Dossier spécial
Le thème est déjà présent dans les programmes de 4ème et de 1ère. Mais une demande sociale assez forte, la publication de nouveaux ouvrages scientifiques tendent à lui donner plus de place dans l’enseignement.
La France rattrapée par son passé colonial
« L’oeuvre coloniale » de retour dans les manuels ? « Les programmes scolaires reconnaissent… le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord ». Cette instruction aurait eu sa place dans les programmes d’histoire de la IIIème République. Elle est pourtant extraite d’une loi adoptée le 10 février 2005. Dans Le Monde, des historiens (Claude Liauzu, Gérard Noiriel, Lucette Valensi etc.) demandent son abrogation « parce qu’elle impose une histoire officielle, contraire à la neutralité scolaire… (et) un mensonge officiel sur des crimes ». Une initiative qui suscite les réserves de Guy Pervillé qui d’une part recadre la loi par rapport à celle du 21 mai 2001 et d’autre part souligne que « l’intervention des historiens dans ce débat sera d’autant plus convaincante qu’elle ne donnera pas l’impression de juger avec deux poids et deux mesures suivant que la loi est « de gauche » ou « de droite ».
http://www.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/acheter.cgi?offre=ARCHIVES&type_item=ART_ARCH_30J&objet_id=894231
http://www.liberation.fr/page.php?Article=285319
http://www.assemblee-nationale.fr/12/ta/ta0389.asp
http://www.humanite.presse.fr/journal/2005-04-01/2005-04-01-459479
http://www.ldh-toulon.net/breve.php3?id_breve=210
Les historiens exigent le retrait de la loi sur la colonisation positive
« Scandalisés par ces propos, nous demandons au ministre de l’Education nationale – qui est demeuré jusqu’ici silencieux sur cette loi – de se prononcer ». Des historiens P. Vidal-Naquet, E. Benbassa, J. Beaubérot, C. Liauzu, S. Thénault etc.) s’indignent des propos tenus par le ministre aux anciens combattants qui a qualifié de « pseudo-historien » C. Liauzu parce qu’il avait critiqué la loi qui exige d’enseigner « le rôle positif de la présence française d’outre-mer ». Ils entendent bien crever l’abcès et faire annuler cette loi qui réécrit l’histoire.
http://permanent.nouvelobs.com/societe/20050920.OBS9691.html
http://cafepedagogique.net/lemensuel/lenseignant/schumaines/histoire/Pages/2005/61_accueil.aspx
La mémoire de l’esclavage à l’Ecole
Le Comité pour la mémoire de l’esclavage a remis au premier ministre son rapport. Il demande l’insertion de l’esclavage à une place significative dans les manuels scolaires et la création d’une semaine d’actions de sensibilisation, autour du 10 mai, dans les établissements. En collaboration avec l’académie de Rouen il met en ligne une bibliographie pédagogique.
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/brp/notices/054000247.shtml
http://www.comite-memoire-esclavage.fr/
http://www.ac-rouen.fr/pedagogie/equipes/hist_geo/doc/ddc/esc/index.htm
Culture républicaine et république coloniale
» La colonisation représente l’une des faces du fait républicain notamment pour la IIIème République, à la fois république et empire ». Vincent Chambarlhac propose une lecture renouvelée du fait colonial qui fait écho à la fois aux difficultés ressenties dans plusieurs académies sur son enseignement et à la loi du 23 février 2005 qui évoque « le rôle positif de la présence française » dans les colonies. Abordé dans les programmes essentiellement sous l’angle des conquêtes en première et de la décolonisation en terminale, le fait colonial est traité ici comme « l’une des faces du fait républicain », autrement dit il est vu uniquement comme pesant sur la culture et le modèle républicain. Car, » On ne peut comprendre l’oeuvre coloniale de la IIIème République sans se référer au déficit de légitimité dont elle souffre à sa naissance. Il faut aux républicains s’affirmer patriotes face aux concurrences politiques de la droite conservatrice comme devant la naissance d’une droite révolutionnaire, nationaliste. Il leur faut également composer avec la question de l’Armée, déterminante dans les crises de la République. Dans ce jeu politique, la colonisation permet aux républicains de fonder leur propre légitimité comme de réinscrire la France dans le champ des puissances internationales ». V. Chambarlhac montre comment l’ensemble du dispositif républicain est mobilisé pour légitimer la colonisation et comment en retour il influe sur l’acculturation républicaine en métropole, par exemple pour les « classes dangereuses ».
http://webpublic.ac-dijon.fr/pedago/histgeo/Former/Stages/Colonies/Republique_coloniale.pdf
Colonisation et décolonisation
L’IUFM d’Antony organise le 11 octobre une journée de formation animée par Claude Liauzu.
