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«Équipements mobiles et nomades: le plaisir de la disponibilité et de l’autonomie au service de la pédagogie...»

Comment équiper son établissement pour tirer un meilleur parti des usages du numérique ? Continuer avec le modèle de l’équipement collectif fixe, voire éviter sciemment le modèle 1 ordinateur/1 élève, comme le préconise Serge Tisseron, arguant que ça facilite le travail collaboratif ? Ou changer pour un équipement individuel mobile, qui selon, Michèle Monteil, de la DGESCO, éviterait une spécialisation des tâches dans le groupe, chacun étant obligé de s’entraîner à chacun des gestes, ce qui n’empêcherait pas le travail collaboratif ?

Durant cette table ronde, qui, décidément, n’en est toujours pas une, mais plutôt une présentation linéaire et frontale de l’estrade vers le public, les intervenants nous présentent diverses expériences de classe autour d’équipements mobiles. L’interactivité avec le public se limite à quelques questions fermées posées par un commercial, l’occasion de tester le fonctionnement des boîtiers de réponse électroniques. Le type de questions posées était « le notebook favorise l’autonomie dans les apprentissages – oui – non ». Impossible donc de répondre, puisque tout dépend de la façon dont on s’en sert, et non de l’outil lui-même. Ce qui est sûr, c’est qu’à la question « les boîtiers d’évaluation par le sondage facilitent l’interactivité – oui –non », la réponse est « non ».

Expérimentations avec des notebooks

Dans différents collèges, dans l’académie d’Aix –Marseille ou dans celle de Toulouse, on a tenté de doter chaque élève des classes expérimentales de notebooks, l’objectif étant le zéro papiers. On remarquera que les utilisations sont variables et plus ou moins osées : à Aix, le matériel est resté dans une salle de classe dédiée, alors qu’à Verfeil les collégiens ont pu transporter les notebooks partout avec eux, y compris à la maison. L’avantage immédiatement souligné est la disponibilité de l’outil et la facilité d’organisation. On ne fait appel à l’ordinateur qu’en cas de besoin, et non systématiquement pour rentabiliser une séance d’une heure dans un espace réservé. La réussite de l’expérimentation a essentiellement été en rapport avec l’état d’esprit des enseignants. On comprend aisément que le libre choix de l’utilisation de l’outil vaut mieux que l’incitation forte ! Globalement, ce sont les élèves les plus satisfaits du dispositif. Les enseignants ont remarqué leur plus grande motivation et leur implication dans les apprentissages. Par contre, les enseignants sont nombreux à dire que les compétences des élèves ne sont pas plus hautes que celles observées dans un enseignement traditionnel. Il faudrait certainement un accompagnement pédagogique plus poussé autour des activités possibles. Si les élèves sont tous enthousiastes pour continuer l’expérience l’année suivante, du côté des parents, on est plus réticent : comment accompagner l’enfant à la maison si on ne reconnaît pas les pratiques que l’on avait soi-même à l’école ?

Expérimentations avec des tablettes

Des outils adaptés à la classe

Pascal Bringer, de la société Maskott, nous donne des solutions pour faciliter les usages des tablettes en classe. Le principal souci est le téléchargement de données sur les tablettes individuelles à partir du PC du professeur. De la même façon qu’il est possible de charger des mp3 sur des baladeurs livrées par valises pour les classes en une seule manipulation, la solution Frog manager pour Androïd permet de gérer sa liste de classe, de nommer les fichiers élèves téléchargés automatiquement, de contrôler et de gérer toutes les applications des tablettes individuelles à distance. Pour le travail collaboratif, il existe également des tables interactives, qui permettent une manipulation tactile des données directement sur la surface de la table autour de laquelle s’installent les élèves.

Un non-usage ?

