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Aref2010 > Messages > Compétences : jeter le bébé avec l'eau du bain ?
Compétences : jeter le bébé avec l'eau du bain ?
Evaluation
Le symposium va discuter la notion de compétences en éducation. Attention, risque de turbulence.

younesNathalie Younès (Clermont) essaie de comprendre comment  la prescription de l'évaluation par compétences se met en oeuvre dans un collège "ordinaire", sans formation ni accompagnement particulier, comme c'est généralement le cas. Elle met sous sa loupe les pratiques d'enseignants en matière d'évaluation des compétences rédactionnelles, dans un établissement dont les élèves eux-mêmes jugent que l'ambiance n'est pas au travail soutenu. Lorsqu'elle interroge les enseignants sur le sens qu'ils donnent à l'évaluation, ils sont relativement peu satisfaits de leurs pratiques, un peu coincés entre la volonté de ne pas stigmatiser les élèves en difficultés et de continuer à pouvoir étalonner le niveau des uns et des autres. Les élèves sont plus directs : pour eux, la note de la copie, c'est l'attribution de valeur et de rang dans la classe. Il faut dire que nombre d'entre eux ne voient pas forcément non plus à quoi leur sert d'apprendre à produire des textes, si ce n'est pour rédiger une lettre de motivation... Selon ses observations, N. Younès considère que chaque enseignant bricole ses pratiques d'évaluations sans en être très content, mais sans que ce soit un objet d'échanges  collectifs. Peut-on pratiquer une "évaluation encourageante" sans être considéré comme un prof laxiste par ses pairs et par les élèves ? Comment ne pas passer trop de temps à réaliser des évaluations dont on n'est même pas sûr qu'elles changent quoi que ce soit  ? Dans un contexte social où élèves et familles semblent surtout chercher dans les notes un moyen de "passer" dans les bonnes filières, de décrocher les diplômes ou d'obtenir des places, rien qui  semble susceptible de susciter des évolutions dans les pratiques et représentations des uns et des autres...
mottier

Dans l'approche formative de l'évaluation, on s'intéresse beaucoup aux feedbacks, aux régulations faites par les enseignants, mais aussi aux diverses régulations qui traversent la classe, qui ont des effets sur les comportements et l'activité cognitive des élèves. C'est l'objet de recherche Lucie de Motier-Lopez (Genève).
Une question habituelle posée à l'évaluation formative est aussi l'articulation entre les "situations complexes" et les "tâches spécifiques".
Travaillant avec des élèves de 8 à 12 ans, elle filme des leçons de maths, et demande aux enseignants de sélectionner le passage qui leur semble pouvoir illustrer une situation d'évaluation formative, puis co-analyse avec eux ce qu'on peut en penser. Ce travail permet au groupe de tirer de conclusions sur les "manières de faire " qu'ils jugent pertinentes. Lorsqu'il est sollicité par les élèves qui n'arrivent pas à faire ce qu'on leur demande,  l'enseignant passe du temps à écouter l'explicitation de ce qu'il a fait,  des procédures qu'il a utilisées, afin de mesurer ce qu'il a fait pour arriver à ce résultat. Lorsque ces explicitations ne semblent pas satisfaisante, l'enseignant fait alors des choix explicatifs : expliquer une procédure particulière, revenir à l'énoncé ou sur le sens du problème, décomplexifier la tâche, rappeler des connaissances qui peuvent faire ressource... L'enseignant doit donc mobiliser des compétences professionnelles pour pouvoir anticiper, ajuster, évaluer à la volée, cadrer, identifier les obstacles, penser la progression des apprentissages à la fois dans des temporalités courtes et des progressions longues... Une longue liste qui amènera de l'eau au moulin de ceux qui pensent qu'enseigner est un métier qui s'apprend, nombreux dans les travées de l'AREF...

chenu

La réflexivité est-elle une garantie d'acquisition de compétences et de capacité de transfert ? C'est en tout cas ce que prônent les adeptes des compétences lorsqu'ils définissent le mot comme la capacité à "transférer" un apprentissage d'une situation à l'autre. Lorsqu'il interroge des adultes, en entreprise ou à l'université, il constate que tous sont loin d'avoir le même point de vue sur la "similarité" éventuelle de deux situations. Florent Chenu est donc aller voir du côté des analyses de la didactique professionnelle
pour comprendre ce qui fait que deux situations pourraient avoir des similarités. Il rencontre donc un nouveau groupe de professionnels avec qui il réalise des entretiens d'explicitations pour mesurer ce qu'ils peuvent dire de ce qu'ils font en situation, des ressorts de leur activité.. Il constate que pour une même opération, les raisonnements qui les sous-tendent peuvent être très différents, même quand la tâche est réussie, et conclut en remettant en cause le modèle de référence des "classes de situation".

