Au moment de rentrer de récré, R. est en larmes. Laissant les autres élèves, je vais la voir pour la consoler…
Je lui demande :
– Qu’est-ce qui se passe ?
– C’est S. ! Elle a dit que j’ai dit qu’elle était méchante !
– Et c’est vrai ? Tu as dit qu’elle était méchante ?
– Mais c’est elle qui a commencé !
– Ah bon. Et elle a commencé comment ?
– Elle a dit à L. que je faisais trop la chef !
– Mais si elle a dit ça à L., comment tu le sais, toi ?
– C’est les autres qui me l’ont dit !
– C’est qui « les autres » ?
– C’est N., Y. et G. !
– Ben, et eux ? Comment ils savent ce que S. a dit à L. ?
– Je sais pas : peut-être ils l’ont entendu…
– Ou peut-être que non. Peut-être que tu sais pas, en fait. Il faudrait peut-être leur demander…
Mais bon, on reprend. Je résume : N., Y. et G. t’ont dit que S. avait dit quelque chose sur toi. T’as ressenti quoi à ce moment-là : ça t’as mise en colère ? Ça t’a rendue triste ?
– Ça m’a mise en colère !
– Et tu as réagi comment ? Tu es allée lui parler ?
– Non !
– C’est là que tu as dit qu’elle était méchante ?
– Oui !
– Parce que tu étais en colère ?
– Oui !
– Et elle a su ce que t’avais dit ?
– Oui ! Et elle veut plus être ma copine.
– Ahh… C’est ça le problème en fait ? Toi, tu veux encore être sa copine ?
– Oui !
– Bon, alors, qu’est-ce que, toi, tu peux faire pour qu’elle soit encore ta copine ?
– M’excuser ?
– Et ben, oui, par exemple. Tu pourrais t’excuser et lui expliquer.
– Mais elle veut plus m’écouter.
– Pourquoi elle veut plus t’écouter ?
– …
– Tu penses qu’elle est trop fâchée ?
– Oui.
– Tu comprends pourquoi elle est fâchée ?
– Oui.
– Tu peux me dire pourquoi elle est fâchée ?
– C’est parce que j’ai dit qu’elle était méchante.
– Oui. Et tu as dit qu’elle était méchante parce que, toi aussi, tu étais fâchée parce que tu as cru qu’elle avait dit une méchanceté sur toi. Ben tu vois, c’est ça qu’il faut que tu lui expliques, à elle, comme tu me l’as expliqué à moi.
– …
– Tu veux lui faire en message clair ?
– …
– Tu préfères que je sois là ?
– Oui.
– D’accord. Du coup, voilà ce qu’on va faire : je fais rentrer les autres élèves en classe, je lance le travail et puis, après, on prend le temps de faire ça. Est-ce que ça te va ?
– Oui.
Jean Tessier
Pour aller plus loin
2) Les émotions dans la classe
Une question
La place donnée en classe aux émotions et aux ressentis des enfants doit-elle être inscrite dans l’emploi du temps ou non ?
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