Comment faire des enseignants des porteurs actifs des valeurs de la République et d’une pédagogie moins frontale ? En changeant la formation des professeurs et des cadres de façon à changer les identités professionnelles. C’est l’objectif d’un rapport présenté par le think tank Terra Nova, un organisme proche du parti socialiste. Le rapport est piloté par Jean-Pierre Obin avec Jean-Louis Auduc, Gilles Langlois, directeur d’école primaire, Gérard Phelippeau, responsable de l’Espe de Créteil, et Philippe Watrelot, ancien président du Crap. Il dénonce le « corporatisme » et demande une refonte de la formation et des Espe pour rééquilibrer la part du professionnel et de l’académique.
Titularisation au bout d’un an d’exercice du métier
» La profession enseignante est aujourd’hui interrogée : quelle part doit y prendre la transmission des connaissances et quelle part y donner à l’éducation civique et comportementale ainsi qu’à la transmission des valeurs politiques et morales ? », écrit le rapport. « Cette question, qui déborde d’ailleurs largement celle de l’éducation civique, est à l’ordre du jour dans beaucoup de pays, étant donnée l’évolution des sociétés (crise de la démocratie, montée des inégalités, ségrégations…), des comportements juvéniles (violences, addictions…) et des équilibres géopolitiques (développements des migrations, montée des fondamentalismes religieux…) ».
Très sévère sur les jurys des concours qui « ont développé des préoccupations essentiellement disciplinaires », qui ne mentionneraient pas les valeurs de la République et qui auraient une conception « indépendantiste » envers l’Etat, le rapport préconise une refonte de la formation initiale avec le report de la titularisation à la fin de la 1ère année d’enseignement de façon à juger le professeur sur son enseignement réel. Les épreuves d’admission seraient placées en fin de M2 ce qui économiserait les postes correspondant aux stages. Les épreuves des concours devraient devenir plus professionnelles. » Dans le premier degré, l’épreuve d’admission « Mise en situation professionnelle » pourrait se dérouler sur un dossier permettant d’évaluer un premier niveau de construction de compétences scientifiques, didactiques et pédagogiques dans un domaine tiré au sort – et non plus choisi par le candidat – parmi les huit domaines d’enseignement autres que les mathématiques et le français ; la seconde épreuve serait remplacée par une séquence d’enseignement avec des élèves, suivie d’un entretien. Pour tous, l’interrogation orale sur la transmission des valeurs de la République, en principe partie intégrante aujourd’hui de l’épreuve d’admission « Entretien à partir d’un dossier » devrait être « sanctuarisée » grâce à un horaire et un coefficient spécifiques ».
Les IPR mis au pas
Le rapport recommande aussi de revoir le statut des Espe pour en faire des établissements membres d’une COMUE et ayant ainsi plus d’autonomie par rapport aux universités. Pour la formation continue, le rapport préconise la création d’une structure autonome alliée à une obligation de formation pour les enseignants. Les auteurs veulent aussi une refonte sérieuse de la formation des IPR accusée d’être trop disciplinaire et trop indépendante. » Comment s’étonner alors, qu’au moment des réformes et des expérimentations, les corps d’inspection apparaissent souvent dans une grande empathie sinon une forme de connivence avec les résistances au changement d’un corps enseignant qu’ils sont pourtant censés accompagner pour le faire évoluer ? », accuse le rapport. Le rapport recommande d’aligner le concours d’IPR sur celui des personnels de direction et de faire entrer dans les jurys des « profils plus diversifiés ».
F Jarraud