Discipline jugée mineure dans le système éducatif, la musique tient sa revanche avec le nouveau numéro de la Revue internationale d’éducation (n°75). Bien loin d’être un simple amusement ou une pratique purement artistique, la revue démontre que l’être humain est profondément musical et que la pratique musicale a des vertus globales et inattendues. La démonstration tient beaucoup aux neurosciences. Mais la revue sait croiser les regards avec une approche ethnographique importante et aussi une dimension institutionnelle. JM Blanquer promet de développer la pratique musicale mais nul ne sait s’il y arrivera et s’il en a vraiment l’intention. Ce qu’apprend la lecture de ce numéro c’est qu’il y a de très bons arguments pour faire entrer pour de vrai la pratique musicale dans l’enseignement français.
L’être humain est musical
Il en faut de l’audace pour confier la direction d’un numéro d’une revue pédagogique à professeur de psychologie cognitive. Emmanuel Bigand, professeur à l’Institut de France, réalise pourtant un numéro qui fait date. Spécialiste des liens entre le cerveau et la musique, il offre une information de grande qualité dans sa spécialité. Mais il sait aussi ouvrir le sujet à d’autres regards et croiser les regards.
L’apport le plus important reste celui des neurosciences. On sait que c’est cela qui a conduit le ministre à tenter une rentrée une musique et qui le pousse à vouloir son développement. Et le numéro apporte des arguments en ce sens.
« La musique a un pouvoir transformationnel sur l’esprit humain. Sa pratique peut entrainer de profondes modifications psychologiques et neurophysiologiques. Les implications sociales de ce sdécouvertes sont importantes tant pour le monde de la sante que pour celui de l’éducation. Ce sont ces implications éducatives que le numéro entend aborder », explique E Bigand.
La caractère transformationnel de la musique
Il fait un point des connaissances dans son introduction qui montre que l’être humain est musical et que la musique est un langage universel et spécifique à l’espèce humaine. Un langage dont les vertus thérapeutiques sont démontrées et qui est compris avant la naissance. Des études montrent aussi que la pratique musicale est efficace pour lutter contre le vieillissement, qu’elle stimule le nourrisson et même les prématurés. On ne peut donc pas réduire la musique à un divertissement ou à une pratique artistique car ses effets vont bien au-delà de ceux de la peinture par exemple.
L’intérêt du numéro c’est d’aborder ce caractère transformationnel en croisant les regards. Plusieurs articles sont rédigés par des spécialistes des neurosciences. Ainsi L Ferreri montre l’effet de la pratique musicale sur la plasticité cérébrale et son rôle de stimulant cognitif. L Trainor développe l’impact de la stimulation musicale sur les nourrissons par exemple dans le développement de compétences psychosociales et émotionnelles. Il est acquis que la musique facilite le développement cognitif.
Des approches ethnographiques
La revue internationale d’éducation va alors multiplier les apports ethnographiques et sociologiques. S Edge montre l’impact de la musique sur l’éducation et la formation en Inde. A Hemlinger montre comment l’apprentissage musical organise la société à Trinité et Tobago. « Elle est indissociable de la construction d’une personnalité sociale ». Moussa Sy montre son rôle dans la personnalité sénégalaise.
Peut-on donner à la musique une place première à l’Ecole ?
Il revient à D Waleckx, un Dasen, de développer ce que l’institution peut faire avec la pratique musicale. Il montre en Mayenne comment on peut développer des orchestres d’école et quelles retombées cela a sur la réussite scolaire et le développement personnel des élèves.
Alors que le ministre veut généraliser les chorales et la pratique musicale, ce nuémro apporte de sérieuses justifications à ces orientations. C’est quand même la dimension institutionnelle qui reste sous développée dans ce numéro. Donner à l’éducation musicale, qui au passage a tourné le dos à la pratique, une autre place à l’école suppose évidemment des moyens. Mais ce serait aussi une révolution culturelle pour le système éducatif qui a réduit l’éducation musicale à la portion congrue. Faire passer une discipline dominée à pilier de l’institution scolaire est presque tâche impossible. A défaut on aura juste réussi à cultiver l’entre soi. Et là-dessus l’institution scolaire connait la musique.
François Jarraud
Musique et éducation, Revue internationale d’éducation de Sèvres, n°75.
L’écoute et la cohésion avec le gamelan