Publié par le Haut Conseil à l’égalité, le rapport sur l’éducation à la sexualité est très sévère pour l’Education nationale. Il souligne l’abandon de toute initiative en ce domaine depuis 2013 suite aux initiatives de la Journée du retrait de l’école. Mais plus globalement il montre la grande frilosité de l’institution scolaire sur l’éducation sexuelle. Le rapport invite à une nouvelle pédagogie de l’éducation sexuelle faisant davantage appel aux jeunes et prévoyant des moments non mixtes.
« Le HCE observe que parmi les 12 millions de jeunes scolarisé.e.s chaque année, seule une petite minorité bénéficie tout au long de leur scolarité de séances annuelles d’éducation à la sexualité, comme la loi l’a prévu », affirme le rapport du Haut conseil à l’égalité (HCE). « Alors que les jeunes sont en attente d’éducation à la sexualité, les difficultés des adultes à aborder ces questions entravent l’élaboration assumée d’une politique publique d’éducation à la sexualité qui informe et accompagne chaque jeune de manière adaptée à son développement et à ses besoins ».
Pas d’évolution des stéréotypes
Le rapport commence par un bilan sur la sexualité de sjeunes qui montre peu d’évolution depuis les années 1990. Le premier rapport sexuel pour les filles comme pour les garçons se situe à 17 ans. Il note un relachement dans l’utilisation du préservatifs qui conduit à une augmentation des cas de transmission du sida et des MST chez les jeunes.
Par contre le rapport souligne aussi l’absence d’évolution dans les représentations des jeunes. Les stéréotypes continuent à peser sur les comportements. « Les stéréotypes de sexe favorisent des violences sexistes sous diverses formes, touchant en particulier les jeunes femmes : harcèlement via les réseaux sociaux, agression sexuelle, prostitution, harcèlement dans les transports, mutilations sexuelles, violences au sein du couple, etc… Par conséquent, les enjeux d’égalité posés par l’éducation à la sexualité sont nombreux : accès à l’IVG et à la contraception, prévention des grossesses à l’adolescence, prise en compte du désir et du plaisir des jeunes femmes, stigmate de la « réputation », inégalités et violences sexistes au sein d’un groupe ou au sein du couple, question du consentement, instrumentalisation des codes culturels et religieux justifiant l’inégalité filles-garçons, invisibilisation et intolérance vis-à-vis de l’homosexualité et notamment du lesbianisme. »
La sexualité absente des nouveaux programmes
En ce qui concerne l’éducation nationale, le rapport montre qu’un quart des écoles ne mettent en place aucune action d’éducation à la sexualité. Pire, le mot « sexualité » est le grand absent de nouveaux programmes . » Le terme « sexualité » n’y est mentionné que dans une seule fiche, associé à la reproduction : dans le cycle 4, concernant les Sciences de la Vie et de la Terre « , affirme le rapport. « Lorsque l’éducation à la sexualité est intégrée à des enseignements disciplinaires, elle est largement concentrée sur les sciences (reproduction) plutôt que d’être intégrée de manière transversale en lien avec la dimension citoyenne et l’égalité filles-garçons » C’est sous l’angle d la reproduction eu du sida que l’éducation sexuelle est abordée principalement en CM1 et CM2 puis en 3èeme et 4ème.
Le rapport se livre aussi à une analyse sévère des supports conçus par la Dgesco (direction de l’enseignement scolaire). Le Guide de formation des formateurs et formatrices est « caduque et inacceptable ». Le HCE dénonce » une vision biologisante de la sexualité qui affirme très clairement et sans nuance que la sexualité est un fait de nature et qu’elle est par définition d’abord un mode de reproduction ».
Des guides ministériels inacceptables
Ce n’est pas mieux pour l’autre outil de la Dgesco, le Guide d’intervention. » Ce guide d’intervention, réactualisé en 2008159, contribue également à véhiculer des stéréotypes plutôt qu’il ne les décrypte. Par exemple, la mention « Les filles semblent attacher une plus grande importance à la relation amoureuse, alors que les garçons paraissent davantage préoccupés par une approche plus “technique” » (p. 25), bien que nuancée, n’est pas accompagnée d’outils pour lutter contre ces stéréotypes et favoriser l’égalité entre les sexes. ». Quant à la lesbophobie elle est totalement occultée…
Pourtant, l’arrivée au pouvoir de F Hollande avait relancé l’éducation sexuelle dans l’éducation nationale. Mais » l’impulsion donnée fin 2012/début 2013 sur l’éducation à l’égalité est de courte durée, freinée par les mobilisations réactionnaires contre l’ouverture du mariage aux couples de même sexe dans un premier temps, puis contre la sensibilisation à l’égalité filles-garçons et l’éducation à la sexualité. »
La trahison de 2013
L’épisode des ABCD de l’égalité tourne au désastre. Après les Journées de retrait de l’école , B Hamon en 2014 retire les ABCD. » Ce revirement est vécu comme un recul, aussi bien par les syndicats d’enseignant.e.s et de lycén.ne.s que par les associations de terrain, qui vient délégitimer le rôle de l’école sur cette question », écrit le rapport. Depuis « l’éducation à la sexualité fait quant à elle désormais l’objet d’une certaine frilosité ».
Pour le HCE, « les jeunes et leur épanouissement personnel ne doivent pas être pris.e.s en otage par la panique morale d’une frange de la population. Le HCE appelle donc les pouvoirs publics à une relance claire de la politique d’éducation à la sexualité ».
Une nouvelle pédagogie
Le rapport recommande la nomination d’un délégué académique à l’éducation sexuelle dans chaque académie et la relance de l’éducation sexuelle dans els établissements. Mais c’est surtout sur la pédagogie à utiliser que le rapport est productif.
» Il est temps de changer de paradigme et de parler d’une sexualité synonyme de plaisir et d’épanouissement personnel. Les mises en garde et les cours magistraux doivent évoluer, et faire la place à une autre approche de l’éducation à la sexualité, parfois déjà mise en oeuvre, qui parte de la parole des jeunes elles.eux-mêmes », écrit le rapport.
Le rapport propose des outils d’éducation à la sexualité plus efficaces que ceux de l’éducation nationale. Il invite à faire appel à la formation par les pairs. Il envisage des séquences de formation partant des questions des jeunes avec des temps mixtes et non mixtes.
Dans un communiqué du 15 juin, la FSU apporte son soutien au rapport. » La FSU sera attentive particulièrement à la manière dont le ministère de l’Éducation nationale s’emparera des recommandations du HCE, en terme de pilotage national et académique, de formation des personnels, de moyens et de ressources, afin que tous les établissements scolaires puissent s’en emparer, et que, de la maternelle au lycée, le droit fondamental à bénéficier d’une éducation à la sexualité soit effectif pour chaque jeune ».
En 2013 la jeune ministre de l’égalité et des droits des femmes nous confiait ses espoirs dans les ABCD de l’égalité et la lutte contre les stéréotypes de genre dans l’éducation nationale. Elle devrait entendre l’avis du HCE…
François Jarraud