Propos de Véronique Perruchon recueillis par Jean-Michel Le Baut
« S’intéresser à la création
et pas simplement à la reproduction »
Véronique Perruchon enseigne la spécialité théâtre à Grenoble, Isabelle de Croisilles enseigne le français à Istambul. Elles ont noué entre leurs élèves des liens pédagogiques et culturels forts dans le cadre d’un jumelage eTwinning. Centré sur le théâtre, le projet développe les compétences littéraires et linguistiques. Par-delà même les objectifs pédagogiques, l’écriture créative et collaborative ici à l’œuvre permet de franchir les frontières.
Votre projet s’intitule « Théâtre croisé » : en quoi consiste-t-il ?
Il s’agit de réaliser une écriture collaborative de textes dramatiques et leur mise en voix. Les ressources utilisées sont multiples (video, textes sur Word, fichiers son) et visent une production commune, écrite et visuelle. La tranche d’âge des élèves concernés est de 16-18 ans. La langue utilisée est le français.
Quelles ont été les étapes de travail pour parvenir au résultat final ?
La première étape s’est déroulée sur trois séances : il s’est agi de choisir ensemble un schéma préexistant (une courte pièce, une histoire, ou une fable), de préciser les protagonistes et les situations retenues.
Dans un second temps (quatre ou cinq séances), les deux écoles se sont réparti la rédaction des scènes en alternance. Elles se les ont envoyées et les ont testées en lecture à voix haute.
Deux séances de travail ont permis ensuite d’intégrer des éléments de culture propres à chaque pays (musique, langue, etc.) .
Le projet s’est conclu par l’envoi de fichiers audio et vidéo.
Votre projet repose sur un échange eTwinning entre la France et la Turquie : comment la collaboration prend-elle forme concrètement ? qu’apporte au projet cette dimension internationale et interculturelle ?
A travers un travail de théâtre, il s’agit de créer un échange interculturel et de développer des compétences d’écriture dramatique et de diction. Les élèves ont échangé des impressions sur le travail théâtral. Cela a déclenché une envie de se rencontrer. Les élèves d’Üsküdar ont une approche plus classique et littéraire du théâtre, tandis que les élèves français ont une approche artistique et créative. C’est donc une découverte culturelle à ce niveau-là également.
Concrètement nous avons d’abord échangé des Powerpoint et des questionnaires pour apprendre à nous connaître et nous apprivoiser. Y compris entre les deux enseignantes que nous sommes !
Puis nous sommes entrés dans le vif du sujet en choisissant le conte-support d’écriture à partir de propositions croisées. Le choix s’est arrêté sur « La Belle et La Bête ».
Les élèves français, plus à l’aise avec les questions dramaturgiques et la langue ont élaboré une analyse dramaturgique de chaque séquence repérée dans le conte afin de préparer l’étape d’écriture.
Actuellement nous abordons cette phase d’écriture.
En outre, nous avons échangé sur les figures possibles pouvant représenter les protagonistes à notre époque.
Chaque étape du projet et chaque production sont immédiatement placées sur la plate forme du projet, quelles que soient leurs formes (texte, fichier son, photos, Powerpoint…). Cela permet des réactions de part et d’autre sur le blog de la plate forme. Nous avons suivi un calendrier aussi précis que possible avec une marge d’adaptation.
Il en résulte un panel didactique très varié.
Quelles connaissances et compétences l’expérience a-t-elle développées chez les élèves ?
Les élèves ont pris conscience de leurs compétences spécifiques dans leurs domaines respectifs, grâce à la transmission.
La rencontre inhabituelle des TICE et du théâtre a révélé des possibilités et a facilité l’écriture dramatique, objet central du projet.
Pour Isabelle de Croisilles en Turquie, cela lui a permis de voir ses élèves sous un nouveau jour, de développer leur motivation et intérêt pour l’apprentissage du français et de varier ses approches pédagogiques. Elle a pu aussi découvrir que certains de ses élèves avaient une pratique théâtrale en dehors du lycée.
La pièce de théâtre est-elle ou sera-t-elle quelque part visible ?
Cela n’est pas prévu dans ce type de projet limité dans le temps et utilisant les TICE, mais les élèves de premières pensent lui donner une vie sur le plateau l’année prochaine.
Quels plaisirs avez-vous pris dans cette expérience ? Pensez-vous la renouveler ?
Voir les élèves s’intéresser à la création et non pas simplement à la reproduction d’un texte. L’aisance acquise rapidement aussi bien dans les aspects notionnels que ceux liés aux outils informatiques ; le plaisir de la découverte interculturelle avec un pays peu connu.
Au niveau de ma pédagogie, le plaisir de créer une séquence inédite et riche de connaissances et compétences.
Renouveler ? Bien sûr !