En 4ème , l’étude d’un fait colonial
« Le livre « Cannibales » de Didier Daeninckx fut le déclencheur de ce projet. Il a le mérite de nous avoir appris une partie de l’histoire coloniale. Quand on lit ce roman, on a le sentiment que ce n’est pas possible, pas possible d’avoir enfermé des hommes dans un zoo, pas possible de les avoir présentés comme des Cannibales, ce n’est pas possible ! C’est ce choc, cette honte qui nous ont amenés à initier ce travail ».Déjà présenté dans le Café n°52, l’excellent travail d’Hervé et Marie-Jeanne Bois et de ses collégiens calédoniens a pris de l’ampleur. Ils étudient l’exhibition des Canala lors de l’exposition coloniale de 1931. Ils ont ainsi redécouvert ce moment du passé colonial tombé dans l’oubli. Leur recherche associe la recherche documentaire, l’enquête orale, la mise en perspective historique, la rédaction de fictions… et pas mal d’émotions sans doute ! Un vrai travail d’historien que présente ainsi H. Bois sur la liste H-Français : « La « vérité » n’est pas simple à établir, ce n’est pas celle du roman de Daeninckx, ce n’est pas non plus celle consistant à dire que l’époque était raciste et que la France était colonialiste. Rien n’est simple, il n’y avait pas d’un côté les méchants blancs et de l’autre les gentils Kanak. L’empire français est certes à son apogée, mais on est loin de l’époque de Jules Ferry et de ses discours racistes et colonialistes. Parmi les Français beaucoup refusaient de telles exhibitions. L’Histoire est avant tout des histoires d’hommes et de rencontres ». L’Histoire peut elle aussi tisser des liens.
http://www.ac-noumea.nc/canala/sitecollege/projets/expoweb/index.html
http://cafepedagogique.net/lemensuel/lenseignant/schumaines/histoire/Pages/2004/52_accueil.aspx
L’ami Yabon
Ce film d’animation de Rachid Bouchareb raconte l’histoire d’Aby, tirailleur sénégalais, fait prisonnier en 1940 et victime en 1945 de la répression coloniale au camp de Thiaroye. R. Bouchareb restitue ainsi à la mémoire collective un fait peu connu. Des extraits du film sont en ligne.
http://www.tadrart.com/tessalit/lamiyabon/film.html
Foot et ordre colonial
Signalé sur la liste H-Français, cet article de Didier Rey montre comment le foot fut un objet d’affrontement entre les autorités coloniales et les mouvements indigènes en Algérie. Une approche qui devrait intéresser nos élèves !
http://www.wearefootball.org/dossier/53/lire/le-football-colonial/
Les naufragés de l’Utile
Voilà un épisode peu glorieux et totalement oublié que Le Courrier de l’Unesco de mai fait resurgir. Le 29 novembre 1776, une corvette de la marine royale accoste la petite île de Tromelin dans l’océan indien. Elle y trouve un enfant et sept femmes. Tous sont les survivants d’une cargaison de 60 esclaves « oubliés » sur l’île par un navire français, L’Utile, en 1760. L’épisode est analysé par le Groupe de recherche archéonavale qui a déjà retrouvé une centaine de documents afférents. Des fouilles archéologiques et sous-marines auront lieu, grâce au financement de l’Unesco, en 2006. Un réseau d’écoles est associé à ces travaux.
http://unesdoc.unesco.org/images/0013/001394/139497f.pdf#139497
L’ouvrage de Bouda Etemad
A quoi ont pu servir les immenses empires édifiés par l’Europe en Amérique, en Asie, en Afrique et en Océanie ? Bouda Etemad (universités de Genève et Lausanne) nous offre une remarquable synthèse. Il présente les acteurs : européens mais aussi les futurs peuples dominés. Il analyse aussi les thèses en présence. Il y a ceux qui voient dans la colonisation la condition du progrès économique de l’Europe et ceux qui y voient une perte de substance. Pour B. Etemad, « plutôt que de réduire la colonisation à un jeu d’additions et de soustractions, ne serait-il pas préférable de se demander à quoi ont servi les colonies, quelle fonction elles ont remplies dans la croissance… des économies métropolitaines ». Ce qui l’amène à une étude précise de chaque empire colonial.
On trouvera dans l’ouvrage une historiographie de ces questions, des cartes, des statistiques. De quoi alimenter sa réflexion, problématiser ses cours et enrichir les débats avec les élèves.
Bouda Etemad, De l’utilité des empires, Colonisation et prospérité de l’Europe, Armand Colin, Paris, 2005, 335 pages.