C’est la ministre du travail, celle de l’enseignement supérieur et le ministre de l’éducation nationale, qui ont reçu le 4 avril le rapport de François Taddei « co-construire une société apprenante ». Le rapport reprend des préconisations traditionnelles et apporte aussi des propositions relativement nouvelles comme une « fête de l’apprendre », « créer des écosystèmes numériques d’apprentissage » en plus de lieux physiques, des laboratoires dans les ESPE ou un « carnet de l’apprenant ». On retiendra les propositions de financement par projets , certains bien avancés, alors que dans quelques jours le ministère va lancer un appel à projets… Tout le rapport oscille entre les appels répétés à la coopération et aux initiatives de terrain et l’incantation à un plan d’Etat et à des projets sélectionnés par le ministère.
Partant du principe que » l’éducation, la formation tout au long de la vie, le développement professionnel et la construction des nouvelles compétences nécessaires aux métiers de demain sont indispensables au progrès économique et social », le rapport invite à construire une société apprenante. » Une société apprenante facilite les apprentissages individuels et collectifs, pour que les savoirs et les expériences des uns permettent à d’autres d’apprendre et d’innover plus facilement. Elle apprend à apprendre en organisant au mieux les apprentissages de chacun et de chaque structure, des êtres humains comme des machines ».
Revenons aux propositions. Le rapport prévoit 5 actions globales. » Favoriser les expérimentations de démarche apprenante dans les territoires.. ; créer des écosystèmes numériques d’apprentissage, dont un carnet de l’apprenant, qui permettent à chacun de documenter ses apprentissages, s’orienter, rencontrer pairs et mentors et penser son avenir; stimuler la recherche pour l’éducation, en mobilisant toutes les disciplines et en créant des sciences participatives de l’apprendre…; réinventer et enrichir la formation…;inviter nos partenaires à co-construire une Europe et une planète apprenantes ». C’ets le fameux « GIEC des intelligences ».
Concernant l’éducation, le rapport demande une plate forme de partage entre formateurs, une plate forme de mutualisation de pratiques enseignantes et une plateforme de « valorisation des innovations pédagogiques ». Ces recommandations ne sont pas nouvelles. Elles ont déjà été faites à plusieurs reprises, encore dans le récent rapport Villani. Jusque là cela aboutit à des banques de projets officiels.
Plus nouveau, le rapport recommande d’ouvrir des « tiers lieux physiques et numériques pour faciliter les échanges de connaissances » et d’organiser une « fête de l’apprendre ». La plupart des recommandations concernent l’enseignement supérieur. F Taddei appelle à créer des centres de recherche de référence, de développer des recherches participatives sur lmes apprentissages, d’ouvrir des labschools universitaires, de créer des contrat sde recherche entre rectorat, laboratoire et établissement scolaire ou encore de fédérer la recherche en éducation.
Mais quand il est question d’innovation, la façon de l’accompagner compte. Or les choix du rapport sont moins que clairs. » L’enjeu est de passer d’une logique de contrôle à une logique de confiance, d’une logique hiérarchique à une logique de mentorat bienveillant qui aide chacun à progresser en s’adossant à la recherche et en contribuant à l’élaboration des connaissance », affirme le rapport. Mais une page plus loin il est question d’un « plan interministériel sur cinq ans, dont la conduite peut passer par la constitution d’une personne morale ad hoc visant un objectif de transversalité ». En fin de rapport on revient à un pilotage des plus classique. Il est question de » projets reconnus comme innovants par la DGESCO, le SGPI (ex-CGI), le PIC ou la DGESIP » , d’un « appel à manifestations d’intérêt, suivi d’une forme de dialogue compétitif pour sélectionner les maîtres d’ouvrage du développement et de l’animation de ces outils numériques ».
C’est l’application des vieilles recettes administratives à l’innovation. Yves Reuter a démontré en son temps les impasses de cette situation. Créer une administration ministérielle de l’innovation aboutit à stériliser l’innovation, en l’encadrant et en la faisant labelliser par une administration.
F Jarraud