« L’objectif du SNU c’est la transmission du socle républicain à travers des cérémonies en commun comme la levée des couleurs, le renforcement de la cohésion nationale avec une expérience de mixité sociale, la découverte de l’engagement grâce à l’intervention d’un corps en uniforme ». Le service national universel ouvre ses centres le 21 juin jusqu’au 2 juillet pour la « phase de cohésion ». Alors qu’il devait devenir universel et obligatoire dès 2021, le SNU n’a jamais réussi à trouver les effectifs annoncés. Sa généralisation à tous les jeunes est maintenant repoussée à une date indéterminée. Les évaluations montrent que le dispositif ne plait qu’à une petite frange de la population. La promesse du candidat Macron est désenchantée.
18 000 jeunes expérimentent le levée des couleurs
Le 21 janvier 2021, 18 000 jeunes volontaires entrent dans la « phase de cohésion » du SNU. Jusqu’au 2 juillet ils vont vivre ensemble en compagnies d’une centaine de jeunes répartis en « maisonnées » d’une dizaine. A l’emploi du temps, le levée des couleurs et la Marseillaise chaque matin, en uniforme, des activités collectives matin et après midi qui peuvent être du sport ou des cours sur l’éducation routière, la santé, les métiers des armées, ou sur leur orientation. En fin de journée un temps libre et un temps de « démocratie interne » en fin de journée. En 2020 la plupart des compagnies étaient installées dans des lycées. Cette année, calendrier et nombre de jeunes oblige, les hébergements devraient être plus différenciés.
Après cette phase collective, les jeunes devront faire deux semaines d’intérêt général individuellement, près de chez eux. Ceux qui le voudront pourront le prolonger par un engagement dans le service civique de 3 mois minimum.
Un projet qui n’a jamais réussi à trouver son public
Promesse de campagne du candidat Macron, le service national universel (SNU) devait concerner à terme tous les jeunes dans une version très allégée du service national. Le nouveau SNU doit « favoriser la participation et l’engagement de chaque jeune dans la vie de la Nation, valoriser la citoyenneté et le sentiment d’appartenance à une communauté rassemblée autour de ses valeurs, de renforcer la cohésion sociale et de dynamiser le creuset républicain… Le SNU sera un moment dans la vie du citoyen qui lui permettra de partager l’expérience d’une communauté d’âge et de la mixité sociale, et de découvrir les différentes formes d’engagement possibles », promettait le gouvernement en 2018.
C’est toujours cette rhétorique qui est utilisée. Pourtant le SNU n’a jamais réussi à atteindre ses objectifs. En 2020 le gouvernement avait prévu 30 000 volontaires. Finalement il n’y en eu que 2000. En 2021 il en a annoncé 29 000. Finalement seulement 18 000 ont été trouvés et son actuellement en centres. Depuis 2020, alors que son budget est intégré dans celui de l’Education nationale, le SNU n’arrive pas à le dépenser. En 2021 alors que 61 millions sont budgetés, les dépenses ne dépasseront pas 40 millions, soit à peu près 2200€ par jeune.
La mixité sociale promise n’est pas là
C’est que le SNU ne tient pas forcément ses promesses. En 2020, l’INJEP a publié un rapport d’évaluation sur la phase de préfiguration du SNU en 2019, à l’époque où il réunissait moins de 2000 volontaires. Incontestablement le dispositif a plus à ces jeunes, particulièrement les activités sportives et la partie défense sécurité.
Mais l’objectif de mixité sociale, mis en avant par le gouvernement en référence au service militaire, n’est pas atteint. Le rapport note » une surreprésentation des enfants de militaires (un tiers des jeunes NDLR), les familles des volontaires plutôt à l’aise financièrement, un engagement plus important des parents des volontaires SNU que la moyenne française, une majorité de volontaires venant de filières générales et technologiques et des volontaires SNU meilleurs élèves que la moyenne ». En 2021 le secrétariat d’Etat à l’engagement annonce 5% de jeunes issus des quartiers politique de la ville. C’est moitié moins que la moyenne nationale. Comme le dit le rapport de 2020, » pour ce qui est de la diversité des situations des jeunes (situation scolaire ou sociale) l’objectif n’a été que partiellement atteint. »
L’engagement inférieur à celui des lycéens
L’autre objectif d’engagement des jeunes est il atteint ? Quand on regarde le rapport de 2020 on voit que les lycéens (élèves de terminale) sont plus engagés que les jeunes du SNU. Ils militent plus dans des associations humanitaires , des associations religieuses ou politiques. Et la majorité des jeunes du SNU ne voient dans l’engagement que la défense et la sécurité (63%). Le sport vient en seconde place (42%). L’engagement pour la citoyenneté et la démocratie n’intéresse que 6% des jeunes, un comble. Celui en faveur des personnes âgées, du handicap ou du développement international oscille entre 10 et 20%.
Un encadrement qui pose problème
Ce n’est pas sans lien avec l’encadrement. Le secrétariat d’Etat parle de mélange de 3 cultures : celle de l’éducation nationale, d’où vient une grande part des cadres, de l’armée et de l’éducation populaire. Le rapport de 2020 montre que la première motivation des encadrants était la rémunération, ces poste étant payés très au dessus des emplois équivalents. L’autre motivation c’était de « renouer avec l’armée », des encadrant non militaires étant souvent réservistes.
Interrogé sur la formation des encadrants, on apprend qu’elle s’est faite pour l’essentiel à distance à travers des modules produits par les ministères avec notamment un module des Armées sur l’autorité, un autre de l’Intérieur sur la radicalisation, une intervention du Conseil des sages de la laïcité. L’orientation sécuritaire est bien là dans la formation donnée aux cadres et ensuite aux jeunes.
On comprend mieux des critiques portées sur le SNU. Le 18 juin le syndicat des inspecteurs Jeunesse et sports (SEJS Unsa) souligne « le risque sanitaire manifeste » dans les centres et « des conditions matérielles d’accueil dégradées ». Il dénonce « un encadrement inexpérimenté et souvent non qualifié par mesure dérogatoire à la règlementation des séjours » ainsi que « des méthodes pédagogiques inadaptées à une démarche d’engagement volontaire des jeunes ». Pour lui il y a « mise en danger » des jeunes.
Un assemblage hétéroclite
Dans le Café pédagogique du 4 février 2020, Eric Favey, une grande voix de l’éducation populaire, parle du SNU comme « d’un dispositif dans lequel les mouvements d’éducation populaire prennent le risque de s’abimer ». Il ajoute : » Le cadre de déroulement du séjour de cohésion est très fortement teinté de dimensions militaires, sans doute appropriées pour une préparation à l’esprit de défense et aux métiers militaires mais qui n’ont rien à voir avec « la pédagogie active » et encore moins avec les pratiques éducatives de l’éducation populaire destinées à traduire dans les actes éducatifs la dimension fondamentale d’une éducation émancipatrice… La jeunesse mérite bien mieux que cet assemblage hétéroclite, incohérent, irréaliste et surtout douteux du point de vue de ses intentions éducatives, formatives, politiques, culturelles et sociales qu’est le SNU ».
Le désenchantement semble avoir gagné le gouvernement. Interrogé le 16 juin, le secrétariat d’Etat à l’engagement dit que « la décision de rendre le SNU obligatoire n’est pas prise. La généralisation reste en perspective mais le calendrier devra être arbitré au plus haut niveau ». Le désenchantement a gagné le SNU.
François Jarraud