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Que disent des enseignants expérimentés des mauvais résultats de Pirls ? Pour Francette Popineau, secrétaire générale du Snuipp Fsu, « la réponse pédagogique n’est pas suffisante ». Il faut aussi une réponse sociale à la misère qui frappe les classes. Véronique Vinas enseigne dans l’éducation prioritaire depuis des années. Elle souligne le manque de formation des enseignants pour faire réussir les enfants de milieu populaire. Stéphane Crochet, pour le Se Unsa, pointe aussi les incohérences du discours ministériel.

Francette Popineau

« Cessons de chercher la bonne méthode magique », prévient d’emblée F Popineau. « Arrêtons de douter de l’Ecole au plus haut niveau de l’Etat. Posons des actes : la formation dont on entend parler depuis 10 ans alors qu’on n’a rien. Diminuons la taille des classes pas seulement en CP. Il faut un plan d’investissement dans l’école. Il n’y a pas d’autre choix. Il faut des actes à la place des querelles stériles ». Sur la formation, elle demande qu’on ne confonde pas  » conférence pédagogique qui sont très descendantes avec des formations participatives. Qualitativement aussi on est en retard ». Une allusion directe à l’annonce ministérielle de puiser dans les 18 heures de formation annuelle.

Francette Popineau, secrétaire générale du Snuipp Fsu, le premier syndicat des professeurs des écoles, met l’accent sur certains résultats de Pirls. « Aux explications classiques il faudrait ajouter le sentiment de dévalorisation que ressentent les enseignants », dit-elle. En effet, l’enquête Pirls montre que les enseignants français sont ceux qui sont les moins satisfaits de leur métier. « Cette mauvaise perception résulte en partie des changements imposés à chaque alternance politique. La bagarre sur le syllabique , par exemple, devrait rester derrière nous ».

Pour elle, les difficultés de compréhension ont aussi une dimension sociale. « On marginalise une partie de la population. L’Ecole seule ne peut pas y arriver. Il faut une politique forte autour de l’école. C’est une question politique, celle de l’appauvrissement d’une partie d ela population que l’on éloigne de la culture. Il y a une négligence de notre école pour certains enfants. Les réponses pédagogiques ne vont pas suffire ».

Véronique Vinas

Directrice d’une école en Rep+, Véronique Vinas a une longue carrière dans l’éducation prioritaire derrière elle. « Je suis étonnée de la magie qui ferait des dédoublements des solutions à nos problèmes, dit-elle. « Comme si dédoubler sans rien changer d’autre allait tout régler. Les dédoublements », ajoute-elle, « sont une bonne nouvelle. Mais malheureusement on déshabille Pierre pour habiller Paul en arrêtant les « plus de maitres ».

Pour elle, les enseignants ne savent pas s’y prendre avec les enfants de milieu populaire faute de formation. « A ces enfants on donne du déchiffrement comme si le reste, la compréhension, c’était pour les autres ». V Vinas insiste sur la formation : « il faut travailler très tôt la compréhension », explique-t-elle. « Je ne comprends pas que le travail de R Goigoux ne soit pas davantage diffusé ».

Pour elle, les postes affectés aux dédoublements auraient été mieux utilisé pour permettre une formation continue.

Stéphane Crochet

 » A une situation des plus préoccupantes, le ministre répond par un plan hors-sujet axé sur le déchiffrage et la maîtrise du code. Avec son programme « maîtrise de la langue française », il évacue la question de l’accès au sens et privilégie les apprentissages formels en relançant les découpages traditionnels (orthographe, grammaire, vocabulaire) », explique Stéphane Crochet, secrétaire général du Se Unsa. « Il faudrait laisser du temps aux derniers programmes de 2015, élaborés dans le consensus, en prenant appui sur les travaux de la recherche. Pourtant, ils seraient déjà remis en cause par des progressions et repères annuels et des « ajustements nécessaires ».

Pour le SE-Unsa, « le ministre passe à côté de l’occasion de mobiliser l’ensemble de la communauté éducative pour relever le défi majeur de la maîtrise de la langue et de l’accès de tous à une compréhension autonome de l’écrit. Il faudrait un grand plan de formation initiale et continue ambitieux et inscrit dans la durée. Avec les neuf heures annuelles prévues par le ministre, nous sommes très loin du compte ».

Propos recueillis par François Jarraud

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