LUDOVIA 2012 > Catégories
ExplorCamps, ateliers de démonstration déclinés sur les outils numériques mobiles et nomades

Aujourd’hui encore, deux sessions de 40 minutes nous sont proposées autour de présentations et de retours d’expériences.

Et  il va falloir choisir. L’utilisation des outils nomades en classe ouvre un large champ des possibles, et les tablettes sont malgré tout un outil assez récent pour que l’on ait besoin de quelques démonstrations sur le terrain. Je décide de ne pas m’attarder auprès des ateliers dont les activités ont été décrites au cours de la table ronde de ce matin, bien que le projet de Carole Lopez autour de la construction d’un abécédaire en grande section de maternelle avec les Ipad  m’ait vraiment impressionnée.

Je choisis pour cette première session  l’atelier de  Daniel Clero et Thierry Girault, du  CRDP de Midi-Pyrénées, autour du projet  Raconter une photo de presse : comment intégrer au projet les outils nomades de lecture et de capture.  

Daniel Clero et Thierry Girault ont pour mission d’accompagner des enseignants dans le cadre de projets centrés sur le multimédia et le numérique. « Raconter une photo de presse » a été proposé dans le cadre de la semaine de la presse, en collaboration avec le  CLEMI.
Il s’agit de proposer aux classes intéressées de faire une production radiophonique à partir des images choisies, c’est-à-dire de s’emparer d’une photo pour en faire son propre récit. La production audio ne devra pas dépasser 3 minutes.

Pour accompagner les enseignants dans leur démarche, les deux animateurs ont créé un site support où l’on peut trouver des photos de presse obtenues en partenariat avec l’AFP et la Dépêche du Midi, un kit pédagogique avec des grilles d’analyse de l’image et un kit technique pour les enregistrements audio et le travail du son. Les productions des classes sont mises en ligne ici. Pour avoir accès à l’intégralité des ressources, vous pouvez contacter directement les animateurs.

Ce projet s’inscrit dans les programmes officiels d’éducation à l’image. Les principes fondamentaux sont l’exploration de la notion de réalité, de vérité et du pouvoir de transformation de l’image, la confrontation de la certitude de la photo de presse (cette scène a vraiment existé) et de son incertitude (cette réalité est représentée). Il est alors permis de jouer avec ces images jusqu’à en modifier le sens.

Dans la démarche de l’éducation aux médias, on distingue trois étapes : s’exprimer autour de l’émotion, déconstruire par l’analyse, et communiquer en créant pour d’autres publics.

La dimension du plaisir est bien présente dans ce projet : on y trouve du jeu - s’exprimer sans contraintes, de la création - raconter autre chose, et le média radio demande l’utilisation du style radiophonique, forme d’écriture particulière, amusante. Le format de la production radiophonique est laissé au libre choix de l’enseignant, et les productions sont très diverses, du poème au micro-trottoir en passant par la mise en scène.

Pourquoi et comment intégrer la tablette numérique dans ce projet (qui n’a pour l’heure été réalisé que sur PC) ?

Tout d’abord, comme chacun s’accorde à le dire, pour l’instantanéité de l’outil et le plaisir que procure le support tactile. Les tablettes sont utilisables pour les étapes 1 et 2, mais ne permettront pas de façon satisfaisante de travailler le son (on continuera à préférer le logiciel Audacity sur PC). Les applications présentées ensuite sont également disponibles sur Ipad et sur Androïd.

La première utilisation basique est l’utilisation de la tablette comme ardoise pour montrer l’image. On peut utiliser l’exploration de l’image par agrandissement, déplacement, avec toutefois une limite due à la faible résolution. On entre alors dans l’analyse de la photo. On peut poursuivre cette analyse à l’aide de l’application Skitch, qui permet de dessiner, annoter et intégrer l’image dans Evernote, qui synchronise les document sur différents postes, et permet de faire des prises audio. Skitch permet par exemple de tracer des lignes de force, de fuite et de recadrer l’image. Il est possible en s’abonnant au flux du blog radio ARTE Radio de consulter les productions sur la tablette par l’application  Beyondpod hd ou Downcast sur l’Ipad.

