L’école inclusive ce n’est pas que des textes. C’est une véritable culture à acquérir. L’université d’automne de la Fnaseph, une fédération d’associations de parents de jeunes handicapés, réunie le 7 octobre à Paris, éclaire les chantiers d’une école qui veut inclure tous les jeunes. D’un coté il y a de véritables progrès. Ceux-ci invitent à aller plus loin : c’est l’insertion professionnelle qui est maintenant en ligne de mire de la Fnaseph. Mais les parents soulignent aussi les écarts entre les textes et les réalités du terrain.
Des progrès incontestables…
« Ca s’améliore quantitativement de plus en plus », nous dit Sophie Cluzel, présidente de la Fnaseph, « mais il y a encore des obstacles ». En écoutant Sandrine Lair, chef du bureau de la personnalisation des parcours scolaires et de la scolarisation des élèves handicapés à la Dgesco, l’inclusion des jeunes handicapés progresse sans accrocs. Et ce n’est pas totalement faux. Le nombre de jeunes handicapés scolarisés depuis la loi de 2005 a beaucoup augmenté , particulièrement dans le second degré où c’est une véritable explosion. On compte 260 000 jeunes scolarisés en milieu ordinaire dont 110 000 dans le second degré. 109 000 bénéficient d’une aide offerte par 69 000 accompagnants dont 28 000 aesh et 41 000 contrats aidés. Le nombre d’accompagnants a progressé très rapidement.
De nouveaux textes sont entrés en application. Le PAP est apparu, un nouveau dispositif pour des jeunes ayant des troubles durables des apprentissages, situé entre le PPRE, qui relève du simple soutien scolaire, et le PPS, qui concerne des jeunes ayant besoin de compensations après diagnostic. Le PPS a été réécrit de façon à redéfinir le rôle de la MDPH. Le Guide d’évaluation , GEVA Sco, a été mis en place pour mieux suivre le jeune. Un e circulaire récente a supprimé les CLIS pour ne garder que des ULIS à tous les niveaux. C’est la fin des classes fermées, tous les jeunes doivent, au moins une partie de la semaine, partager la vie d’une classe ordinaire et avoir l’ensemble des enseignements.
Et Sandrine Lair annonce de nouveaux textes : l’aménagement du brevet pour les jeunes handicapés, un texte sur l’insertion professionnelle, un autre sur la mise en oeuvre des PPS.
Mais des réalités encore dures à vivre sur le terrain
Les responsables de la Fnaseph les montrent du doigt. Les nouveaux PAP nécessitent un avis du médecin scolaire quasi impossible à avoir car ceux ci sont trop rares. La dernière circulaire sur les ULIS est utilisée pour diminuer le nombre d’accompagnants de façon autoritaire. Des circulaires académiques redéfinissent les procédures et rendent plus difficile l’accès au PAP.
« Il y a des AESH », nous a dit S Cluzel, « mais ils n’ont pas encore eu de formation diplomante et aujourd’hui les deux tiers des accompagnants sont des travailleurs précaires. On est très inquiet car les contrats d’insertion de nombreux AVS arrivent à terme et les rectorat ont du mal à recruter ». Si « la culture du handicap s’installe à l’école, il faut maintenant mailler vers le collège et le lycée où elle doit s’installer ».
« Si 80% des enseignants sont pour l’école inclusive, cela ne fait pas disparaitre pour autant les difficultés d’inclusion », rappelle Serge Thomazet, université B Pascal de Clermont Ferrand. L’école est soumise à des injonctions qui nécessiteraient des formations et un changement de culture, une véritable transformation de l’école dans une société qui doit elle aussi devenir inclusive. « Il faut accompagner les nouveaux textes avec de la formation, sinon on fait avec les nouveaux textes ce qu’on faisait déjà avant », rappelle-t-il.
L’insertion professionnelle, nouveau chantier
Mais les progrès des 10 années depuis 2015 repoussent les frontières et ouvrent de nouveaux chantiers. « On grandit avec nos jeunes qui ont bénéficié de la loi de 2005. Maintenant ils arrivent sur le marché du travail et il nous manque des passerelles », nous dit S Cluzel. Les jeunes handicapés ont vécu en milieu ordinaire et ne se satisfont pas d’un placement en travail adapté. D’un autre coté ils ont besoin de plus de temps à chaque étape de l’accès à l’emploi ».
La Fnaseph fait du thème de l’insertion professionnelle le thème de son université d’automne. Pour Sophie Cluzel l’éducation nationale doit s’occuper de l’insertion professionnelle car elle commence en amont avec l’orientation, la recherche de stage durant le cursus scolaire ». C’est une nouvelle frontière pour l’école inclusive.
Parmi les dispositifs présentés le 6 octobre, la Plateforme d’accompagnement à l’insertion professionnelle de l’académie de Toulouse animée par Nathalie Bepmale et Frédéric Detchart. Elle assure l’information et surtout l’accompagnement des jeunes des ULIS à chaque étape de l’insertion professionnelle, de la recherche de stage à l’emploi , en s’appuyant sur un outil numérique. La PAIP obtient des résultats : la moitié des 62 jeunes suivis en 2015 sont en emploi, 31% en alternance, 19% en CDI. Pour Nathalie Bepmale, qui coordonne le dispositif , le PAIP est « indispensable pour que les familles continuent à envoyer des jeunes en ULIS ». L’insertion professionnelle entre dans la question de confiance que pose en permanence l’école inclusive.
François Jarraud