Quelle est l’efficacité réelle de la classe inversée ? Quelles sont les principales motivations des enseignants à devenir inverseurs ? Nicolas Vossier, enseignant de physique-chimie au lycée Henri Laurens de Saint-Vallier (26) présente deux ateliers au congrès de la classe inversée à Ludovia. Il a coordonné une vaste enquête dans le cadre des travaux académiques mutualisés sur l’efficacité de la classe inversée. Nicolas Vossier qui qualifie le métier comme un « travail d’artisan » dans lequel l’enseignant doit « développer une ingénierie pédagogique large et très diversifiée » explique sa pratique au Café pédagogique.
Qu’allez-vous présenter au congrès de la classe inversée ? Comment avez-vous essayé d’évaluer l’efficacité de la classe inversée ?
Je présente 2 ateliers à ce congrès. Notamment des retours d’expériences… l’un sur un système de badges qui vient en compléments des évaluations plus traditionnelles. Pour résumer, depuis pas mal de temps je me suis rendu compte que certains types erreurs sont récurrents (conversions, calculs, analyse de graphiques…). Il arrive souvent qu’un élève ne parvienne pas au bout d’un exercice, pas parce qu’il ne comprend pas la consigne ou qu’il n’a pas les bonnes connaissances mais parce qu’il ne maitrise pas suffisamment certains outils de calculs, de conversion…
J’utilise un système de #balise comme dans les twictées pour identifier et catégoriser les erreurs. A chaque type d’erreur correspond une balise et à chaque balise correspond un badge. Chaque élève possède un livret de badges dans lequel il y a des exercices qui permettent de retravailler les compétences de base dont il a besoin.
Le but est aussi de changer la perception que les élèves ont des erreurs. Elles sont souvent perçues comme des fautes qu’on sanctionne. Mon objectif et de trouver des stratégies qui permettent le passage vers une perception de l’erreur comme un levier d’apprentissage.
C’est pour cela qu’en parallèle des #balises et des livrets, j’utilise d’autres dispositifs comme les twitdéfix (échanges entre deux classes autour de taches complexes) et les Cap’scorrect (capsules de corrections d’exercices faite par des élèves pour des élèves) pour travailler l’analyse d’erreur et les rappels des règles.
L’autre atelier est une présentation d’un travail mené dans le cadre des TraAM (Travaux académiques mutualisés) sur l’évaluation de l’efficacité de la classe inversée. Nous avons travaillé à 14 enseignants de sciences physiques. Sous couvert de l’inspection et avec l’appui éclairant de Lucile Petit qui a suivi une formation en éducation et formation avec un parcours recherche.
Cette présentation est un condensé de 9 mois d’enquêtes et d’analyses au cours desquelles nous avons pu faire passer des questionnaires à plus de 600 élèves et 60 enseignants. Après analyse des résultats, nous avons pu conduire une petite trentaine d’entretiens auprès d’élèves et d’enseignants. Ce travail a permis de faire une sorte d’état des lieux des modalités de pratiques de classe inversée en sciences physiques. Cela a également permis de faire des analyses sur la mise en œuvre de stratégies de différenciation dans les classes « inversées » et sur les motivations qui poussent les enseignants à adopter ce type de pratique.
Que retirez-vous de cette enquête ? Que changerez-vous dans vos pratiques ?
Ce que je retiens de cette enquête c’est la mesure de la diversité des stratégies d’apprentissages et des profils d’élèves. L’enjeu est de développer une ingénierie pédagogique large et très diversifiée pour toucher le maximum d’élève. C’est un travail d’artisan que chaque professionnel doit apprendre à construire dans le temps. Il ne faut pas travailler seul. Il faut s’appuyer sur des équipes et des communautés enseignantes comme celles que l’on trouve sur les réseaux (Inversons la classe !, #teamphys sur twiter, ICEM…)
Finalement quelles différences faites-vous entre un plan de travail et une situation problème pour des TP de sciences au lycée ?
Ce sont deux choses différentes avec des objectifs complémentaires. Le plan de travail est une fiche synthétique qui permet à l’élève d’accéder à des ressources (cours, capsules, documents, questionnaires, exercices…) et d’avoir une visibilité sur les tâches à accomplir au cours d’un chapitre. Cela permet à chacun d’organiser son travail sur la durée et de faire des choix sur son parcours.
Avec cet outil un élève peut prendre de l’avance, revenir sur un point précis ou alors faire le choix de suivre le tempo proposé par l’enseignant. C’est l’outil qui permet à chacun d’être autonome tout en étant guidé et accompagné.
Les situations problèmes pour les TP (travaux pratiques) sont en fait des tâches complexes qui nécessitent la mise en œuvre une démarche expérimentale. L’enseignement des sciences est indissociable de l’expérimentation pour valider ou invalider une hypothèse. Les TP sous forme de situation problème se distinguent des TP « cuisine ». Dans un cas la démarche est fournie et souvent on demande à un élève de suivre une procédure comme une recette. Le problème c’est qu’à la fin beaucoup d’élèves n’ont pas compris le but de la démarche (on fait pour faire…).
Dans une démarche résolution de problème, les élèves travaillent en groupe pour élaborer ensemble la procédure qui leur semble la plus adaptée pour répondre à un problème ancré dans le réel. Cette manière d’aborder les TP a en général beaucoup plus de sens. Elle permet de développer des compétences d’expression orale, d’écoute, d’entraide, de coopération tout en travaillant les techniques opératoires.
Vous disiez l’an passé que la lourdeur des programmes pouvait faire barrage à la classe inversée. Que pensez-vous de la réforme du collège ?
Ce que je voulais dire c’est que les programmes me semblent souvent très ambitieux. Beaucoup de collègues se plaignent de devoir imposer un rythme soutenu en classe pour pouvoir « terminer le programme ». Ils vivent mal le fait de devoir privilégier le programme aux apprentissages. Et laisser de côté une partie de la classe pour finir.
Dans les enquêtes que nous avons menées dans le cadre des TraAM, nous avons pu observer qu’en sciences physiques le gain de temps est la première motivation qui pousse les collègues à adopter un fonctionnement en classe inversée. Cela permet de libérer du temps pour accompagner les élèves en classe et mettre en place des stratégies de différenciation.
Je n’enseigne pas au collège mais l’esprit de la réforme me semble aller dans le bon sens en ce qui concerne les aspects curriculaires des programmes. Il me semble également que la réforme mette l’accent sur la coopération, l’entraide et le travail d’équipe. Je trouve ça plutôt positif. Pour les questions de mise en œuvre sur le terrain je pense que les problématiques sont très différentes d’un établissement à l’autre.
Entretien par Julien Cabioch
TraAM Quels sont les effets de la pratique de la classe inversée en Sciences Physiques?
Préparer des TP en démarche collaborative
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