Dans le Nouvelobs.com du 14 août dernier, Agathe Cagé (ex-directrice adjointe du cabinet de Najat Vallaud-Belkacem) affirme non sans raison que « l’un des deux points négatifs, c’est l’application du principe du « en même temps ». Dans l’Education nationale, cela ne fonctionne pas. Il faut pouvoir évaluer ce que l’on fait, ce qui est bon ou pas pour l’élève. Pour cela il faut faire des choix, pas du « en même temps ».
Et là, on permet aux communes qui le souhaitent de repasser à la semaine de quatre jours. Jean-Michel Blanquer ne choisit pas. On aura « en même temps » des élèves qui auront des semaines à quatre jours et demi et des élèves qui auront des semaines à quatre jours de classe. Et cela, sans se demander quel est le meilleur système pour l’élève, mais ce qui peut arranger les communes.
Deuxième exemple, un dispositif avait été mis en place il y a quelques années qui s’appelle « plus de maîtres que de classes » pour mieux suivre les élèves de CP et CE1. Jean-Michel Blanquer à la rentrée 2017 a décidé d’en supprimer 50%. Donc on ne sait pas si le dispositif est considéré comme un dispositif utile ou inutile. Le dispositif était pourtant unanimement salué par la communauté éducative. On l’ampute pour des raisons de moyens.
Troisième exemple, c’est celui de l’interdisciplinarité au collège. Le ministre dit cela peut être intéressant mais « en même temps », on peut avoir des collèges qui fonctionnent bien sans interdisciplinarité, donc on supprime le cadre réglementaire qui rendait l’interdisciplinarité obligatoire »
Mais on devrait aussi se rappeler ce que disait en son temps le ministre de tutelle de Jean-Michel Blanquer lorsque celui-ci était DGESCO, à savoir Luc Chatel. Car cette »mise en abyme » (ou en »écho ») s’avère tout à fait révélatrice. On peut citer en particulier la tribune du ministre de l’Education nationale Luc Chatel parue dans « Le Monde » du 28 août 2010, au titre tout à fait évocateur : « Passer de l’école pour tous à la réussite de chacun. Une révolution en marche ».
Extraits (repris ces temps-ci plus d’une fois, et à sa façon, par le nouveau ministre Jean-Michel Blanquer).« Au delà des fondamentaux, l’école doit relever aujourd’hui trois défis. Le défi de la personnalisation. Dans un contexte de grande hétérogénéité des classes, notre ambition est d’assurer la réussite de chaque élève, en soutenant ceux en difficulté tout au long de leur parcours et en rendant possible l’excellence pour chacun. Tel est le sens de l’aide individualisée à l’école primaire et de l’accompagnement personnalisé au lycée. Cette excellence se doit d’être multiple. Et nous ouvrons en cette rentrée onze internats d’excellence. Deuxième défi l’autonomie. Sans jamais renoncer au caractère national des diplômes et programmes, nous voulons davantage miser sur les solutions locales. Qui connaît mieux les élèves et leurs besoins que ceux qui les côtoient quotidiennement ? Je veux que les établissements se saisissent des marges de manœuvre dont ils disposent pour expérimenter, innover, s’adapter […]. Le troisième défi, c’est celui des ressources humaines […] Aussi ai-je lancé un nouveau pacte de carrière, qui a pour ambition de développer une véritable politique des ressources humaines : de nouvelles missions pour les enseignants, une mobilité facilitée et une revalorisation significative ».
Et le ministre de l’Education nationale Luc Chatel conclut par une tirade qui semble être l’alpha et l’oméga de la politique scolaire proclamée actuellement par.. Jean-Michel Blanquer : « Tous ces défis reposent sur un changement dans notre manière d’appréhender la question scolaire. Sans bruit, une véritable révolution s’opère sous nos yeux. Une révolution copernicienne : nous sortons d’une approche quantitative du »toujours plus » pour aller vers le »toujours mieux ». Une révolution silencieuse : l’école a moins besoin de grands soirs que de petits matins quotidiens ».
In fine, lors de ses vœux à la presse en janvier 2012, Luc Chatel insiste sur l’importance de la « personnalisation » dans l’éducation et exhorte à sortir « de cet égalitarisme qui a fait tant de mal à l’école ». Air connu ; et qui vient d’être entonné de nouveau par le ministre de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer, fraîchement nommé par Emmanuel Macron.
Claude Lelievre