Par François Jarraud
Comment lutter contre les discriminations effacer les stéréotypes sexistes ? Vendredi 22 juin, Henriette Zoughebi, vice-présidente de la région Ile-de-France en charge des lycées, organisait la restitution du dispositif Jeunes pour l’égalité. Près de 4 000 lycéens ,un millier d’adultes ont participé à des actions de sensibilisation à la parité avec des résultats particulièrement touchants.
Vous et moi quand nous pensons à la parité on se représente tout de suite l’écart de salaire entre hommes et femmes ou la faible part des femmes dans la représentation nationale. Quand les lycéens franciliens pensent à la parité ce sont bien d’autres images qui débarquent.
Pendant une année 4 000 élèves de 18 lycées, principalement situés dans des quartiers populaires, tous volontaires, ont participé à un programme de sensibilisation initié par la région Ile-de-France pour diffuser la culture de l’égalité dans les lycées. Des travaux sur la parité ont été intégrés à différents enseignements. Les lycéens ont travaillé sur les violences sexistes, les représentations sexuées de soi, la liberté de disposer de son corps ou encore la laïcité. Ils ont bénéficié d’ateliers d’écriture et d’ateliers théâtre animés par l’Adric, la compagnie Desamorces, la Maison de l’arbre et la Maison des écrivains et de la littérature. Et ce sont tous ces travaux qui sont présentés le 22 juin.
Les bruits que font les garçons
« M. Propre ? On devrait dire Mme Propre. C’est la femme qui fait tout ». Les lycéens témoignent de ce qu’ils voient et entendent. Il y a les bruits que les filles entendent quand elles passent devant des garçons, remarquablement rendus à travers plusieurs poèmes par des jeunes filles. Il y a le son mat des coups : ceux des violences conjugales ou du collégien qui tape sur sa copine. Il y a le chuintement de la rumeur assassine, les hurlements de l’excisée, les gémissements de l’inceste. Il y a aussi les sanglots de l’extrême solitude. Et puis il y a le silence du surveillant ou de l’enseignant qui détourne les yeux et n’intervient pas. Toutes ces horreurs que les jeunes filles décident de raconter, avec grâce et courage, dans des textes souvent magnifiques. L’actualité venait malheureusement accompagner ces récits avec l’arrestation a Aubervilliers (93) de 6 collégiens inculpés de viol en réunion.
« Il y a plus de violence sexiste ou homophobe qu’on ne croit dans la société et à l’école », nous a confié Henriette Zoughebi. « On a besoin de davantage d’attention pour ces questions ». Pour elle, il est temps que l’Ecole mette la question de l’égalité au coeur de l’éducation. « Si on regarde l’orientation elle est terriblement sexuée. Les manuels scolaires et les contenus d’enseignement ignorent ou minimisent la place des femmes, par exemple en histoire ou dans l’histoire des sciences. On a vraiment à changer tout cela ».
Les professeurs ne savent pas toujours quoi faire
« Quand dans une cour de lycée il y a des injures sexistes ou des mains aux fesses, il arrive que des professeurs passent sans rien dire », rappelle H Zoughebi. « Ils sont sidérés ou ne savent pas quoi répondre. Avec le dispositif « Jeunes pour l’égalité », nous travaillons avec les équipes éducatives pour qu’ils puissent mieux aider les jeunes. Car dès lors qu’on discute avec eux on arrive à faire évoluer leur façon de penser ».
Les stéréotypes sexistes sont-ils plutôt le fait des établissements des quartiers populaires ? « C’est général », estime H. Zoughebi. « Mais c’est vrai que dans ces établissements les équipes éducatives sont plus engagées et donc plus volontaires. Il est vrai aussi que les stéréotypes sont particulièrement installés dans les lycées professionnels parce qu’il y a beaucoup d’orientation subie. Avant d’être dans la tête des jeunes, les stéréotypes, qui font que telle filière est jugée masculine, telle autre féminine, sont d’abord dans celle des orienteurs de l’éducation nationale. Dans les filières générales, le sexisme existe aussi mais de façon plus perverse. Les filles peuvent aller dans n’importe quelle filière mais les garçons vont très peu en L car on pense qu’il n’y a pas de débouchés. Le stéréotype pèse sur le garçon. Dans le post bac il pèse sur les filles qui sont peu nombreuses à aller en prépa scientifique ou en école d’ingénieurs ». Vice-présidente de la région Ile-de-France, H Zoughebi va saisir le ministre. « Je vais proposer au ministre qu’on prenne en considération cette question dans tout le système éducatif ».
Un projet pour changer les classes
Au lycée Jean Rostand de Villepinte (93), deux classes de seconde ont participé à un atelier d’écriture et un atelier affiche. Pour François Vigneron, le proviseur, les projets « créent de la cohésion dans les classes , elles fonctionnent mieux ». Sylvie Brault-Moreau, professeure d’anglais et professeure principale d’une des secondes, a fait entrer la problématique de la parité dans son enseignement en faisant travailler les élèves sur des dessins, des vidéos et des textes littéraires. Et les jeunes de sa classe ont aussi travaille en atelier écriture avec l’écrivain Valentine Goby. « Le dispositif a changé la façon de penser des filles et des garçons, par exemple sur l’avortement ou sur l’image que les adolescents ont de leur corps et de leur identité. Ca a changé aussi mon propre regard sur les élèves. J’ai vu des jeunes qu’on n’entendait pas s’impliquer et faire des textes surprenants. En ce sens cela influe sur leur orientation ».
Changer les choses sera long. La région a décidé de reconduire le dispositif en 2012-2013. L’ensemble des travaux des élèves sera montré une nouvelle fois le 23 novembre au Salon de l’Education. Abderahmane nous invite à ne pas manquer l’occasion. « En chacun de nous se cache une âme, qu’importe la race, la religion. Approche mon frère qu’on se fasse la bise… »
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