Après plusieurs années de tensions très fortes qui ont rendu peu perceptibles sur le terrain les efforts budgétaires pour l’Ecole, 2016 verra-t-il les choses s’améliorer ? Présenté le 30 septembre, le budget 2016 de l’Education connait une croissance nettement moins forte qu’en 2015. Pourtant le ministère pourrait avoir un peu plus les moyens de ses politiques. Cela tient pour l’essentiel au ralentissement attendu de la croissance démographique et à l’arrivée dans les classes des enseignants stagiaires recrutés les années antérieures. Il y aura aussi un peu à grappiller pour les enseignants. Pour le ministère, après la poisse, l’embellie ?
Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage
Rappelons nous la rentrée 2014. Benoit Hamon arrache 1,2 milliard supplémentaire à Bercy. Un véritable exploit qui permet de créer 7000 emplois. Mais cet effort est largement annulé par la croissance démographique : 60 000 élèves de plus en 2014, puis 50 000 de plus en 2015. Voilà déjà 4 000 postes absorbés par la seule croissance démographique. Cela alors que le ministère réforme et s’impose des charges supplémentaires comme les majorations de l’éducation prioritaire, les « plus de maitres que de classes » et surtout la renaissance de la formation des enseignants qui avale la plupart des créations de postes.
La bonne nouvelle est pour 2016 et 2017. La pression démographique devrait fortement s’atténuer. Du coup cela devrait redonner des marges de manoeuvre au ministère et rendre plus visibles dans les écoles et les établissements les effets des nouvelles politiques et les embauches d’enseignants. Enfin les stagiaires retenus en ESPE vont arriver plus nombreux dans les classes. On arrive au paradoxe : N Vallaud-Belkacem n’a obtenu que 500 millions supplémentaires pour son budget 2016. C’est nettement moins que B Hamon. Mais la situation vécue dans les classes devrait malgré tout être meilleure.
L’Education encore prioritaire
Cette très modeste croissance du budget de l’Education nationale (66 milliards) déroge à un budget général de rigueur. Le gouvernement veut ramener le déficit budgétaire de 3.8% du PIB à 3.3% en 2016 et donc économiser 5 milliards sur la seule année 2016 et 50 milliards pour toutes les administrations sur 3 années. Trois ministères seulement voient leurs effectifs augmenter : l’Education nationale, l’Intérieur et la Défense. Les autres perdent des emplois.
Le budget de l’Education augmente de 527 millions soit moins de 1%. Il prévoit 11 711 créations de postes parmi lesquelles 2150 assistants d’éducation AES. 8 011 postes d’enseignants sont créés en 2016 dont 7216 devant élèves. 3911 iront dans le 1er degré et 2805 dans le second. C’est la première année où la priorité au primaire se lit dans les postes créés.
La répartition des postes n’est pas encore faite. Il faut à la fois accompagner les créations en éducation prioritaire, pour le dispositif Plus de maitres que de classe, les Rased, et accompagner la croissance démographique. L’éducation prioritaire devrait absorber à elle seule 5100 postes d’enseignants. Dans el second degré, la réforme du collège prévoit de créer 4 000 postes sur deux ans. Autrement dit l’essentiel des créations ira dans les collèges. Le reste peut etre dans la reconstitution de volets de remplaçants.
Quel partage pour les 527 millions ?
Au total ces créations de postes vont absorber environ 270 millions d’euros sur les 527 millions supplémentaires inscrits au budget. Une somme de 150 millions est prévue pour l’achat des manuels suite à la réforme du collège. En 2016, les collégiens auront de nouveaux manuels en français, maths et histoire. Les collégiens de 5ème auront un nouveau manuel de LV2 et ceux de 6ème un manuel de sciences. Au total plus de 11 millions de manuels devront être distribués.
72 millions seront consacrés à la formation continue au lieu de 48 millions en 2015. Cette somme servira à payer les déplacements et les salaires des formateurs. Car le ministère considère que les enseignants des collèges qui seront formés entre janvier et juin, ne doivent pas etre payés pour les 8 jours de formation qui auront lieu en plus du temps de la classe. Pour le ministère, ce temps de formation rentre dans les 1607 heures annuelles dues inscrites dans les nouveau statuts. Une interprétation qui n’est pas partagée par le Snes.
Une politique sociale ?
Quelques mois après la publication du rapport Grande Pauvreté de JP Delahaye, le ministère estime entrer dans son application. Il créé des emplois pour l’éducation prioritaire. Il a programmé aussi une hausse des crédits sociaux des lycéens. 8 millions sont aussi réservés à un énigmatique « fonds de soutien à l’initiative pédagogique ». 3 millions vont aux associations complémentaires de l’Ecole.
Près de 192 millions sont réservés à l’application du plan numérique à partir de 2016 pour équiper et accompagner 40% des collèges. Mais cet argent vient des Investissements d’avenir.
Et pour les profs ?
Alors que reste-il pour les profs ? Il reste encore quelques moyens pour la revalorisation des enseignants. Le ministère a prévu 116 millions en 2016 pour les mesures catégorielles. Cette somme doit à la fois satisfaire la demande de revalorisation du premier degré (revalorisation de l’ISAE) mais aussi la hausse du taux d’accès en hors classe et les nouvelles missions IMP. Le ministère nous a confirmé que la hausse de l’ISAE est bien à l’ordre du jour en 2016. Mais un simple calcul montre qu’elle ne pourra pas dépasser 200 euros annuels sur 2016.
François Jarraud