Philippe Chavernac, enseignant documentaliste à Paris, nous relate une expérimentation en français, anglais et arts appliqués dans un lycée. Cette expérimentation ne semble pas convaincante parce que les activités proposées sont plutôt traditionnelles et ne justifient pas l’usage d’un tel outil. Il s’agissait de comparer la presse en ligne et la presse écrite, et il en ressort un certain inconfort pour lire les articles sur tablette.  Les élèves devaient ensuite répondre à des questions sur papier et faire une présentation orale. On est en droit de se demander si le travail sur PC fixe n’aurait pas été judicieux, et pourquoi l’usage de l’objet est si limité dans ce projet. De même en anglais, rien d’innovant, avec un texte à trous à remplir à partir d’une vidéo de Youtube. En arts plastiques, on comprend mieux : les tablettes ont été utilisées comme appareil photo dans tout l’établissement, puis les photos retravaillées sur une application permettant de faire de graffitis. Le côté ludique et défoulement de l’exercice est souligné.

Notre intérêt est vivement réveillé par l’intervention de Didier Blanqui, enseignant dans un lycée de l’Académie de Toulouse. Il souligne d’abord l’intérêt général pour les tablettes, l’impatience des élèves qui se projetaient avant même l’expérimentation (l’objet s’est fait désirer quelques semaines) dans une utilisation productive de l’outil (ce sera plus facile pour prendre des notes), alors que les enseignants voyaient plutôt le côté consultation de données. Les usages ont varié selon les professeurs : deux ont tenté le tout-numérique avec manuels numériques, d’autres ont adapté les usages à leurs besoins ponctuels. Le côté plaisir du tactile et de la disponibilité de l’outil ont conquis les enseignants déjà habitués aux TICE, et les élèves aussi. Quel bonheur que de faire des TP dans la cour ou de réviser le soir dans son canapé ! Des enseignants ont trouvé du plaisir à considérer leurs élèves sous un autre angle : on les voit travailler. La notion « d’horizontale » peut s’appliquer aussi bien à l’ergonomie de l’outil qu’à l’attitude entre pairs et entre profs et élèves. Les tablettes sont  une arme redoutable contre le cours frontal (la diffusion d’information dans le sens profs-élèves) : les élèves connectés échangent entre eux, vérifient ce que vous dites et s’envoient liens et fichiers avant même que vous ne l’ayiez suggéré.

 Mais le clou de la table ronde, c’est incontestablement la classe de grande section de Carole Lopez, qui pendant les ateliers, fabrique son abécédaire sur tablettes. Ici, pas de discours, la vidéo qu’elle nous diffuse, et dont on peut retrouver un extrait ici,  parle d’elle-même. Une présentation pédagogique est également disponible ici . L’intérêt de cette expérimentation est bien que l’outil vient au service d’un projet pédagogique construit et s’inscrit naturellement comme facilitateur de production. On part de l’objectif : apprendre à lire et à écrire les lettres et reconnaître des mots. L’application Ebook Creator d’Apple va permettre d’associer la graphie, le son et l’image, de créer des collections que l’on pourra ensuite consulter. La plupart des tâches se font sur la tablette, de façon intuitive, le professeur accompagnant juste de la voix les gestes des enfants (pendant qu’ils font, et non avant, en tant que consigne). On trouve la lettre étudiée sur le clavier (c’est le modèle), on modifie ce modèle (taille, couleur), on apprend à le reproduire (écriture au doigt). On abandonne momentanément l’outil pour représenter la lettre avec d’autres moyens (ficelles, corps imbriqués des enfants allongés sur le sol), et on prend ces réalisations en photo avec la tablette. On va ensuite insérer ces photos sur la page du book, à côté de la lettre, on va chercher des mots qui commencent par le lettre, et en écrire un comme illustration. On enregistre sur la tablette un enfant qui prononce ce mot, on fait une mise en page et on sauvegarde dans l’abécédaire. Puis, le professeur écrit un mot qui commence par la lettre étudiée et demande comment vérifier sa lecture. Les enfants le retrouvent dans leur collection et écoutent le son  pour vérifier leur hypothèse. Ils ont construit leurs propres références.