chenu
Comment les enseignants réagissent-ils au modèle d'évaluation "en trois phases" mis au point par son groupe de recherche ? se demande Vincent Carette au début de son intervention. En effet, beaucoup de monde parle des compétences, le terme envahit l'espace sans qu'on soit en capacité de le discuter. Les Etats veulent à la fois piloter le système en le régulant par l'évaluation des établissements, sous la prission des parents-clients, et modifier les pratiques pédagogiques par les enseignants sur la base de ces résultats. Or, on ne sait pas si la notion d'efficacité en éducation se ramène à ces injonctions : est-on réduit à choisir entre enseignant dirigiste ou enseignant animateur ? entre évaluation de procédure ou évaluation formative ? entre "apprentissages de base" et démarche de problème ? entre approche "scientifique" et enseignement socio-constructiviste ? 
Carette refuse de jeter les compétences avec l'eau du bain : "on attache la notion de compétences. avec le modèle du socio-constructiviste. Mais vouloir former des élèves "compétents" ne signifie pas un enseignement par compétence. Quelles que soient les légitimes critiques contre les attaques libérales contre l'école, je propose de rester modeste devant l'ampleur de ce qui nous échappe. On ne peut pas actuellement garantir qu'un type d'enseignement amène nécessairement la construction de compétences. Commençons par informer et former les enseignants à développer leur capacité collective à se poser les questions de l'efficacité de leurs pratiques, plutôt que de prescrire la "bonne" manière d'enseigner".
C'est pourquoi son équipe a proposé aux enseignants belges un outil basé sur une évaluation en trois phases, dans laquelle on cherche à évaluer d'abord les compétences mobilisées par l'élève sur une tâche inédite (phase 1), avant de proposer aux élèves une seconde phase : la même tâche est découpée en tâche élémentaires, avec des consignes explicites, présentées dans l'ordre où elles doivent être accomplies. Enfin, si nécessaire, on évalue dans une troisième phase la maîtrise des procédures de base à utiliser dans les différentes phases du problème à réaliser.
Dans ce cas, les enseignants peuvent à la fois mieux comprendre les référentiels, évaluer leurs propres pratiques, réaliser un diagnostic sur les compétences des élèves, et travailler à comprendre "en situation" comment agir. Mais il pose des limites qu'il a constatées lorsqu'il regarde les enseignants contruire et utiliser ce genre d'épreuves : "cela nous prend beaucoup de temps", le fait que les épreuves "papier-crayon" ne permettent pas de "faire" (et donc de mesurer ce que les élèves savent faire effectivement !). Mais la "phase 2" (décomposition de la phase complexe) se fait toujours selon une certains logique, dont on constate qu'elle "bloque" certains enfants qui ne parviennent plus à avancer lorsqu'on les contraint à passer par un cheminement de pensée et d'action.
chenu

Prenant un exemple dans le second degré avec la correction de dissertations en SES, Marc Vantourout et Rémi Goasdoué focalisent leur attention sur l'activité de l'évaluateur, et des problèmes posés par la correction à l'enseignant. Bien sûr, ils retrouvent les biais qui influencent la notation. Ils postulent que lorsqu'ils évaluent, les enseignants infèrent, à partir de la production des élèves, sur ce qu'ils ont compris du texte qu'ils ont lu, de leurs connaissances dans la discipline d'enseignement, de leurs capacité de raisonnement. Ils en concluent que les correcteurs pratiquant l'évaluation par compétences relèvent légèrement les notes des copies moyennes, sans pour autant valoriser les copies considérées comme "mauvaises". Leur grille de référence leur sert sans doute de "garde-fou" : elle comorte des indicateurs, des niveaux d'exigence et un barème. Mais même ceux qui utilisent cette grille peuvent avoir une notation très différente sur un critère particulier. C'est sans doute parce que les "inférences" faites par les enseignants sur les phrases de la copie ne sont pas toutes identiques : certains concluent qu'une phrase définissant approximativement un concept est le signe d'une ébauche de compréhension, quand d'autres attendent une terminologie précise pour valider l'attendu. Certains prennent l'élève "au pied de la lettre" quand d'autres infèrent que l'élève à compris, malgré les formulations maladroites. Pas de magie des outils, donc, et la professionnalité de l'enseignant ne se résume pas à son appropriation d'une grille de compétences. Bonne nouvelle, non ?

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