Changement d’atelier pour la deuxième session : Les tablettes dans le premier degré. Présentation de logiciels existants. Réflexion sur l'adaptation des outils PC aux tablettes.

 

Jean-Pierre Lanta est conseiller pédagogique départemental dans l’Académie de Toulouse. Une de ses fonctions est d’apporter une expertise des usages du numérique aux collectivités locales qui équipent les établissements en outils informatiques. C’est tout naturellement qu’il explore les possibilités offertes par les tablettes numériques pour justifier un nouvel équipement des écoles primaires et maternelles de son département non plus en ordinateurs (les équipements des ENR Ecoles Numériques Rurales) sont maintenant obsolètes, mais il s’agit de savoir, en partant des usages, si les tablettes peuvent se substituer aux PC (fixes ou classes mobiles).

Le choix se porte sur la solution Androïd pour des raisons budgétaires par rapport à l’Ipad : on pourra équiper beaucoup plus de classes pour le même tarif), même si tous les visiteurs de l’atelier viennent d’assister à cette même table à la brillante démonstration de Carole Lopez sur Ipad avec l’Abécédaire de la grande section de maternelle. Nous allons voir que les applications disponibles pour Androïd ne permettent pas ce genre de création multimédia.

Que peut-on faire sur cet Androïd ? Du côté de la consultation, on peut naviguer sur Internet, télécharger des livres gratuits et les consulter des livres (avec un confort moindre que sur l’Ipad), stocker dans une bibliothèque. Mais on ne peut pas consulter de Cédérom. Du côté de la production, Mix Soft donne accès à une suite office classique avec traitement de texte, tableur et création de diaporama. San compter les applications en ligne si l’école est connectée. Toutes ces applications font de la tablette des pseudo PC, en moins intéressant, finalement.
La difficulté est de trouver des applications simples pour les maternelles. Le site Pepit.be permet de  récupérer des jeux flash  tactiles.

Pour ce qui est de prendre des photos, l’appareil est en mode webcam, il faut tourner l’écran vers l’objet à photographier, ce qui pose problème avec les petits.

Il est possible d’enregistrer du son, mais il est plus compliqué de le manipuler

Il faut donc qu’Androïd évolue et que des applications pédagogiques simples soient créées, car la tablette sera l’outil des élèves très rapidement. Le CATICE de Bordeaux travaille actuellement en ce sens avec une demande de tablette dédiée à la pédagogie auprès d’un développeur.

Des sites commencent à proposer des créateurs d’exercices, comme Etigliss, jeux d’étiquettes par glisser/déposer, présenté autour de la table par son concepteur, et qui enchante les enseignants du 1er degré présents.

La tablette reste cependant un outil très intéressant et incontournable : il est léger et autonome.

 D’ailleurs, les outils évoluent si vite que la solution sera peut-être de doter les familles de chéquiers-numérique à l’image des chéquiers-lecture qui existent dans la région Midi-Pyrénées. L’équipement deviendrait alors individuel et pourrait évoluer plus facilement.

On s’aperçoit donc à l’usage que la tablette est un outil très attractif en soi, mais que ses utilisations sont d’autant plus limitées que les applications nécessaires aux activités de classe ne sont pas suffisamment développées. Un net avantage qualitatif se détache pour l’Ipad, mais sa non gratuité est un obstacle pour son utilisation à grande échelle dans l’Education Nationale.

 Béatrice Crabère

Explorcamps à propos des usages de l'ENT

Le public est nombreux dans la salle du café du Casino. Les Explorcamps sur le thème des Espaces Numériques de Travail et des Réseaux Sociaux mobilisent. Ils se déroulent ce matin en deux sessions, chacune proposant 8 présentations. Il va falloir choisir une table, et renoncer chaque fois à 7 ateliers. La frustration est-elle nécessaire au plaisir ?