Carole Lopez semble la première surprise que l’on cite sa classe en exemple : elle n’est pas du tout une spécialiste des TICE, et elle n’a fait qu’intégrer le nouvel outil mis à la disposition de la classe (4 tablettes Ipad) dans sa pratique. Les enfants la manipulent intuitivement mieux qu’elle, et elle ne fait que les suivre dans leur découverte. « Je tiens à ce qu’il n’y ait pas plus de tablettes dans la classe, les moments intéressants sont ceux où les enfants manipulent à plusieurs et échangent oralement à propos des tâches », assure-t-elle.

 

Est-il besoin encore de disserter sur les outils ? Oui, les outils nomades ont leur place et leur utilité dans une classe, et ils sont certainement l’avenir de nos équipements, appelés à évoluer vers une meilleure ergonomie et une plus grande disponibilité. Mais on en revient toujours aux usages pédagogiques : un outil n’est utile que si l’on s’en sert bien, et si sa performance permet d’atteindre le but que l’on s’est fixé dans de meilleures conditions qu’avec l’outil précédent. Et si ce sont les jeunes apprenants qui suggèrent une meilleure utilisation de cet outil, le professeur doit savoir apprendre d’eux, les suivre, puis les accompagner.

 Béatrice Crabère

Environnement Numérique de Travail, de l’appréhension technologique au plaisir d’une pédagogie renouvelée …

Le plaisir d’apprendre avec le numérique est aujourd’hui  associé aux tablettes et  aux jeux sérieux. Et associer plaisir et ENT semble pour le moins surprenant. Pourquoi cet a priori ? Sans doute parce que l’ENT est la représentation virtuelle de l’école (du collège, du lycée), et, pour le moment, de ses plus mauvais côtés : les notes et les devoirs.  Du côté des enseignants, on admet que les ENT et autres plateformes d’enseignement à distance offrent des fonctionnalités, des  possibilités complémentaires, mais aussi des contraintes. On leur reproche d’être un  outil imposé qui orienterait les choix  pédagogiques.

Que fait-on/que devrait-on faire sur un ENT ?

L’observatoire TICE académique mène des évaluations annuelles des utilisations de l’ENT dans l’académie de Toulouse, où, nous rappelle Anne-Marie Gros, il est aujourd’hui généralisé. Il y a eu cette année 11500 répondants en ligne.

 L’entrée se fait les services obligatoires de vie scolaire: les absences et les notes (chaque salle est équipée d’un poste informatique). Souvent ces services préexistaient et ont juste été intégrés à l’ENT. Depuis la dernière rentrée, il y a eu une Incitation forte à remplir le cahier de texte numérique (30% des utilisations en 2012). Il arrive en second avec la saisie des notes dans les fréquences d’utilisation, derrière la messagerie. Le cahier de texte est utilisé essentiellement de façon  réglementaire, en consignant le  travail réalisé et à envisager (les devoirs), il contient parfois des liens vers des contenus de cours et des  ressources. Les enseignants commencent à recueillir des devoirs en ligne, ce qui leur permet  une aide individuelle aux élèves par la connaissance de l’organisation de leur travail (devoirs rendus au dernier moment, non fait avec besoin de relance par exemple). Récemment, on a noté une utilisation du forum, par exemple pour avoir une représentation des connaissances  des élèves en amont sur un thème donné. Un des avantages reconnus de l’outil est le portail d’authentification unique pour accéder à plusieurs services. Les possibilités de travail collaboratif et l’exploitation des ressources proposées en sont à leurs débuts.

 

La FCPE, représentée ici par Patrick Palisson, déclare que la question du numérique à l’école occupe le centre des préoccupations des parents d’élèves, comme en témoigne le dernier numéro de leur lettre en ligne. Et en premier lieu, il s’agit bien de comprendre en quoi il va permettre la réussite de tous les élèves et leur bien-être à l’école. Les parents font confiance aux acteurs concernés pour le choix et le financement des équipements, à condition que l’école soit toujours  gratuite et égalitaire. Patrick Palisson insiste sur la nécessaire formation des enseignants qui doivent être en mesure d’utiliser ces technologies. Qu’attendent les parents de l’ENT ? Certainement pas la possibilité de regarder les notes de leurs enfants « par-dessus leur épaule », ni une communication à distance qui les éloignerait physiquement des établissements, ni la preuve que le prof a effectivement assuré son cours puisqu’il en a laissé une trace. Par contre, il est fort souhaitable que les enseignants s’en servent pour élargir leur palette pédagogique, pour instaurer le travail coopératif entre élèves, entre élèves et profs, et entre profs. Que les élèves aient accès à des  ressources audiovisuelles et modernes. Patrick Palisson regrette d’ailleurs qu’aucun élève ni étudiant n’ait été invité ici à exprimer son point de vue.

