un moment magique, unique. Autour de nous, la joie se diffuse. Je pars annoncer la nouvelle à mes amis français, canadiens, sud-africains, belges, taïwanais, .... A cet instant, nous sommes tous amis et nous nous promettons de fêter dignement la victoire ce soir. La journée s’annonce belle et la soirée aussi.

Balade au monastère

Hier, les « attendees » (participants au concours) ont été répartis entre différents groupes avec pour objectif de créer ensemble un outil pédagogique, innovant bien sûr. Les consignes paraissaient un peu compliquées : le projet doit respecter un certain nombre de règles, durer dans le temps avec un travail collaboratif post forum, s’inspirer des visites touristiques proposées ce matin et être expérimentées avec les élèves des différents participants, sachant que chaque groupe est composé d’enseignant de nationalité différente intervenant dans des disciplines et pour des cycles différents.

L’important est sans doute là : travailler ensemble, se rencontrer, parler de ce que l’on fait dans un anglais que l’on espère compréhensible et partageable. Ce matin, j’accompagne un groupe pour la visite du grand monastère Po Lin où trône le plus grand bouddha du monde. Dans le téléphérique qui grimpe de façon vertigineuse, le groupe continue de faire connaissance. Une kazakhe, une thaïlandaise, une autrichienne, une croate et une française se balancent au dessus de l’eau et de la montagne. Que se racontent-elles ? Des histoires d’enseignantes et de projets innovants bien sûr. Toutes ne manient pas la langue anglaise aisément. La question est soulevée : comment coopérer sans langue communément maîtrisée. L’enseignante autrichienne parle de son projet basé sur une mutualisation de ressources entre écoles européennes et de la barrière de la langue qu’il faut dépasser. La représentante croate raconte la perplexité de ses étudiants en informatique lorsque les textes sont rédigés en anglais. On se photographie, on rit des facéties du guide, joyeux d’être entourés uniquement de femmes, et on oublie le vertige de l’ascension. La communication est bien là, avec des mots, des gestes et des fous rires.

La visite des lieux est beaucoup trop rapide aux yeux des enseignantes. A peine le temps d’admirer les mantras sur bois plantés comme une forêt au pied de la montagne, d’humer les encens du temple, de grimper les marches vers le Bouddha pour se délecter de la vue, il nous faut repartir. La visite a visiblement permis de tisser des liens, une certaine complicité. La descente est silencieuse, au bord du vertige. Le guide ouvre les fenêtres pour éviter les balancements trop forts provoqués par le vent et nous rassure « Le téléphérique et la visite du monastère, c’est une expérience unique, en bus c’est moins amusant ». Malgré ses paroles, nous atteignons la terre ferme avec soulagement.

L’après midi est consacrée aux travaux collaboratifs. Chaque groupe doit trouver un thème et ensuite élaborer un plan d’action à mettre en œuvre avec sa classe. Les enseignantes que j’ai suivies en visite le matin ont choisi de travailler sur une présentation du patrimoine de leur ville, de leur village avec des éléments sur la religion. La française et la thaïlandaise interviennent en primaire, l’autrichienne en secondaire, la croate en université, les échanges entre les classes seront aussi des échanges entre les âges scolaires. Des notions de mathématiques, d’expression, d’histoire seront intégrées pour que chacune puisse investir le projet dans leurs disciplines.

Un groupe qui a visité le musée de la défense des cotes le matin choisit de travailler sur le thème de la paix avec l’utilisation de mascottes nationales qui voyagera de pays en pays. Un autre qui est allé du côté des dédales anciens et nouveaux de Hong Kong planche sur le thème de l’architecture. Un groupe, s’intéresse aux couleurs, à la signification dans leurs différentes cultures. Les idées émergent, d’une table à l’autre. Se concrétiseront-elles ? Cela voudrait alors dire que les contacts, les échanges perdurent au-delà de l’enceinte du forum.

Demain, les choses sérieuses débuteront avec le lancement du concours. Les enseignants accrocheront leur poster, décriront leurs projets au jury. Une autre histoire commence.

