» Enseignement des mathématiques au lycée: «Jean-Michel Blanquer effectue un virage à 360 degrés»… Jean-Rémi Girard.- C’est même un virage à 180 degrés. ». Une erreur de titrage dans Le Figaro (corrigée depuis) résume bien la stratégie menée par JM Blanquer pour sortir du piège où l’a conduit sa réforme du lycée. Veut-il faire un tour complet et rien changer ou changer de politique à 180° ? Ses déclarations du 6 février montrent qu’il amorce un virage à 360°. Même si un nouvel argumentaire des associations mathématiques particulièrement clair démontre l’effondrement des maths au lycée, JM Blanquer n’a pas d’autre politique possible que tergiverser.
180 ou 360° ?
Deux enseignements sortaient de l’interview du ministre sur CNews le 6 février. D’abord il cessait de nier le problème, ce qu’il a fait devant les parlementaires en janvier. Le ministre « ne dit pas que c’est un faux problème » et affirme être ouvert aux propositions pour élever la part des maths dans les enseignements en lycée. Ensuite il propose de mettre davantage de maths dans le tronc commun du lycée. « On a mis dans le tronc commun un enseignement scientifique de 2 heures. Il faut le faire évoluer pour qu’il y ait plus de maths en son sein », dit JM Blanquer.
Cela a amené une bonne partie des médias à annoncer le retour des maths dans le tronc commun. C’est le virage à 180°. En fait JM Blanquer n’a pas annoncé un enseignement de maths dans le tronc commun. Il a annoncé « davantage de maths » dans un enseignement qui s’appelle « enseignement scientifique » et qui porte sur des sujets scientifiques non mathématiques. Par exemple : Le Soleil, notre source d’énergie, La Terre, un astre singulier, Son et musique. Il s’agit de sujets de physique et de SVT dans lesquels on peut toujours mettre davantage de calcul. Cela n’en fera pas un enseignement de maths. Cet enseignement est tellement flou que les formations su supérieur ne le prennent pas du tout compte dans leurs baremes d’admission, selon un rapport de l’Inspection générale. On voit que cette annonce est bien « un virage à 360° », c’est à dire un tour complet sur soi même ramenant le ministre au même point. JM BLanquer n’envisage pas de modifier sa réforme du bac.
La démonstration des associations mathématiques
Pourtant les associations mathématiques publient des données précises et sans appel qui devraient peser. Dans un nouveau communiqué, elles montrent, chiffres à l’appui, le déclin des filles dans l’enseignement des maths au lycée, et celui des maths en général.
» En 2010, il y a 56% de filles en terminale : elles sont 38% parmi les élèves qui font plus de 8 h de maths et 52% parmi les élèves qui en font plus de 3 h. En 2021, il y a toujours 56% de filles en terminale, mais elles ne sont plus que 31% parmi les élèves qui font plus de 8 h de maths et 47% parmi les élèves qui en font plus de 3 h ». Dans toutes les configurations, un décrochage de la part des filles apparaît après la réforme de 2019 (2019 étant la dernière année de l’ancien système), et il est d’autant plus prononcé que le volume de maths suivi est important., écrit le collectif des associations mathématiques (où on trouve l’Apmep, l’IREM, le CFEM, Femmes & mathématiques etc.).
» Près de la moitié des élèves ne fait plus de maths et le nombre d’heures de formation en mathématiques baisse de façon importante. Sur l’ensemble des élèves, 330 000 suivaient au moins 4 h de maths avant la réforme et seuls 50 000 n’en faisaient pas. Aujourd’hui, 140 000 élèves seulement font au moins 4 h de maths, et 170 000 n’en font plus. Même la part de ceux qui suivent plus de 6 h de maths chute de 29%. La durée moyenne de formation en maths par élève chute de 36% », écrit le collectif. Alors que le niveau des jeunes français en maths et en sciences est parmi les plus bas dans TIMMS, les associations montrent bien qu’ily a un abandon des maths.
JM Blanquer bloqué dans le piège qu’il a construit
Et pourtant JM Blanquer ne fera probablement rien si ce n’est des discours. Il y a a cela plusieurs raisons. Une d’entre elle est le calendrier. Cette situation a été dénoncée par les associations depuis la mise en place de la réforme du lycée. Mais il a fallu la campagne électorale pour que des appareils politiques qui ont longtemps soutenu JM BLanquer s’en emparent et entrainent des médias. Dans 3 mois la campagne sera close et le risque est grand que tout cela soit oublié. En tous cas JM BLanquer n’a qu’à tergiverser, ce qu’il sait parfaitement faire..
Une autre raison c’est que JM BLanquer ne peut pas régler ce problème. Evidemment il n’a pas inscrit au budget des postes supplémentaires en maths et les DHG 2022 sont déjà arrivées. Mais c’est pire que cela. Si les horaires de maths ont été sabrés c’est bien sur pour dégager des postes et faire des économies. Rien que pour l’enseignement public, il y a 12 125 professeurs de maths en lycée. Une réduction de 36% de l’horaire élève cela fait plusieurs milliers de postes économisés. Mais c’est aussi parce que le ministère paye si mal ses enseignants qu’il ne trouve plus les professeurs de maths dont il a besoin. Au capes 2021 de maths, on a compté 1067 admis pour 1167 postes proposés. 100 postes n’ont pas été couverts. En 2020 c’était 140. Autrement dit l’impasse des maths est aussi la résultante d’une impasse plus globale des 5 années de JM Blanquer.
François Jarraud