Par François Jarraud
Le meurtre commis par un lycéen du Kremlin-Bicêtre sur un camarade a relancé une vague d’agitation médiatique sur le thème de la violence scolaire avec le lancement d’un énième plan de lutte. Raison de plus pour demander à Eric Debarbieux, expert incontesté de ce sujet, son avis sur la situation.
Un énième plan de lutte contre la violence scolaire
Le Figaro a publié le 30 décembre des éléments d’un plan « confidentiel » de lutte contre les intrusions dans les établissements. Rien de bien nouveau pourtant dans le dépliant officiel qui décrit le » dispositif « SAGES ». Il montre des patrouilles de gendarmerie à l’abord des établissements scolaires pour lutter contre les trafics. Plus inquiétantes par contre sont les déclarations des gendarmes à la presse. Ils demandent aux chefs d’établissement de donner les noms des « élèves difficiles » qui seront ensuite sérieusement contrôlés dans leur quartier pour pouvoir être pris en faute.
Si ce genre d’information a toujours circulé entre proviseurs et principaux, soucieux de lutter contre la délinquance, et responsables de la police, l’utilisation médiatique qui en est faite et les dérives possibles pourraient poser problème. D’autant qu’entre temps, la question de lutter contre les intrusions massives, qui est à l’origine de ce « plan », semble avoir été oubliée… Pour le moment le dispositif ne vise que 12 établissements dans 9 départements. Ministre de l’éducation nationale, Xavier Darcos avait lancé pas moins de trois plans visant à « éradiquer » la violence scolaire…
Article du Figaro
http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2009/12/26/01016-200[…]
Le dépliant officiel
http://www.gendarmerie.interieur.gouv.fr/fre/content/downloa[…]
Kriegspiel rue de Grenelle
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2009/11/18112[…]
Debarbieux : Il faut former les personnels
Spécialiste internationalement reconnu de la violence scolaire, Eric Debarbieux revient sur le meurtre commis au Kremlin-Bicêtre. Pour lui il faut investir dans les humains, plus que dans le matériel.
Observe-t-on une croissance des meurtres dans les établissements scolaires ? Cette forme de violence est-elle en expansion ?
Non, absolument pas. Ces faits restent exceptionnels et il faut les traiter comme des faits exceptionnels. Ce n’est pas respecter les victimes que les banaliser. Ce n’est pas vari en France. Ce n’est pas plus vrai aux Etats-Unis où les meurtres sont en diminution. On est passé d’environ 90 par an au début des années 1990 à 20 par an. C’est 20 de trop.
Le gouvernement a lancé une campagne de « sécurisation » des établissements scolaires et on reparle de mettre en place des portiques de sécurité. Cette mesure est-elle efficace ? Est-ce a bonne politique ?
Malheureusement non. Parce que seulement 2,5% des événements graves viennent de l’extérieur de l’établissement. La violence scolaire en fait c’est une petite violence sans arme, généralement élève contre élève, parfois contre un enseignant. C’est pas du tout les invasions dont on nous parle. Il ne fait évidemment pas laisser les écoles ouvertes à tous vents. Mais le portique n’est pas la solution du problème.
Alors c’est quoi la solution ?
Il faut considérer la violence non pas comme constituée de faits divers mais comme une violence au quotidien, répétitive, usante, où l’on voit la même personne se faire harceler tous les jours. On sait que le taux de victimation est directement lié au climat scolaire. Il ne faut donc pas attaquer la violence en tant que telle mais travailler le climat scolaire. On réglera ainsi 90% des problèmes. On ne pourra pas régler tous les problèmes, notamment ceux qui relèvent de cas pathologiques.
Ce qui peut aider un établissement c’est d’abord du personnel car la vidéosurveillance par exemple ne sert que si quelqu’un regarde. Mais le principal problème de personnel que l’on a dans les établissements c’est son instabilité du personnel. On envoie souvent dans les établissements difficiles des enseignants qui sortent d’IUFM, qui sont sans formation sur ces questions et qui ne s’attardent pas. Enfin, une politique de lutte contre la violence ne sera efficace que en fonction de la façon dont le personnel va s’en emparer. Pour cela il faut former les personnels. C’est une condition nécessaire à tout progrès et trop négligée pour qu’une solution puisse être appliquée.
Eric Debarbieux
Eric Debarbieux sur le Café
« Je suis pessimiste »
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