« On voulait sortir du fait que les langues vivantes ne sont souvent perçues par les élèves que comme un moyen de gagner de bonnes notes. On voulait que ce soit une expérience de vie ». Avec sa collègue belge, Pilar Carilla, et ses collègues d’Aragon et de Catalogne, Cécile Morzadec, professeure d’espagnol au lycée d’Eaubonne (95), a monté un projet Erasmus pour faire découvrir aux élèves la richesse des langues en passant par l’espagnol.
Mettre l’oral au centre
La langue que l’on parle chez soi a-t-elle sa place à l’école ? En France la réponse est très souvent négative. Et la richesse de toutes les langues que l’on parle, qu’on écoute sur son téléphone , qu’on entend au cinéma ou qu’on lit dans ses bandes dessinées ou ses livres ? Professeure d’espagnol, Cécile Morzadec et ses collègues ont voulu mettre l’accent sur la richesse linguistique des élève, une opulence souvent cachée et même mal vécue.
« Je voulais changer le regard que les élèves portent sur l’enseignement des langues vivantes », nous dit C Morzadec. « Notre apprentissage est trop traditionnel, passe trop par l’écrit. Je voulais rendre l’apprentissage plus vivant en passant par l’oralité. D’où le nom de Babel ». Avec sa collègue Pilar Carilla, professeure d’espagnol en Belgique, C Morzadec monte un projet Erasmus auquel adhèreront également deux établissements espagnols.
« J’ai ajouté l’idée de travailler sur les langues maternelles des élèves. A l’école on fait comme si ce n’était pas une richesse et on le découvre par hasard. Et les élèves eux-mêmes ont du mal à en parler. On a imaginé que les élèves puissent présenter leur langue aux camarades des autres établissements », explique C Morzadec.
Un confinement créatif
Mettre l’oral au centre et présenter la richesse des langues, on fait comment avec le confinement ? « Le confinement nous a obligé à réfléchir sur la façon de créer des liens à distance », continue C Morzadec. « Sans lui on serait resté à des échanges écrits et on aurait réduit les échanges oraux aux rencontres physiques entre classes ».
Celles-ci ne pouvant avoir lieu il a bien fallu trouver autre chose. « On a demandé aux élèves de présenter leur langue d’origine en espagnol à leur camarade belge ou espagnol en utilisant Skype ou Zoom. Ils devaient s’enregistrer. Et ces échanges, mixés, sont devenus un podcast visible sur le site du projet. Les élèves ont apprécié une discussion authentique sans le professeur ». A cela se sont ajoutées des conférences, des chansons et un atelier conte, avec un conteur, lors de 3 matinées en ligne.
Découvrir sa richesse langagière
Ils ont appris quoi les élèves ? « Ils ont appris à considérer les langues différemment, à comprendre que chaque langue est importante. Ils ont pris conscience de leur richesse linguistique », explique C Morzadec. « Ils ont fait leur biographie langagière. Il sont aussi travaillé avec des élèves d’UPA2A sur les parcours migratoires, ce qui est une belle leçon d’humanité. Finalement ils ont appris à changer la façon d’envisager la langue et la culture ».
Evidemment l’espagnol n’a pas été oublié. « Les élèves qui ont joué le jeu ont développé des compétences en expression orale, en prononciation ». Une revue numérique a été crée pour garder trace des travaux.
Et les enseignants des trois pays, ils ont appris quoi ? « On se rend compte avec Erasmus que l’on n’a pas du tout les mêmes méthodes de travail. Ma collègue belge a une liberté totale pour créer son programme et ses évaluations d’examen. Elle peut proposer des exercices créatifs comme créer un film pour l’examen. En Espagne ils utilisent beaucoup le manuel et ont des examens qui définissent les travaux attendus. Par contre en Aragon ils ont un programme d’entraide pour l’accueil des jeunes migrants qui nous a inspirés pour l’échange mutuel sur ses langues. En France bien sur on est très tenus par le bac et les programmes », explique C Morzadec. « Grâce au projet on a découvert le sourire des élèves quand ils osaient parler de leur richesse linguistique et ces spécificités linguistiques ».
François Jarraud