Acquérir des connaissances et des compétences en SVT avec le jeu, tout en approfondissant une 2ème langue.
Propos recueillis par E. Jourdan
Depuis trente ans Jean-Pierre Gallerand, enseignant à Nantes, utilise l’informatique pour créer de petits logiciels et maintenant un premier jeu sérieux pour ses élèves. Il propose toutes ses productions sur son site de partage pédagogique SVT 44 et de nombreux enseignants de pays francophones les utilisent dans leurs cours. Cet enseignant propose depuis deux ans certaines de ces productions en plusieurs langues (arabe, anglais, basque) pour faciliter l’apprentissage de ces langues et il utilise les réseaux sociaux pour échanger avec ses collègues. Ce travail sera présenté au 5ème Forum des enseignants innovants à Orléans les 1er et 2 juin.
Il y a trente ans, quel a été le déclencheur ?
A l’université je suis passionné par les quelques cours d’informatique que je suis en 1975, l’ordinateur occupe une bonne partie de la salle et on perfore des cartes pour programmer.
Quel a été votre parcours avec les TICE ?
Avec l’ordinateur du collège, dans le milieu des années 80, je programme en basic mon premier outil de simulation qui calcule le taux d’alcoolémie d’un individu en fonction d’un certain nombre de paramètres. Une courbe du taux d’alcoolémie se dessine sur le moniteur, en fonction du temps. Je constate à cette époque que cet outil utilisé sur le premier ordinateur du collège sensibilise plus mes élèves aux dangers de l’alcool qu’une série de tableaux de données. A la même époque je réalise un autre programme informatique qui simule la descendance des drosophiles (mouches du vinaigre). Ces deux productions restent très confidentielles, sans Internet seuls mes élèves et quelques collègues les utilisent. Je m’intéresse ensuite à l’EXAO (expérience assistée par ordinateur) et à la modélisation. Il y a vingt ans, en 1992 je réalise, avec des capteurs de température, une simulation de l’effet de serre, qui à cette époque n’est pas encore d’actualité !
J’attends le début des années 2000, et la découverte du logiciel Flash pour créer une troisième application, cet outil simule le comportement des cloportes. L’élève modifie certains caractères physiques du milieu (humidité, luminosité et/ou température) et observe le comportement de ces cloportes. Contrairement à mes deux premières productions cet outil remplace des expériences que mes élèves réalisent avec beaucoup de plaisir ! Pourquoi alors avoir réalisé cette application ? La réponse se trouve dans les instructions officielles qui interdisent les préférendums (ce type d’expérience avec des animaux vivants). Le logiciel Flash est assez complexe et, sans formation, je passe beaucoup de temps à réaliser cet outil ce qui m’amène à souhaiter le partager avec des collègues. C’est une des raisons qui me conduisent à créer mon site de partage pédagogique SVT44. Douze ans plus tard de nombreux élèves continuent à « torturer » mes cloportes virtuellement sur Internet.
Depuis de nombreuses années une des activités préférées de mes élèves est la dissection de la pelote de réjection de la chouette pour connaitre son régime alimentaire. Mais, en 2004, le virus de la grippe aviaire conduit les autorités à interdire tous contacts entre des produits d’origine aviaire (cœur de dinde, pelote de réjection, …) et des élèves. Cette interdiction est à l’origine de la création de mon quatrième outil, le logiciel « Pelote ». Et depuis cette année 2004, les élèves continuent à disséquer des pelotes et à déterminer des proies mais virtuellement. Ce logiciel a été intégré cette année dans la clé USB « Etamine », distribuée aux candidats au CAPES et à l’Agrégation Interne de SVT. A ce jour, j’ai réalisé environ cinquante applications utilisées au 1er et au second degré.
Quelles sont les diverses étapes de la création d’un logiciel ?
