Qui aime bien, châtie bien. Qui n’aime pas, châtie bien aussi. Le 30 novembre, le Snes a à la fois expliqué clairement pourquoi il faut garder un examen avec des épreuves nationales et fait un portrait ravageur d’un examen trop facile et donné. Mais peut on encore sauver le bac ? Peut on résister à la tempête qu’Emanuel Macron fait souffler sur le lycée ? Le futur lycée est pris entre les exigences des universitaires , qui vont fixer des pré-requis pour chaque filière du supérieur, et la perspective d’un bac allégé, réduit à 4 épreuves terminales. Le syndicat défend le maintien de toutes les disciplines au bac face à la volonté ministérielle du bac modulaire. Il est pris entre les auditions des multiples commissions de réforme et les décisions qui tombent du chateau comme si elles n’existaient pas. La blitzkrieg du lycée est entamée.
Un diplôme qui a du sens
Pour parler du bac et de la réforme du lycée, le Snes a fait venir le 30 novembre des représentants des syndicats voisins : le Snuep (enseignement professionnel) et le Snetap (enseignement agricole).
Pour le Snes, « le bac a du sens ». Et le syndicat le démontre en rappelant que « tout le monde n’a pas le bac », notamment la grande majorité des enfants d’ouvriers non qualifiés. Le syndicat combat aussi l’idée que le bac ne sert plus à rien : le taux de chômage passe du simple au double entre bacheliers et non bacheliers.
Plus intéressant encore, le Snes combat l’idée que le bac français serait dépassé et évaluerait mal les élèves. Le Snes s’appuie sur une étude du Cnesco pour montrer qu’au contraire c’est le modèle français qui devient la norme dans l’OCDE, celui d’un examen national avec des épreuves finales nationales. On le voit par exemple en Grande Bretagne. Les effets discriminants et inégalitaires du controle continu sont bien établis. Le lien entre réduction du nombre d’épreuves et inégalités aussi.
Le bac décrié
Malheureusement le Snes accompagne aussi ce discours de critiques mortifères pour le bac. Une enquête auprès de 2260 professeurs, majoritairement adhérents du snes, montre que deux sur trois sont hostiles à limiter le bac à 4 épreuves et 7 sur 10 contre le controle continu. Mais 39% jugent le bac trop facile et presque la moitié dénonce des pressions sur l’évaluation au bac. Le Snes cite des cas de proviseurs ou d’inspecteurs qui remonteraient les notes. Une accusation qui décrédibilise l’examen. La moitié des enseignants sondés est aussi pour une note éliminatoire au bac.
Désarroi
Cette contradiction reflète le désarroi des syndicats face à ce qui se passe. Le gouvernement mène une véritable blitzkrieg en éducation avec la volonté de trancher et trasformer en quelques semaines. Le ministre tronçonne les sujets. Il multiplie les consultations. A coté de la consultation Mathiot sur le bac, il y a celle sur l’orientation dans le supérieur, et une autre mission sur le professionnel. Toutes trois, qui traitent de sujets en relation les uns avec les autres, vivent leur vie séparément… Par exemple l’enseignement professionnel est tenu à l’écart du débat sur le supérieur ce qui en dit long. Toutes ces missions consultent mais les décisions viennent d’ailleurs. Les syndicats sont reçus comme n’importe quelle association mais pas plus. C’est l’Elysée qui mène la danse avec la brutalité de la jeunesse…
Quel projet gouvernemental ?
Du coup ils savent peu de choses du vrai projet gouvernemental. Pour le Snes, à coté des 3 à 5 épreuves terminales du bac, dont on sait qu’elles comprendront le français, la philosophie et les maths et probablement une grande épreuve orale pluridisciplinaire, les autres disciplines pourraient être évaluées au controle continu mais avec un protocole de péréquation national. Le Snes dénonce déjà la complexité de la chose.
La réforme s’accompagnera de nouveaux programmes pour le lycée. Selon F Rolet, le ministère ne lancerait leur réforme qu’en 2019 en même temps en 2de et 1ère. Il y aurait peu de changements à la rentrée 2018.
Nul ne sait si les 3 voies, général, technologique et professionnel, seront maintenues. Le gouvernement semble pencher vers un lycée modulaire où le jeune choisirait une grande partie de ses disciplines en fonction des pré requis du supérieur.
Ce système à l’anglaise augmenterait les inégalités selon le Snes entre les jeunes prenant les meilleures voies et les autres. Pour les bacheliers technologiques et professionnels il signerait leur mise à l’écart. Le destin de ces jeunes se scellerait en 3ème. Quant à l’enseignement agricole il est maintenu en dehors des consultations.
L’extraordinaire inversion du rapport secondaire – supérieur
« Les universitaires nous disent qu’ils n’ont rien à faire du bac car il ne sera plus un élément déterminent pour l’accès au supérieur et l’affectation en université », explique Claire Guéville , secrétaire nationale lycée du Snes. « C’est eux qui choisiront avec les pré requis ».
C’est cette inversion révolutionnaire qui se dessine. Les clés de l’accès au supérieur, que les enseignants du secondaire détiennent, vont passer dans les mains des universitaires. Par suite, effectivement le bac devient tout à fait secondaire. Et le lycée modulaire devient presque incontournable pour adapter l’offre en lycée aux pré requis exigés par le supérieur.
Et là on mesure que ce n’est pas que le bac mais les enseignements aussi qui seront pilotés par le haut. Avec la quasi certitude d’en voir un grand nombre disparaitre soit officiellement soit réellement.
L’éclatement à venir du lycée
« On sait que si on diminue les heures des disciplines on va faire des économies », prédit F Rolet. C’est à la fois une culture commune, avec cet examen commun à 700 000 jeunes, et un modèle d’enseignement qui pourraient disparaitre en quelques semaines dans le maelstrom macronien.
Le Snes , qui demande le retrait du projet de loi sur l’orientation, veut davantage de temps pour toutes ces réformes. D’ores et déjà le Snes pense à la résistance. Il demandera aux enseignants de ne pas mettre de veto aux demandes d’orientation des élèves au 2d trimestre.
François Jarraud
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