Pas moins de 30 intervenants (chercheurs, pédagogues, didacticiens, sportif de haut niveau,…) et 420 enseignants ou conseillers pédagogiques du premier degré, de la France entière se sont donnés rendez-vous du 16 au 18 octobre à pour la 15ème Université d’automne du Snuipp. C’est un rendez-vous incontournable pour qui veut interroger ses pratiques de classe, réfléchir sur la didactique ou partager ses expériences d’enseignement. C’est aussi le lieu où se confrontent les résultats des recherches et des thèses et se font connaître les avancées scientifiques, l’évolution des savoirs et des modes d’enseignement et le lieu où l’on réfléchit à l’Ecole dans la société en tant qu’objet d’étude, l’Ecole comme microcosme des préoccupations nationales.
S. Sihr : Donner à l’école les moyens du changement
L’édition 2015 n’a pas démérité tant les enjeux actuels pour l’Ecole et ses acteurs sont importants puisqu’ils s’inscrivent dans la nécessité de redonner des repères à une société en crise, société qui s’interroge sur son identité profonde. Les questions abordées (immigration, mixité, inclusion, éducation prioritaire, formation des enseignants, éducation aux médias et au numérique, …) ont montré l’urgence de réfléchir encore à cette Refondation amorcée mais insuffisante.
Sébastien Sirh, Secrétaire Général du SNUipp, lors de la plénière d’ouverture puis pendant les trois jours, a insisté sur l’idée que l’Ecole ne changera pas, n’évoluera pas, ne se transformera pas du fait des effets d’annonce médiatiques ou ministérielles tonitruantes, mais bien parce qu’on donnera enfin les moyens à ses acteurs de véritablement faire reculer l’échec scolaire et en s’appuyant sur toutes ces personnes qui font vivre l’école au quotidien.
En effet, d’après lui, « les enseignants font un travail remarquable, insuffisamment valorisé, dans des conditions difficiles, sans compter leurs heures, sans formation continue digne de ce nom, et avec trop d’élèves par classe ». Pour lui, toujours, on ne change pas l’école à coup de grandes annonces hebdomadaires mais bien en donnant des moyens, de la confiance, de la reconnaissance et de la revalorisation à ses enseignants. « La priorité au primaire ce ne sont pas des annonces intempestives au 20h, avec une priorité nouvelle assignée, chaque semaine, aux enseignants. Non, on ne peut pas parler de priorité au primaire, quand aucun plan de formation continue n’est programmé à ce jour. Et ce n’est pas m@gistère, ni quelques heures d’animations pédagogiques qui vont changer la donne. Pour aider les élèves, tous les élèves à mieux réussir, il serait temps d’aider les enseignants à bien travailler : formation, baisse des effectifs, salaires revalorisés, voilà quelques priorités à investir très vite ».
Conférences et festivités…
Que le message soit entendu ou pas au ministère, il n’en reste pas moins que l’Université d’Automne a tenu toutes ses promesses cette année encore ! Les conférences ont été toutes plus passionnantes les unes que les autres, avec des intervenants aussi prestigieux que Benjamin Stora, Viviane Bouysse ou encore Jean-Yves Rochex, et ce sont des enseignants heureux, souriants, détendus que le Café Pédagogique a pu rencontrer au sein de cette environnement studieux, d’ébullition intellectuelle, durant ces trois journées.
L’épanouissement des acteurs de l’Ecole n’est peut-être pas si loin, lorsqu’on leur donne des moyens d’avancer et de réfléchir à leurs pratiques, de se former, de se tenir au courant des avancées des recherches pédagogiques et didactiques ou de rencontrer, dialoguer, échanger, partager entre eux ou avec des personnes comme Philippe Meirieu, qui a fait l’unanimité auprès des enseignants durant sa conférence de clôture et déclenché une véritable salve d’applaudissements à la fin de son exposé.