 

Les secrets ont souvent un certain rapport avec le plaisir. Je choisis donc de m’immiscer dans le plaisir des enseignants du premier degré de la région PACA, qui expérimentent avec succès depuis 2010 un ENT dédié, conçu en concertation avec les enseignants, l’institution (l’ENT a été présenté par Mireille Bellais IEN du Premier degré dans l’académie d’Aix-Marseille lors de la table ronde de ce matin 28 août) et les développeurs, les très jeunes Benjamin Viaud, Eymeric et Ludovic, copains de l'école d'ingénieurs, à l'origine de la solution Beneylu School.

 

 Benjamin Viaud , très enthousiate, nous présente  Les 10 secrets pour vivre heureux avec son ENT premier degré
 

Cette solution ENT a été choisie par 10 000 classes en France. Benjamin a parcouru la France l’année passée pour accompagner les enseignants, les rencontrer et il a recueilli 1800 témoignages sur le thème : « qu’est-ce qui a rendu les utilisateurs heureux ? »

Il a dégagé de l’analyse de ces réponses 10 secrets, qu’il nous présente, témoignages et illustrations drôles et évocatrices à l’appui.


Secret 1- Oser se lancer. Florence témoigne : nouvelle PE en CM1-CM2 dans une école de 14 classes. Comment s’intégrer ? Elle fait les premiers pas sur l’ENT sur les conseils d’un collègue. Les réactions positives des parents suivent : ils sont notamment rassurés car le risque des contenus illicites est écarté sur l’ENT sécurisé et les enfants sont ravis.


Secret 2 – Correspondre avec d’autres écoles. C’est un des outils offerts par l’ENT. Par exemple, on peut suivre les aventures de  « Clément aplati »  dans le Monde, et décider d’une correspondance de classe. Une PE du lycée français de Murcie confirme que l’aide en ligne est efficace et que tout est d’ne grande simplicité d’utilisation par les élèves. Leurs productions sont mises en valeur.


Secret 3- Redorer le B2I. Il ne s’agit plus de remplir des casses sur la feuille en ouvrant son traitement de texte, puis de faire tamponner par le prof soulagé. Il suffit  juste de se connecter à Beneylu pour valider une quantité de compétences du B2i. Benjamin a vu une classe de CP devenir autonome sur Beneylu en 3 mois.


Secret 4. Faire sortir sa classe – Préparer la sortie scolaire, la faire vivre pendant, après continuer le travail en invitant l’intervenant sur l’ENT. Les PE témoignent de la sécurité et de la confidentialité du blog, réservé aux enfants de la classe. On y fait le compte-rendu de la classe transplantée au jour le jour, avec textes et photos. On peut ensuite exporter le blog en fichier pdf et chaque élève repart avec une trace de son année scolaire.


Secret 5 – Impliquer les parents – Avant, c’était un problème d’entrer dans le « château fort » de l’école et d’accéder au donjon. Une directrice témoigne : dans son quartier défavorisé, l’école met les ordinateurs à disposition des parents  pendant l’étude. C’est une passerelle pour les familles qui ne viennent jamais à l’école. Maintenant, ils exigent de se connecter à « leur » Beneylu.


Secret 6 – Formuler une bonne consigne. Pour éviter d’être submergé par des mails intempestifs, des prises de rendez-vous avec les parents via l’ENT, des demandes aux heures tardives, il suffit de bien poser les choses. Il est inutile d’adapter l’ENT à chaque individu, c’est à chacun de réguler les usages par la bonne consigne. A moins d’être heureux d’être submergé ?


Secret 7– Partager son expérience – Mettre le pied à l’étrier aux collègues de l’école permet de démultiplier les usages de l4ENT et chacun est gagnant. Et en plus, ça plaît à l’Inspecteur ! Les forums d’enseignants incitent à élargir les pratiques.


Secret 8 – Profiter de sa liberté pédagogique – On peut commencer par la messagerie et le cahier de textes. Et puis, on choisit d’utiliser les outils au gré de ses besoins. Au début, c’est l’enseignant le moteur de l’ENT, puis très vite ce sont les élèves, et l’enseignant a un rôle de modérateur, d’animateur.

 

Secret 9 – Encourager les initiatives – Il est important de donner la possibilité aux enfants de se lancer très tôt, très jeune, au travers d’activités innovantes pour mieux se révéler plus tard.

