Côté pile, il y a la réforme du collège avec ses pros et ses antis. Côté face, il y a des profs qui, souvent, se démènent. Dans le quartier Education du village Alternatiba (1) installé place de la République les 26 et 27 septembre, on a découvert Guy Mathis, prof de collège super dynamique et bien dans ses baskets.
Enseignant de maths, Guy Mathis a été nommé il y a trois ans au collège Louise Michel, dans le Xème arrondissement de Paris, sur le canal Saint Martin. « C’est un collège particulier, plein de projets, explique-t-il, beaucoup étaient déjà lancés quand je suis arrivé ».
Guy Mathis n’a apparemment pas eu de mal à se glisser dans le moule. Il mène aujourd’hui toute une série de projets avec ses collègues de maths, de français, de SVT… Plusieurs concernent le développement durable. Pour cette raison, le collège, à deux pas de la République, s’est retrouvé au cœur du quartier Education d’Alternatiba.
«Je ne suis pas un prof typique, prévient Guy Mathis, j’ai été professeur des écoles avant pendant onze ans. J’ai donc un bagage pluridisciplinaire. Cela me permet sans doute de faire le lien entre plusieurs disciplines plus facilement. »
Voici son témoignage :
Le club Jeu de société
« Nous faisons un club jeu avec plusieurs professeurs – français, SVT (sciences de la vie et de la terre)… Je suis le référent. L’idée est de créer un jeu de société autour du développement durable.
Tous les élèves peuvent venir dès lors qu’ils n’ont pas cours. Nous nous sommes aperçus que les plus faibles aimaient particulièrement venir. Nous nous sommes arrangés pour qu’ils puissent le faire après l’aide individualisée.
L’intérêt est que les élèves travaillent sur les règles, sur les contraintes et aussi sur le dénombrement. On retrouve aussi bien en français qu’en SVT ces problèmes de règles et de consignes.
Vaches saines contre vaches zombies
Nous avons fait venir un professionnel qui a inventé des jeux de société avec des enfants. Le jeu auquel nos élèves ont abouti met en scène des vaches. Les unes, issues d’une ferme industrielle, sont contaminées – ce sont des vaches zombies. Les autres, venant d’un élevage bio, sont saines. Va-t-on contaminer tout le marché ? Ou pourra-t-on l’assainir ? … Les enfants ont réalisé tous les dessins.
Poésie mathématique et théâtre
Avec une collègue de français et la professeure documentaliste, pour la troisième année consécutive, nous menons un projet « Poésie mathématique et théâtre ». Il s’agit de travailler l’imaginaire mathématique.
On demande aux élèves d’écrire des textes à contraintes. Par exemple, un poème sans la lettre N – comme le groupe de l’Oulipo – http://oulipo.net /. Ou encore des acrostiches avec les premières lettres des vers formant, à la verticale, le nom de Louise Michel. On fait aussi des choses en miroir, un ver symétrique d’un autre.
A la fin, ce que les élèves auront écrit sera mis en scène par des professionnels de la Maison du Geste et de l’Image, basée dans le quartier.
Deux profs dans la classe
Nous avons aussi une classe avec des heures dédoublées avec mon collègue de SVT. Une heure par semaine, nous sommes à deux.
Nous faisons des sorties à la Villette, au Musée des Arts et Métiers ou encore au Palais de la Découverte. Les élèves apprécient, ils se sentent encadrés, répondent plus facilement quand ils sont groupe.
En cours, lorsque le prof de SVT veut traiter le sujet « Quel est l’âge de la Terre ?», il me demande de faire un travail de proportionnalité pour la frise. Quand il étudie les dinosaures, ave les années avant notre ère, cela renvoie au nombre relatif.
Eco Ecole
Dans le cadre du programme Eco Ecole, nous nous sommes par ailleurs engagés à mener une action pour sensibiliser tout le collège au développement durable.
Nous avons plusieurs idées : mettre en place un tri fait par les élèves pour les élèves, décrocher une subvention pour une plantation dans une cour intérieure, ou pour une plantation grimpante afin d’humaniser la cour récemment aménagée en terrasse et qui est entourée de grillage.
Plus seul dans sa classe
Je vois de nombreux avantages à travailler ainsi à deux ou à plusieurs. On se fixe le même but, la même thématique, cela dynamise les projets.
On échange entre profs, par exemple sur quels sont les élèves en difficulté, on croise les points de vue. On n’est plus seul dans sa classe.
Donner du sens aux choses
Pour les élèves, mener de tels projets, cela donne du sens aux choses et rend plus concrets les apprentissages. Par exemple si l’on parle de la numération, on va voir de vieux bouliers au Musée des Arts et Métiers. Cela casse en particulier le côté austère des maths et les rend plus attractifs.
La dynamique de groupe
Le travail en groupe, chez les élèves, fonctionne très bien pour la recherche, c’est plus dynamique. On peut aussi instaurer un tutorat au sein de la classe : un élève explique à l’autre, parfois on explique mieux entre élèves.
On a affaire à des adolescentes, dont le corps change et qui deviennent moins enjoués. Cela permet d’alléger tous ces changements. Chez certains, cela évite d’accumuler des échecs.
Enfin, cela compense les grands écarts entre élèves. Notre collège est très hétérogène. Le quartier ayant changé, il n’est plus en Education prioritaire. D’excellents élèves y côtoient d’autres, bien plus faibles.
Paris privilégiée
J’ai exercé en Seine-Saint-Denis. Parfois, en primaire, on distribuait une photocopie pour trois élèves. Pour les sorties, c’était hyper compliqué: il fallait un car, on devait compter avec les bouchons …
On profite de Paris à plein. Pour la rentrée des 6èmes, on a organisé une journée d’intégration à la Villette. Pour y aller, les enfants ont remonté le canal en bateau avec des T-shirts portant le logo du collège.
Un projet – j’avais oublié de le mentionner… – mené avec la prof d’arts plastiques : elle a fait faire un concours de logo aux 3èmes, et moi j’ai organisé un grand jeu mathématique à la Villette. »
En l’écoutant, on se demandait si la réforme du collège n’était pas déjà du réchauffé… Mais on a préféré ne pas s’aventurer sur ce terrain glissant. Et s’en tenir aux faits, rien de plus.
Véronique Soulé