L’ENT s’avère un outil incontournable dans le cadre de l’enseignement à distance, pour Jean-Michel Leclerc, directeur du CNED. L’organisme a créé un ENT pour les enseignements dispensés de la  grande section de maternelle au master 2. Les services en place regroupés sur la plate-forme vont du recueil des copies en ligne aux forums et au tutorat, en passant par l’accès aux très nombreuses ressources numériques, notamment pour les formations en langues. Une sérieuse politique de transformation numérique est en cours, consistant à  revoir l’ensemble de la production des contenus et leur mise à disposition d’ici 2013.

Pour Jean Vanderspelen, consultant pour ITG, qui s’occupe essentiellement de formation pour adultes, les plateformes de téléformation induisent des changements dans les temps d’apprentissage : il n’y a plus un lieu unique pour apprendre, mais des moments, où que l’on se trouve physiquement, le temps l’emporte sur l’espace, et les modes d’apprentissage : on n’apprend plus seul, les espaces virtuels facilitent les interactions entre tous. De même, l’importance n’est plus donnée aux contenus,  mais aux activités collaboratives. On alterne les temps d’apprentissage, de production, d’interaction et on gagne en degré de liberté dans l’autorégulation des parcours. Les mots-clés des formations ouvertes et à distance (FOAD) sont aujourd’hui : Informer, encourager, rassurer, inciter à prendre des initiatives. Ces nouvelles approches favorisent le plaisir à s’engager et à interagir. Le challenge pour les formateurs consiste à  former les gens à se former tout au long de la vie, et non à leur délivrer des savoirs. Quand on parle maintenant d’enseignement à distance, il s’agit plutôt d’une distance pédagogique et culturelle que d’une distance kilométrique ! Il faut trouver un équilibre entre individualisation des apprentissages et collaboration, entre  approches individuelles et collectives. «  Apprendre à collaborer et collaborer pour apprendre », en conclusion.

Lever les appréhensions pour en arriver au plaisir

Nous entrons dans le concret avec l’intervention de Pascal Faure, conseiller TICE dans l’académie de Nancy-Metz. Depuis 10 ans, il observe l’attitude des enseignants face à l’entrée du numérique à l’école, et en particulier aujourd’hui face à l’ENT.

Les premières inquiétudes exprimées sont : « ça ne marche jamais ». Il y a un doute sur la fiabilité de l’outil, « ça prend du temps » et « je ne veux pas mettre mes cours sur Internet », ce qui dénote une mauvaise compréhension du fonctionnement du système.

Le deuxième pas consiste à s’identifier sur le système, et à éprouver des réticences face à la richesse des  possibilités : il y en a trop, je ne vais pas tout utiliser ! Donc, il faut identifier ses besoins. Ensuite, on a peur d’y passer tout son temps : je ne vais pas travailler tout le temps ! Et enfin, on ne sait pas trop à qui s’adressent les données, on a peur que tout soit vu par tous. Mais dès ce stade, l’outil fort critiqué est déjà devenu indispensable : si, si, je le garde, il y a beaucoup de documents, ça apporte quelque chose !

Vient ensuite l’étape de l’appropriation des usages courants, et  des besoins apparaissent : je veux plus de possibilités, je voudrais que ça marche différemment, et je le veux tout de suite. On se rend compte que c’est un outil collectif, ce qui entraîne une insatisfaction sur des besoins individuels et une contrainte venant de la non individualisation de l’ENT.

Enfin, vient  la « zénitude » : on ne parle plus de l’ENT, on l’utilise.