 

Honni soit qui mal y pense

La découverte de la ville commence dès les bagages posés. Nous prenons un bateau passeur pour admirer les gratte-ciel depuis l’eau et rejoindre Victoria. Le temps est au gris, alors, en bons hong-kongais temporaires, nous sommes munis d’un parapluie. La vue sur la baie est impressionnante, des forêts de gratte ciel sur terre, des cargos, des jonques, des bateaux de pêche sur l’eau. Les immeubles poussent aux flancs des montagnes, design et colorés lorsqu’ils sont prestigieux ou denses, uniformes, lorsqu’ils servent d’habitation. De temps à autre, la végétation s’immisce, renaît sur les pentes comme une verte frontière entre les blocs. Et derrière, les montagnes surplombent ; la ville est criblée d’escalators vers les hauteurs, de passages couverts, de ponts gigantesques pour relier les îles.

Dans ce décor sans limites, la délégation française se pose sur une terrasse. Et tandis que les yeux sont baignés dans la magnifique vue, les débats s’engagent, plus prosaïques. Puisque nous sommes en terre de Chine, résumons-le ainsi : Microsoft est il un dragon dévoreur de système éducatif qui cherche à prospérer encore et sans partage ? Pour les non initiés à ce type de querelle, il faut mentionner que cette question est vive dans les milieux associatifs d’enseignants.

 

Deux points sont dénoncés par les défenseurs du libre. Le premier touche au mode de commercialisation des ordinateurs qui sont quasi systématiquement équipés du système Windows et contraignent les acheteurs à l’acquérir et l’utiliser. La réponse pour ce type d’argument est plutôt une nuance : la plupart des acheteurs ne sont pas des utilisateurs avertis de l’informatique, ils ont le choix entre deux systèmes Microsoft et Mac qui leur permet de se servir de leur ordinateur sans se préoccuper de programmation complexe. Le deuxième point porte sur la politique de Microsoft en éducation, en particulier sur son programme « partners in learning » qui soutient des projets et des associations ou encore sur la mise à disposition gratuite de suites Office pour les enseignants, et se focalise donc sur une supposée recherche d’hégémonie, voire de captation de la firme. Les associations, les animateurs des projets soutenus pointent comme réponse le faible soutien des pouvoirs publics, du ministère de l’éducation notamment. Pour vivre, même en reposant sur le bénévolat, les associations ont besoin d’argent pour financer leur structure, leur site, bref, tout ce qui concrétise, solidifie le projet. Leur survie repose souvent sur une quête perpétuelle de financement auprès des collectivités locales, d’entreprises, de fondations. Idem pour les projets, les innovations pédagogiques ; pour se développer elles ont besoin d’une reconnaissance, de matériels, de logiciels, parfois cruellement absents dans l’institution. Microsoft se positionne comme un financeur potentiel pour des partenaires qui bien souvent ont d’autres financements. Le partenariat tournera d’autant moins à la main mise que les données du marché sont claires et le financement multiple. C’est le cas lorsqu’il s’agit de Microsoft mais aussi d’autres entreprises comme Google ou Hewlett Packard.

Autour de la table, sur la terrasse d’un restaurant surplombant la baie de Hong Kong, sont réunis des représentants de tous les courants : un défenseur ferme du logiciel libre, des utilisateurs invétérés du Mac, des représentants d’associations partenaires de Microsoft , un chercheur plutôt observateur du débat et le responsable du programme « Partners in Learning » en France. C’est rare de pouvoir ainsi échanger sereinement, sans invectives, ni imprécations sur ce sujet. Je vous laisse deviner qui défendait quelle opinion. Et pour récompense de ce petit jeu, je tenterai à la fin du forum de décrire les possibles fléchissements, frémissements évolutions dans les points de vue.

Car, le pari est lancé. Une rencontre entre enseignants innovants du monde entier, d’Israël, de Thaïlande, d’Australie, d’Autriche, du Sénégal, du Brésil, des Seychelles et de tant de pays différents, n’est elle pas à même de changer les idées, les opinions les plus tranchées. En regardant ce que font les autres, en écoutant leur expérience, leurs doutes, leurs solutions, dans ce voyage dans les mondes de l’éducation, le débat perd de son acuité.

Et puis, « ce qui est important pour les enseignants c’est la pédagogie. Pour innover , on a besoin d’outils qui nous conviennent. Les querelles risquent plus de freiner l’innovation pédagogique, qu’autre chose », ainsi Annie clôt le débat. Mince, aurais je lâché un nom ?