Est-ce vraiment une bonne idée ? Dans un entretien accordé aux Echos, puis sur RTL, N. Vallaud-Belkacem a annoncé le 12 juillet son intention de « simplifier le bac » en réduisant le nombre des épreuves. La mesure semble rencontrer un large assentiment. Pourtant est-elle réellement une bonne chose pour les candidats et l’Education nationale ? Ce n’est pas sur…
Le bac réduit à un rite initiatique
» Le bac reste un rite initiatique très important en France » déclare la ministre de l’éducation nationale dans Les Echos le 12 juillet. « Si on basculait sur du contrôle continu, cela pénaliserait les élèves des lycées les moins cotés. Pour autant, il faudra faire un jour le toilettage du bac, avec sans doute moins d’options, moins d’épreuves et un calendrier plus équilibré ».
Ces propos sont ensuite repris sur RTL où N Vallaud-Belkacem reparle d’un « rite initiatique » et mentionne » trop d’épreuves, trop d’options ». Dans les deux cas, elle ne donne pas de date à une réforme qu’elle n’aura probablement pas la possibilité de mener à bien. Mais elle évoque » le bilan de la réforme du lycée de 2010″, un bilan qui tarde à venir…
Une « simplification » qui fait l’unanimité?
Il faut dire que l’idée est dans l’air. En juin Annie Genevard, déléguée nationale à l’éducation des Républicains, annonçait la réforme du bac en cas de victoire de son parti aux élections. « Il faut recentrer les épreuves sur les matières fondamentales de chaque section par des coefficients significatifs… Le nombre d’options offertes au bac pourrait être réduit sans pour autant nuire à la motivation des lycéens pour des matières qui ne seraient plus au programme du baccalauréat, en les intégrant par exemple au dossier scolaire avec des appréciations susceptibles d’être valorisées dans les choix d’orientation futurs ». Pour A Genevard cette réforme va se faire : » Les Républicains mettront en œuvre ces orientations avec les professionnels de l’Education nationale après en avoir établi les modalités précises avec les enseignants. » L’idée vient de loin. En 2009, B. Apparu, député européen, avait déjà proposé la réduction du bac à quelques épreuves. Depuis l’idée a aussi, à droite, été reprise par F Fillon.
Mais la réduction du bac se porte aussi à gauche. En juin, un rapport publié par Terra Nova et rédigé par Martin Andler, professeur à l’université de Versailles, Armelle Nouis, proviseure, Marc Olivier Padis, directeur des études de Terra Nova, Jérome Ferrand, Régine Paillard et Françoise Sturbaut, propose lui aussi un bac réduit. Il se limiterait à 4 épreuves passées en deux journées en 1ère et en terminale. Les autres disciplines seraient évaluées au contrôle continu. Terra Nova en attend une simplification administrative qui permettrait la fameuse « reconquête du mois de juin ». Celle-ci aurait un effet positif sur le niveau des élèves.
Mais le bac est plus qu’un rite
Certes cette mesure simplifie beaucoup le bac qui est devenu une machine complexe avec une foule d’options, de langues, particulièrement dans le bac général. Son organisation demande beaucoup de travail aux personnels de direction. Sa présence a un impact sur les cours tout au long du mois de juin.
Et on a compris , en écoutant la ministre, que tout cela ne sert qu’à « un rite initiatique », une gentille tradition un peu surannée mais socialement utile. Et que les options ont peut-être une autre fonction qu’une passion des candidats…
Malheureusement cette vision est fausse. Si le bac n’est plus qu’une formalité pour , en gros, les candidats au bac général, où 9 élèves sur 10 sont reçus, ce n’est pas le cas de tous les Français. Plus d’un jeune sur cinq n’a toujours pas le bac. Et cette absence de diplôme a de lourdes conséquences sur son devenir, en lui fermant l’accès à l’enseignement supérieur et en lui ouvrant en grand la porte de Pôle Emploi. Autrement dit cette idée d’un bac rituel vient tout droit des beaux quartiers.
Le danger d’épreuves au controle continu
Faire passer les épreuves au contrôle continu ou dans le cadre d’un examen final change beaucoup de choses. Dans le premier cas cela créé davantage d’inégalités entre les candidats car la correction n’est pas anonyme et les stéréotypes jouent leur rôle de façon plus importante qu’avec une correction anonyme ou par un enseignant inconnu.
Surtout, installer le contrôle continu c’est transformer le bac de diplôme national en diplôme d’établissement. Or, compte tenu des écarts énormes de niveau entre les établissements, cela se retournerait contre les lycées des quartiers populaires et leurs élèves.
Mais c’est le Cnesco, dans sa récente étude sur le bac, qui a mis l’accent sur le principal handicap d’une réduction du bac à quelques épreuves.
Pourquoi faut-il un nombre important d’épreuves ?
Dans le Café pédagogique du 15 juin, Nathalie Mons, présidente du Cnesco, explique précisément pourquoi la réduction du nombre d’épreuves à l’examen final est une fausse bonne idée. » Ces évaluations externes élèvent le niveau général des élèves et réduisent les écarts de résultats entre eux », dit-elle. « Cela s’explique par le fait que l’évaluation externe fait référence dans tous les établissements. C’est un objet pédagogique externe qui oriente les pratiques pédagogiques ».
« Dans les établissements défavorisés ça permet d’avoir des objectifs nationaux et du coup d’aller au delà des difficultés scolaires des élèves », explique-t-elle. » On se rappelle qu’Agnès van Zanten, par exemple, a montré que dans les établissements défavorisés les enseignants ont tendance à s’adapter au niveau des élèves. L’examen final externalisé rompt avec cette habitude et élève les objectifs ».
Mais elle fixe aussi des conditions à ces épreuves finales. « La première c’est qu’il faut un examen de qualité. Par exemple, on a vu, dans certains états américains, se mettre en place des tests par QCM . Cela a donné de mauvais résultats. Entre autre le Teaching to the test. Il faut aussi que l’examen soit assis sur un champs large de matières. L’idée de limiter drastiquement le nombre de disciplines présentées à l’examen serait une lourde erreur. On perdrait l’effet bénéfique de l’examen final ».
Réduire la démocratisation du bac en réduisant les épreuves
On ne connait évidemment pas le volume que le bac prendrait suite à cette réduction annoncée par N Vallaud-Belkacem. Irait-elle jusqu’aux 4 épreuves que demande aussi bien Terra Nova que l’opposition ? Céder à cette simplification serait réduire encore davantage la démocratisation du bac que le système éducatif français et les élites, décidément, ne supportent pas.
François Jarraud