Dialoguer avec Jeanne d’Arc ou John Lennon : c’est ce que Thierry Bonnafous, un professeur d’histoire-géographie de Cugnaux (31) propose à ses élèves de seconde. Pour quoi faire ? Interroger ses façons de travailler et singulièrement sa façon de questionner l’histoire. Une vraie démarche de métacognition. Mais ce n’est pas tout ! Son site est un vrai appui à l’enseignement de ce professeur expérimenté.
Un site pour permettre le dialogue avec les élèves
« Chaque année je faisais mon bilan annuel et je me disais qu’il y avait peu de participation en cours. Les élèves m’ont expliqué qu’ils n’osaient pas participer par peur de ne pas noter un élément important du cours. Je leur ai proposé de participer en échange d’un cours rédigé. C’est comme cela que j’ai ouvert mon site », nous dit Thierry Bonnafous. Professeur depuis 1986, il enseigne au lycée général et technologique de Cugnaux depuis 2001.
Son site s’est enrichi petit à petit des cours pour tous les niveaux du lycée, des documents qui accompagnent le cours, de fiches méthodologiques et des questions des élèves. « Avec ma collègue, Aurélie Blanchard, on a eu l’idée de détourner le livre d’or pour l’utiliser pour les questions. Les élèves ont moins le sentiment de poser une question, ils ne sont pas obligés de s’identifier. Du coup ça les incite à s’exprimer. »
Le site sert de base au cours. « Je l’utilise pour retrouver le cours mais aussi pour projeter des documents ou des informations complémentaires ». Il s’est enrichi du « chapitre en fiche » : des résumés qui pointent ce qui est important et de nombreuses fiches méthodologiques. « Beaucoup d’élèves ont peu de méthodes de travail. Par exemple quand on leur demande d’apprendre une leçon ils l’apprennent par coeur comme au cm2. Il faut leur expliquer comment faire ».
Interroger Jeanne d’Arc ou Molière
Mais le fleuron du site ce sont les générateurs de dialogue avec des personnages historiques. T Bonnafous invite à interroger Jeanne d’Arc, Molière ou John Lennon par exemple.
« Ca me sert d’abord à faire échouer les élèves », nous dit T Bonnafous. « Mais cet échec ne laisse pas de trace négative. Comme la sanction vient d e la machine, il invite à recommencer pour faire mieux ».
« Quand on demande aux élèves d’analyser un document ils ne savent pas. Ils n’ont pas d’esprit d’analyse, ne savent pas interroger un document. S’ajoute à cela qu’il faudrait qu’ils osent dépasser la peur de se tromper. Le dialogue virtuel sert à les entrainer à poser des questions historiques. Je leur donne une bonne heure pour trouver des questions pertinentes pour le personnage historique. On met en commun et là les élèves se rendent compte que leurs questions ne sont pas traitées par le logiciel ou qu’elles apprennent très peu. Alors il finissent par toucher du doigt ce que peut être un questionnement historique. Le logiciel leur sert à réfléchir à leur façon de travailler. C’est une remise en question de leur méthode qui s’opère en douceur »
Pour apprendre à raisonner
Mais le dialogueur historique a aussi une autre finalité. « Ce que révèle le travail également sur les manques des élèves c’est le caractère monolithique de leur savoir. Là où nous savons que pour raisonner, il faut sauter d’une idée à l’autre, d’une connaissance à l’autre, ils ne cherchent qu’à « ressortir » des enchaînements de connaissances figés, des « blocs de béton » appris plus ou moins par coeur ou issus d’une mémoire collective (quand il ne s’agit pas de morceaux épars). Le travail de création de dialogues virtuels les conduit à voir comment on passe d’une question (et donc d’une réponse) à une autre et ainsi de suite… A découvrir que chaque réponse ouvre de nouveaux horizons avec à chaque fois la possibilité de prendre d’autres directions. Raisonner c’est donc faire preuve d’une souplesse d’esprit. J’essaye de les y entrainer ».
Propos recueillis par François Jarraud