Aux dernières vacances, une mère d’élève est venue me voir pour me demander du travail pour sa fille. J’étais bien embêtée car je ne donne pas de travail pendant les vacances. Je considère qu’il leur faut d’abord du repos. Mais je sentais qu’il fallait que je réponde à sa demande. J’ai réfléchi. Je savais que cet enfant, qui était très dyslexique, n’aimait pas lire et écrire. A chaque fois qu’elle écrivait, ça se limitait à trois phrases, pas du tout du niveau de CM1. J’ai discuté avec elle, je sais qu’elle aime beaucoup jouer et j’ai dans ma classe des Playmobil. Alors, je lui ai proposé qu’elle les emprunte le temps des vacances – elle en rêvait d’ailleurs – avec cependant la consigne de les mettre en scène et de raconter une histoire à partir de ces figurines.
Au retour des vacances, elle est revenue avec une clé usb, et dedans, un texte conséquent, qu’elle a tapé à l’ordinateur, avec en plus plusieurs scènes en photo. Elle avait imaginé par exemple une petite bassine avec de l’eau pour faire une piscine. On voyait qu’elle s’était fait plaisir. On a poursuivi le travail en classe : toiletter le texte, insérer les photos, plastifier et relier son livre. Elle a réalisé une 4ème de couverture pour résumer l’histoire et parler d’elle en tant qu’auteur à la 3ème personne, avec sa photo. Ça a fait un très joli petit livre, qu’elle a été très fière de présenter au « Super, c’est vendredi ! » (c’est un petit moment rituel de présentation de travaux d’élèves sur toute l’école)
Ça a eu l’effet d’une tache d’huile. Plein de désirs de petits livres ont surgi dans la classe. Nous en sommes à sept-huit, pas toujours autour des Playmobil. Les enfants dessinent et illustrent eux-mêmes leurs histoires. Quant à cette petite fille-là, elle en est à son troisième livre. De plus, elle s’est fait offrir des Playmobil à Noël et pour son anniversaire.
Ça a vraiment levé une inhibition chez elle par rapport à l’écriture, ça a mis du sens là où il n’y en avait pas pour elle. Le fait de pouvoir mettre en écrit des jeux qu’elle se racontait spontanément l’a aidée. De plus, l’aboutissement sous forme d’objet-livre justifiait alors tous les efforts qu’elle faisait dans l’écriture.
Sabine Gessain
Chaque mercredi retrouvez « La Classe plaisir » et ses moments précieux…