« Comme avocate, je trouve cela très choquant ». Valérie Piau est spécialisée dans le droit scolaire. Elle a publié récemment » Le guide Piau. Les droits des élèves et des parents d’élèves », un ouvrage qui fait référence pour les droits des familles dans le monde de l’école. Elle réagit à la proposition de V Pécresse, nouvelle présidente du Conseil régional d’Ile -de-France, d’imposer des tests salivaires dans les lycées franciliens pour détecter les fumeurs de cannabis.
» Lutter contre l’usage de la drogue chez les mineurs c’est ma responsabilité de candidate », avait expliqué V Pécresse le 5 novembre. En campagne, elle avait proposé des tests de détection du cannabis systématiques et obligatoires dans les lycées. « Concrètement, ces tests seraient proposés aux conseils d’administration des 470 lycées franciliens. Il reviendrait à ces instances de direction de donner ou non leur feu vert à la mise en place du dispositif. Une fois la décision validée par un établissement, un test salivaire deviendrait obligatoire pour l’ensemble des élèves qui y sont inscrits. S’ils donnent leur accord, les élèves seront contraints de se soumettre à ces tests sous peine d’être considérés d’emblée comme « positifs ». Les parents seront prévenus et les lycées où les adeptes de la fumette sont les plus nombreux feront l’objet de mesures spécifiques pour lutter contre le trafic ». La proposition a été réaffirmée le 22 décembre par Frédéric Péchenard, vice président à la sécurité du Conseil régional.
Valérie Piau éclaire cette proposition au regard du droit.
Une collectivité comme la région Ile-de-France peut-elle imposer aux lycéens des tests salivaires pour détecter le cannabis ?
Ces tests touchent aux libertés publiques et à l’intégrité de la personne. Seule la loi peut restreindre ces libertés. Aujourd’hui seul un officier de police judiciaire peut décider ces prélèvements et dans des cas particuliers comme un conducteur d’automobile qui aurait un comportement dangereux sur la route. Un conseil d’administration d’un établissement qui adopterait cette proposition du conseil régional n’a pas l’autorité pour le faire.
Peut-elle être faite par un officier de police judiciaire dans un lycée ?
Le prélèvement ne peut être effectué que quand il y a présomption d’infraction. Il faut un motif. Ensuite pour tout acte qui concerne un mineur il faut un accord des parents. Passer outre c’est violer les droits des familles et les libertés individuelles. Une question prioritaire de constitutionnalité pourrait être déposée pour savoir si un règlement intérieur d’établissement peut imposer cela.
Actuellement aucune loi ne le permet. Il y a bien eu en janvier 2014 une proposition de loi d’Eric Ciotti qui demandait des tests obligatoires dans tous les lycées. Mais elle n’a pas été adoptée.
La loi scolaire n’est pas au dessus des lois ?
Ce qui me choque c’est cette idée que parce que c’est un lycée un conseil d’administration pourrait décider cette mesure et les élèves seraient obligés d’y céder. Les atteintes à la liberté individuelle et le respect de l’intégrité physique ça vaut aussi pour les établissements scolaires. L’idée que l’élève qui ne se soumettrait pas au contrôle serait déclaré positif, comme avocate, je trouve cela extrêmement choquant.
Propos recueillis par François Jarraud