J’imagine une base de scénario pour répondre à une problématique ou celle-ci m’est proposée par des collègues ou mon épouse Catherine, également enseignante de SVT. Ensuite je commence à créer avec le logiciel Médiator que j’utile maintenant depuis plusieurs années. Celui-ci programme à ma place et me permet de plus me concentrer sur mon animation. Très souvent, au début, je n’ai qu’une vague idée du produit fini, mais plus j’avance et plus les idées viennent. Parfois je fais marche arrière … Pour illustrer certaines applications et/ou une relecture, je demande de l’aide comme par exemple pour le logiciel « Volcan » réalisé cette année scolaire. Pour cette production, le volcanologue Jacques-Marie Bardintzeff accepte de me fournir des photographies, des vidéos et d’assurer la relecture des informations apportées par cette application. Pour le logiciel « Pelote », Christian König un photographe animalier professionnel, m’autorise à utiliser certaines de ses très belles photographies de petits mammifères.
Qu’est-ce qui vous a amené à réaliser des versions « deux langues » de certaines de vos productions ?
Les instructions officielles insistent de plus en plus sur l’apprentissage des langues étrangères : «travailler avec des documents en langue étrangère est à la fois un moyen d’augmenter le temps d’exposition à la langue et une ouverture à une autre approche des sciences. Les outils (textes, modes d’emploi, images légendées, cartes, sites…) doivent être adaptés au niveau des élèves. C’est aussi l’occasion d’un enrichissement mutuel entre les enseignements linguistiques, scientifiques et technologiques. » (Programme des SVT du collège)
Il y a environ quatre ans un collègue marocain dont les élèves ne maitrisent pas parfaitement le français, me contacte pour me demander s’il est possible de réaliser une version en arabe du logiciel « Plante ». J’accepte sa proposition, et je réalise une version arabe/français avec les textes traduits que me transmet ce collègue. Ce travail n’a pas été très simple, lorsque j’envoie mon application à ce collègue pour une relecture il me signale que tous les textes en arabe ont été inversés (la dernière lettre est devenue la première !). Caprice de mon logiciel que, ne connaissant pas du tout cette langue, je n’avais pas vu. Faute de trouver une solution simple, j’ai du « bidouiller » et trouver une autre solution, un peu fastidieuse. L’année suivante le Centre Pédagogique Basque IKAS me contacte pour me demander de réaliser une version en basque de mon logiciel Cloporte, pour la proposer en téléchargement dans leur site.
Après le basque, je réalise mes quatre dernières productions, Volcan pour les 4èmes et trois productions pour le nouveau programme de 2nde en français et en anglais (avec l’aide de mon épouse pour la traduction), ce qui permet aux enseignants de SVT de travailler avec des collègues d’Anglais. J’envisage prochainement de proposer pour une même production, cinq langues différentes (allemand, espagnol, italien et anglais). Je pense que ces applications permettent d’améliorer l’acquisition d’une langue d’une façon plus ludique ou de la faire découvrir et de proposer un travail pluridisciplinaire.
Quels sont les apports du jeu sérieux par rapport à vos autres productions ?
Si mes applications sont déjà considérées un peu comme des jeux par les élèves, il y a quelques mois j’ai décidé d’introduire la composante jeu dès le départ de la création, ce qui a donné le jeu « Dans la peau d’un scientifique ». Dans cette production les élèves endossent, pour le moment, l’habit de deux scientifiques Lazarro Spallanzani et Jean-Henri Fabre. Mes élèves ont beaucoup apprécié cette nouvelle approche où le parcours est moins dirigé, où il est possible de faire des erreurs, de ne pas trouver tout de suite. Ils ont refait plusieurs fois le parcours proposé pour terminer sans fautes et décrocher une « décoration ». Par contre quelques collègues ont semblé ne pas trop apprécier cette démarche ludique et préférer une expérience virtuelle plus guidée. A chacun de se faire une idée…
Actuellement avez-vous un nouveau projet ?
Tout en continuant à créer de nouvelles applications, j’essaye d’explorer d’autres pistes dans les nouvelles technologies pour diversifier mon enseignement et motiver les élèves. Actuellement je m’intéresse à l’utilisation des Smartphones en cours. Les applications téléchargeables, souvent gratuites ou peu onéreuses remplacent souvent du matériel cher. Je viens tout juste de créer un blog pour présenter mes découvertes et échanger avec les collègues sur ce sujet.
http://android-svt.blogspot.fr/
Le site de partage pédagogique
http://44.svt.free.fr
Le groupe Facebook SVT 44
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