 

Secret 10 – Aimer son métier. Et l’utilisation de l’ENT rend encore plus heureux car on y voit la progression des élèves, et on perçoit un regain d’intérêt pour le métier. C’est un bon remède contre la lassitude.

 

Après cet exposé, le public réagit en revenant sur le côté supposé chronophage de l’ENT, une des réticences qui empêchent les enseignants d’accéder au secret N°1- se lancer. Mireille Bellais rassure encore : les activités s’inscrivent naturellement dans le déroulement de la classe. –Une PE présente témoigne : l’outil permet au contraire de gagner du temps, les vérifications (d’orthographe, par exemple), se font en temps réel, évitant la lassitude.

 

Pour la session 2, je me trouve à la table de Pierre Barbagelata, Directeur du CDDP du Var, Responsable académique de l’accompagnement. Il intervient sur le thème Mobiliser l'ENT, comme médiation pour l'accès aux ressources, un enjeu pour les usages?

 

Une expérimentation pour faciliter l’accès et aux ressources numériques éditoriales présentes sur l’ENT et en augmenter les usages par les enseignants est actuellement menées par le CDDP du Var. La question peut évidemment être élargie à l’ensemble du territoire.

Les éditeurs de ressources numériques, le CDDP chargé de favoriser la diffusion de ces ressources achetées par les établissements, sont partis du constat d’une pratique et d’un cas d’école. Les ressources éditoriales sont peu visibles sur les ENT, ne « tombent pas sous la souris des enseignants », alors que l’ENT peut être un levier positif pour en permettre l’accès.

Comme préalable à la diffusion de ces ressources, il faut les connaître, en comprendre le besoin et en connaître les usagers. Or, les ENT ne permettent pas de faire le lien entre les ressources et les usages possibles. Les ressources sont présentées sous forme de catalogue type Corrélycée, classées par éditeur, puis présentées par l’éditeur dans un jargon professionnel qui ne met pas en valeur les utilisations pratiques. Ces ressources sont pourtant dédiées, organisées, financées, mais elles sont perçues par les enseignants comme imposées, ce qui est un frein à leur utilisation.

D’un autre côté, l’observation des pratiques des enseignants montre qu’il y a une recherche de ressources foisonnante, d’échanges, voire de fabrication en dehors de l’ENT ; qui est alors un dispositif jugé comme bloquant. L’institution, elle perçoit ces pratiques comme brouillonnes et exprime une volonté de les réguler et de les organiser.

Le constat est sévère : sur les 8 collèges sélectionnés pour l’expérimentation, aucune ressource éditoriale n’est utilisée via l’ENT, alors qu’elles peuvent être utilisées en dehors (y compris le manuel utilisé en classe). Par contre, certains professeurs mettent sur leurs espaces classes des sitographies  avec d’autres ressources que celles qui sont déjà achetées.

Comment amener les enseignants à utiliser ces ressources « sans les obliger » ? Voila le problème ambigu qui se pose au monde de l’édition Les actions mises en place sont décrites ainsi : identifier les pratiques,  valoriser la démarche existante,  constituer de groupes thématiques et  donner la place de porte –parole aux professeurs qui utilisent déjà des ressources autres, les médiatiser et les amener à partager leur action, c’est-à-dire leur donner de la lisibilité au niveau de l’établissement cela passe par une meilleure présentation des onglets de l’ENT : sous la rubrique « Ressources », des sitographies ont été élaborées par les équipes disciplinaires à partir d’un consensus. Les ressources  éditoriales y côtoient d’autres ressources, choisies parmi celles utilisées librement par les enseignants. Avec pour point de mire la réintroduction des ressources éditoriales dans la pratique enseignante.

 

Le public émet le souhait de voir ces ressources classées selon leur intérêt ou le plaisir qu’ont eu ls enseignants de l’équipe à les utiliser. Il semblerait que ce soit incompatible avec le cadre institutionnel que représente l’ENT, qui  inclut une pratique commerciale avec les éditeurs.

Béatrice Crabère