 

Mireille Bellais,  IEN à Marseille, s’est emparée du projet ENT pour le primaire en 2010, avec enthousiasme et succès, puisque 50 écoles ont rejoint le dispositif. Cet ENT et parti de la définition des besoins dans un comité de pilotage élargi aux utilisateurs. Le secret du succès a été d’une part la simplicité d’utilisation de l’interface choisie, d’autre part le libre choix d’utilisation, loin de toute contrainte hiérarchique. Un accompagnement sur le terrain par les formateurs TICE et une présence impliquée des cadres a permis de lever les appréhensions.

Jean-Pierre Rouby  IEN dans l’académie de Nice nous parle aussi de l’expérimentation du pilotage de l’ENT premier degré dans sa circonscription. Une solution ITOP adaptée au 1er degré a permis aux ENT des écoles de se regrouper sur l’ENT de circonscription. Cette harmonisation a eu un effet de stimulation sur les utilisations et les participations à des espaces collaboratifs.

André Tricot, professeur d'université en psychologie à l'IUFM Midi-Pyrénées, souligne que les tâches essentielles des enseignants et des élèves sont d’enseigner pour les premiers, d’apprendre pour les seconds, et que la question de l’utilisation de l’outil ENT est périphérique. Ceci posé, les conséquences de l’utilisation d’un outil a toujours eu des répercussions importantes sur ces actes fondamentaux (qu’il s’agisse du stylo, de la photocopieuse, ou du numérique). Il nous met aussi en garde contre de trop grandes espérances : l’arrivée de la télévision à l’école n’a pas non plus tenu ses promesses en son temps. L’observation des pratiques des étudiants montre qu’ils vont plutôt sur l’ENT « au cas où » ils y trouveraient quelque chose, plutôt qu’avec un but précis. Quant aux enseignants, ils ne comprennent pas pourquoi il faut aller faire précisément sur l’ENT ce qu’ils peuvent faire (et font souvent depuis longtemps) ailleurs, en utilisant d’autres logiciels adaptés à chaque tâche. L’ENT rassemble en une interface de multiples fonctions, ce qui est le propre des outils les moins utilisables, l’idéal étant d’associer un seul outil à une seule fonction. Si l’outil propose 1000 fonctions, chaque usager n’en utilisera de toute façon que 5.

3. Les usagers et le plaisir d’apprendre

Anne-Marie Gros nous dit que les enquêtes auprès des élèves révèlent qu’ils sont satisfaits de trouver sur l’ENT les documents du cours, de pouvoir rattraper les cours et les exercices s’ils ont été absents, disent que ça les rend plus autonomes et favorise le travail de groupes. La satisfaction des enseignants s’articule par ordre de préférence autour de l’accès aux ressources documentaires sans s’authentifier chaque fois, au travail entre collègues facilité, à la  valorisation et la lisibilité du travail au sein de l’établissement et à l’extérieur. Le lien avec les parents est également favorisé. L’ENT,  malgré ses défauts, est plébiscité par les utilisateurs.

Les parents de la FCPE s’interrogent : en quoi et comment les effets dans l’école de la troisième révolution industrielle apportent-ils  une dimension démocratique et républicaine ? Les priorités attendues de l’école qu’elle apprenne aux élèves à se servir de l’ordinateur et d’Internet, à en maîtriser les usages, qu’il y ait une véritable éducation à l’image et à la communication ; que l’école permette à tous d’accéder à des ressources documentaires  pour grandir, s’émanciper, s’autonomiser. Quant aux parents, ceux qui sont connectés apprécient de recevoir des infos (enfin !) sur l’école et sur leur enfant.

Pour les usagers du CNED, la satisfaction est évidemment à son comble, puisque l’ENT leur permet de se sentir appartenir à une communauté d’acteurs. Ici, ce n’est pas la continuité de l’établissement, c’est l’établissement lui-même qui devient accessible. Parmi les usages plébiscités, ce sont les forums entre étudiants, particulièrement et paradoxalement pour les prépas concours, suivent les échanges avec les parents pour le suivi de la scolarité, les échanges dans la  communauté enseignante, puis l’utilisation des  outils au service des communautés.

