Le Tea Party à la française existe. Et il se manifeste sur le terrain scolaire. La rencontre, le 28 juin, entre le Snalc, un syndicat souvent classé à droite, et la Fondation pour l’Ecole, l’organisation qui défend les intérêts des écoles hors contrat, a mis en évidence l’identité profonde de ce mouvement. Attaché à une vision religieuse de la société, il se définit aussi par un programme qui vise la mise en concurrence généralisée de l’Ecole et des enseignants. Additionner les deux c’est mettre en place un vrai projet réactionnaire pour la société française et son Ecole. La Fondation apparait bien comme un laboratoire pour la droite en 2017.
Très actifs depuis l’annonce , par N Vallaud Belkacelm, d’un régime d’autorisation et de contrôles plus sérieux pour les écoles hors contrat, les patrons de la Fondation pour l’Ecole, Lionel Devic, un avocat spécialiste des fondations financières, son président, et Anne Coffinier, sa directrice générale rencontraient le 28 juin les dirigeants du Snalc, François Portzer , son président, et Jean-Rémi Girard et Albert Jean Mougin, vice présidents.
A l’origine de la rencontre, un communiqué du Snalc qui demandait un contrôle des écoles hors contrat. L’explication a bien eu lieu le 28 juin. Elle a mis en évidence les différences et surtout la spécificité des défenseurs des écoles hors contrat.
Contradictions sur le socle
Le projet de texte ministériel prévoit d’instaurer un régime d’autorisation des écoles hors contrat d’une part et de les soumettre à des vérifications sur le respect du socle et de ses cycles.
Deux points que refusent A Coffinier. « On n’a pas à tenir compte des objectifs de fin de cycle », explique-t-elle. « On comprend les motivations du gouvernement mais on ne veut pas être tenus par des vérifications à mi parcours ». Pour la Fondation, ces vérifications empêchent les écoles d’avoir une pédagogie libre. « On propose de sortir cette référence au cycle du projet de décret au bénéfice de la déclaration lors de l’ouverture des écoles d’un programme d’établissement qui serait transmis à l’inspecteur ».
Mais les contradictions sont là. La Fondation reconnait l’obligation de respecter le socle commun. Mais pas tout à fait… Les écoles Espérance banlieue, liées à la fondation, ont par exemple revendiqué le fait de ne pas faire d’activités d’éveil. A Coffinier explique que plusieurs écoles refusent le premier point du socle car elles sont contre le numérique ou l’apprentissage d’une langue à l’école primaire. Cela n’empêche d’ailleurs pas la Fondation de revendiquer en même temps des programme nationaux obligatoires pour toutes les écoles avec contrôle par l’Etat. Mais elle se prononce pour les programmes de 1882…
La Fondation refuse aussi le régime d’autorisation, envisagé par le gouvernement, qu’elle juge inefficace alors que le système actuel permettrait de retirer rapidement les enfants d’une école déviante. Car pour la Fondation, le danger c’est l’islam « qui a de la peine et pas l’intention de distinguer le spirituel et el politique ». A Coffinier se plaint que l’Etat vérifie beaucoup plus les écoles catholiques que les écoles musulmanes. Elle se déclare d’ailleurs favorable au vademecum des inspecteurs que le ministère a annoncé, jugeant les inspecteurs notoirement incompétents sur le plan juridique…
Non à la charte de la laïcité
Mais la discussion avec le Snalc fait vite apparaitre les deux moteurs idéologiques de cette Fondation. D’abord la place de la religion catholique d’où découle une conception de l’école. « L’école est une institution auxiliaire des parents », estime A Coffinier. La liberté des parents de donner une instruction conforme à leurs souhaits passe avant les droits de l’Etat. L’Etat est garant d’un niveau de connaissances donné à l’enfant.
« L’école publique n’est pas capable de neutralité religieuse », déclare A Coffinier. Elle se déclare contre la charte de la laïcité qui ne devrait être valable que pour l’école publique. L’école hors contrat doit pouvoir enseigner la religion en toute liberté.
En même temps la Fondation se présente comme d’utilité générale. « On expérimente au service de tous », affirme L Devic. Pour lui l’école publique « ne peut pas se réformer sans critique extérieure ». Le contre projet des écoles hors contrat servirait ainsi l’amélioration de l’école publique…
« Get my money back »
Alors ce que propose la Fondation c’est le système anglais des academies ou les charter schools américaines. On donne aux parents un chèque éducation qu’ils peuvent dépenser dans l’école de leur choix. On arrive ainsi à l’éclatement du système éducatif et à l’appauvrissement de l’école publique, ce qu’ont vécu les états américains qui ont accepté les charters schools. Les familles aisées fuient l’école publique où ne se retrouvent plus que des jeunes des milieux défavorisés. Et en même temps le budget des écoles publiques s’effondre du fait des versements au privé.
Cette revendication revient sans cesse dans la discussion. « Rendez nous la gratuité », demande A Coffinier. Elle relève que les parents du hors contrat « payent l’école quatre fois » puisqu’ils payent l’école publique ,le privé sous contrat, le soutien scolaire défiscalisé et les écoles hors contrat. En fait les écoles de la Fondation bénéficient déjà du régime fiscal accordé aux association d’utilité publique : les parents peuvent déduire les sommes versées de leurs impots.
Des écoles entreprises
Ces écoles privées doivent fonctionner comme des entreprises avec un chef d’établissement ayant le droit d’embaucher et de licencier les enseignants. Ceux ci doivent être évalués selon les résultats de leurs élèves. « Je sais que le mot performance fait sauter les profs aux rideaux », déclare A Coffinier. Mais elle se réfugie là aussi derrière les pratiques anglaises et américaines. « Libérer les professeurs c’est les rendre comptables de la progression de leurs élèves », dit-elle.
La Fondation pour l’école n’a pas convaincu le Snalc. Le Snalc s’est opposé à cette vision manageriale de l’école au profit d’un droit régalien de l’Etat sur l’école. Il a aussi défendu une vision laïque de l’école avec une vigueur dénoncée par A Coffinier. Enfin il a souligné les inégalités sociales qui résulteraient du modèle vanté par la Fondation.
Mais peu importe. Le modèle du chef d’établissement entrepreneur doté d’une large autonomie fait son chemin chez les soutiens politiques de la Fondation. Dans le débat de 2017, elle apporte un autre projet d’Ecole auquel les vainqueurs pourraient succomber. L’Ecole avec..
François Jarraud