Il y a deux types de profs. Ceux qui aiment que les élèves posent des questions. Et ceux qui sanctionnent à la moindre interrogation. Si JM Blanquer avait été professeur dans le système scolaire, peut-être aurait-il appartenu à la seconde catégorie. Après bien des avanies, et malgré une demande directe que nous lui avons faite le 23 novembre, le ministre nous ferme la porte de deux « briefings » importants. Ce n’est pas la première fois que nous et quelques autres médias (toujours les mêmes !), avons ce genre de problème depuis 2017. Cette atteinte au droit à l’information semble maintenant pleinement assumée.
Deux briefings sont organisés par le ministère de l’éducation nationale, le mardi 26 novembre à propos des retraites et le 3 décembre, à propos de la réforme du lycée. Nous en avons été informés par d’autres journalistes. Ne voyant pas d’invitation arriver nous avons contacté le service de presse du ministère qui nous a confirmé que nous ne serons pas invités.
La première raison donnée par le ministère, c’est qu’ils invitent les journalistes intéressés par ces questions. On peut en douter vu le nombre d’invitations lancées, mais nous avons tout de suite confirmé notre intérêt. En réalité, sur chacun de ces sujets le café pédagogique a déjà publié de nombreux articles. Et nous savons déjà que des « ajustements » de la réforme du lycée sont prêts.
L’autre raison donnée c’est que le ministère ne peut pas organiser 2 ou 3 réunions sur chaque thème. Cela laisse entendre que 20 à 40 journalistes spécialisés sont invités, c’est-à-dire à peu près la totalité des médias de la presse éducation parisienne. Sauf deux. En fait deux médias spécialisés ne sont pas invités : le café pédagogique et un quotidien qui n’est pas non plus en odeur de sainteté (à lui de le faire savoir ou pas).
Les règles démocratiques imposent que toute la presse ait accès à l’information, et pas seulement celle qui a l’agrément du ministre. Une conférence de presse traite de sujets importants de la politique ministérielle et est forcément ouverte à tous les journalistes. Un briefing c’est une réunion en petit comité pour un tour d’horizon avec une personnalité ou sur un sujet très précis. Et c’est privé.
Pour se justifier, le ministère joue sur les mots entre conférence de presse et briefing. Pour le ministère la question des retraites ou la réforme du lycée relèvent de « briefings » et non de la conférence de presse. Pour nous ce sont des questions générales importantes qui concernent l’avenir du système éducatif. Après il suffit d’inviter au briefing tout le monde sauf ceux qu’on ne veut pas voir, quitte à faire se succéder des réunions.
Évidemment c’est fait dans l’intention de limiter notre capacité d’information. Cette tentative de nous empêcher d’accéder à ce qui se dira lors de ces réunions échouera probablement. Mais c’est une tentative réussie de nous interdire de poser des questions. Et ça c’est bien dans l’esprit du ministre et de son entourage. Ce que veut JM Blanquer c’est être écouté mais jamais questionné. Arriver à occuper tout le temps les médias en fuyant les questions, c’est tout l’art de JM Blanquer. En même temps, c’est un rappel aux médias présents sur la conduite qu’ils doivent tenir.
On peut penser que le Café pédagogique est trop critique sur la politique menée par JM Blanquer. Le ministre juge peut-être que nous sommes un obstacle. Mais nous avons offert à plusieurs reprises à JM Blanquer de s’exprimer dans le Café pédagogique comme il avait pu le faire avant 2017. Il a repoussé toutes nos invitations.
Et nous croyons que les analyses que nous avons faites des réformes et de la loi Blanquer, qu’il s’agisse de l’article 1 ou de l’amendement EPSF par exemple, ont été utiles. En tous cas elles ont trouvé des relais. Nous pensons que les informations exclusives que nous donnons sont importantes.
Nous croyons aussi qu’il n’y a de presse qui vaille que libre et que cette liberté se mesure justement à celle de la presse dérangeante. Et puis nous ne prenons pas nos lecteurs dans le sens du poil. Nous croyons que nos lecteurs, enseignants dans leur grande majorité, sont capables de penser par eux-mêmes.
Évidemment, cette affaire peut passer pour mineure. Elle l’est. Dans ces derniers jours, on a vu à Paris des journalistes interdits de couvrir des manifestations. D’autres ont été blessés par une violence qui n’est pas policière mais gouvernementale. Ce qui nous arrive est une petite marche de plus dans la descente démocratique de ce pays. Beaucoup pensent qu’un sursaut peut se produire le 5 décembre. Mais peut-être que d’ici là le ministère sera revenu au droit.
François Jarraud