 

Comme on s’en doutait, il est difficile de parler de plaisir à propos de l’utilisation de cet outil, alors que le colloque scientifique nous confirme qu’il peut y avoir une vraie sensation de plaisir à manipuler les outils nomades comme le téléphone (vrai doudou), les tablettes tactiles (plaisir sensori-moteur), et un vrai abandon dans un plaisir intense à jouer en ligne (flow). Ici, dans un cadre contraint, constater une certaine satisfaction des utilisateurs est déjà très positif.

Béatrice Crabère

«La gouvernance- les partenariats – comment les formaliser ?»

Cette table ronde aborde les partenariats avec les acteurs de l’Education Nationale.

Le développement du numérique dans les établissements scolaires dépend des conventions passées traditionnellement entre l’Education nationale, l’Etat et les collectivités locales à différents niveaux (municipalités, départements, régions). Ces partenariats se sont avérés souvent difficiles dans le passé, malgré quelques expériences réussies, comme la mise en place de l’ENT en Midi-Pyrénées dès 2005. Doit-on poursuivre le partenariat sur le même modèle, ou définir des missions et des objectifs sur tout le territoire, et instaurer une cohérence du continuum éducatif à l’ére numérique de la maternelle au lycée ? Ne faudrait-il pas repenser les systèmes de conventionnement, ne pas s’enfermer dans des structures anciennes, pour donner toute sa chance au numérique ? La DGESCO souligne les améliorations à apporter aux structures de coopération, telles le  Conseil territorial de l’Education Nationale, qui n’est pas le meilleur instrument pour échanger, il faut rénover ces instances de discussion. Mais si la -compétence sur le numérique éducatif est  partagée,  les domaines de la pédagogie et du développement des usages restent de la compétence de l’Education Nationale.

Les oppositions persistent. Les acteurs locaux ne supportent plus de financer des équipements dont l’Education Nationale ne s’empare pas comme elle le devrait. Thierry Cagnon, de la Région Aquitaine insiste : « Donnons-nous les moyens de la réussite » ! Les collectivités locales ont beaucoup investi dans le développement du numériques, il faut des résultats, on ne peut plus se permettre d’attendre. Jean-Pierre Quignaux, de l’ADF pense qu’il faut repenser les cadres des partenariats et donner une place plus importante aux finalités et objectifs –« La vocation de l’école est de ne pas handicaper l’avenir des élèves en s’enfermant dans la tradition du passé ». Jean-Yves Capul, de la DGESCO salue l’effort considérable des collectivités locales, bien entendu, mais s’oppose à l’augmentation de leurs domaines de compétences : l’Etat prend en charge la  formation et l’accompagnement des enseignants, les  collectivités locales, les infrastructures.

Parmi ces revendications répétées au fil des ans, Bruno Roussel, de la région Midi-Pyrénées est fier de présenter un partenariat qui a fonctionné. Il fait l’historique de la mise en place des ENT dans sa région. Dès 2005 l’Ariège, l’académie et Midi Pyrénées décident de travailler ensemble pour construire le projet ENT, et ils sont rejoints par 6 autres départements. C’était la première concertation entre 9 départements. Aujourd’hui, l’ENT est généralisé. Après le succès technique, la 2ème génération d’ENT doit relever le défi des usages et des services. Une nouvelle convention simple, sur le modèle de la précédente, arrivée à terme, doit préciser le rôle du comité de pilotage et des services de mise en œuvre des orientations politiques.

Des objections dans le public viennent tempérer ce succès : dans la plupart des régions, les conventions n’aboutissent pas et la concertation est de mauvaise qualité. La réponse des intervenants (« ça, c’était avant ») sous-entend que de nouvelles relations sont possibles depuis l’avènement d’une nouvelle majorité gouvernementale. D’autre part, les partenariats qui encadrent des changements sont naturellement soumis à des frictions, et cela n’a rien à voir avec le numérique. Il est indispensable d’élargir ces partenariats aux parents d’élèves et passer à la « coélaboration », selon Jean-Pierre Quignaux.  « Il ne faut pas rester sur le clivage des compétences qui empêcheront de résoudre les défis à venir ».

Béatrice Crabère