Il y a eu aussi le coté « plaisirs » avec des repas festifs, une soirée dansante de qualité même pas gâchée par la retransmission du quart de finale de la Coupe du Monde de rugby. Comme pour l’Ecole, peut-être qu’une Refondation du staff et des joueurs en manque de motivation devraient également s’imposer d’urgence…
Florence et Marianne, fidèles au rendez-vous
Florence Boudard (35 ans) a laissé son poste de remplaçante pour un poste définitif de professeure des écoles en maternelle à Loos-en-Gohello tandis que Marianne Villerez (presque 49 ans) est brigade à Rebreuve-Ranchicourt, toutes deux dans le Pas-de-Calais (62). Cela fait six ans qu’elles viennent à l’Université d’Automne. Elles se connaissaient grâce à leurs actions syndicales et la première fois, elles ont partagé la même chambre. Elles ont appris à se connaître puis une vraie amitié s’est créée entre elles. Depuis, chaque année, elles partent ensemble et prolongent le week-end de quelques jours de vacances ensemble. De la motivation, il en faut chaque année pour traverser la France afin de participer à l’Université d’Automne…
Marianne, au bout de 25 ans d’ancienneté, tu as toujours été remplaçante. Est-ce un choix ?
« Oui, j’ai toujours été ZIL ou Brigade. Je fais des remplacements d’une matinée à un an, très souvent en maternelle. Je n’ai jamais eu envie d’avoir une classe. Ca me permet de relativiser quand je tombe sur un remplacement qui ne se passe pas forcément comme on l’aurait souhaité.Ca me permet aussi de faire plein de choses différentes, de passer dans tous les niveaux et tous les milieux. Ainsi, je ne suis jamais blasée. Le lundi, je peux me retrouver dans une section en REP près des mines, le mardi dans une petite école de campagne… et ce n’est pas la même chose ! Je me remets toujours en question. Je ne me vois pas faire 20 ans dans la même classe. »
Pourquoi venez-vous à l’Université d’Automne du SNUIPP ?
Florence : « ma première Université, c’était en 2009. J’aime venir ici parce que ça me permet d’échanger avec les collègues, de partager des expériences. C’est un réel enrichissement, grâce auquel je peux découvrir à d’autres pratiques, réfléchir sur l’enseignement et l’éducation, mettre mes propres pratiques en perspective et me remettre en question. »
Marianne : « ce qui m’a attirée dans l’Université d’Automne, c’est le lien avec la proximité des auteurs, des chercheurs. A la fac, tu ne peux jamais discuter avec les auteurs et tu leur fais dire ce que tu veux (notamment en littérature). Cela pourrait être la même chose pour les sciences de l’éducation mais ici je peux discuter avec des chercheurs et des auteurs qu’on ne fait que lire habituellement. Ils nous expliquent des choses en direct, c’est passionnant ! Tu rencontres tous ces auteurs et tu discutes même directement avec eux ! »
Est-ce un investissement important pour vous ?
Marianne : « c’est même un véritable engagement ! L’essence et les péages, ce n’est pas donné. On a toute la France à traverser. On regrette aussi que l’Education Nationale ne te forme plus et que tu sois obligée de tout entreprendre avec tes propres deniers. C’est vraiment regrettable de le faire seul. »
Quels intervenants vous ont particulièrement marqué cette année ? Est-ce que l’Université d’Automne vous permet de faire évoluer vos pratiques ?
Florence : « Joël Briand m’a interpellé sur les changements récents des conceptions en numération. Véronique Boiron m’a fait prendre en compte et m’a fait réfléchir sur de nouvelles données en ce qui concerne le langage. La conférence de Jumel sur les troubles de l’attention m’a intéressée par rapport à un élève de ma classe. Enfin, j’ai apprécié l’ouverture apportée par Philippe Meirieu ».
Marianne : « c’est certain, l’Université change aussi mes pratiques de classe ! J’évolue positivement. Je me suis rendu compte qu’en suivant la progression d’un bouquin, tu peux devenir « ennuyeux ». L’avantage d’être ZIL, c’est qu’on peut apporter autre chose. On peut prendre le temps. On peut tester des approches qu’on n’aurait pas osé mettre en place en tant que titulaire de classe car on est écrasé par l’administratif et la lourdeur des programmes. Tu n’as plus les mêmes attentes et tu n’abordes plus les choses de la même manière quand tu as écouté et compris un Monsieur Brissiaud ou Meirieu, une Madame Brigaudiot ou Bouysse. »
Florence : « C’est sûr, ici, tu apprends que tu fais n’importe quoi en classe. En l’occurrence, je réinvestis à chaque fois les conseils donnés. Briand m’a convaincue, je vais mettre une droite numérique avec des écarts et des espacements dans ma classe ! »
Propos recueillis par Alexandra Mazzilli
NB : Nous publierons d’autres comptes-rendus de l’université d’automne le 27 octobre….