La version 3 des programmes de français témoigne d’un souci ponctuel de plus grande lisibilité, mais la consultation n’a donné lieu à aucune réorientation sur le fond : la voix de nombreux enseignant.es et chercheur.es effrayé.es par les perspectives de retour en arrière n’a manifestement pas été entendue. Au contraire : on y efface le seul véritable élément innovant …
Pas de liberté pédagogique
Le programme reste toujours aussi lourd et prescriptif : nombre important d’œuvres et de parcours à lire et analyser, pas de liberté pédagogique reconnue aux professeur.es dans le choix des œuvres et des parcours à étudier en 1ère.
Le programme est toujours centré sur « la littérature pour la littérature » : il s’agit d’en parcourir l’histoire officielle et les genres canoniques, plutôt que d’enrichir une relation au monde et aux mots par un réel travail des langages, et ce dans la continuité des programmes de collège.
Le programme est toujours axé vers les travaux scolaires les plus académiques, les plus normés : « explication de texte », « commentaire », « dissertation », « contraction – essai », « leçon de grammaire ».
Une inflexion, toute relative : en seconde, il n’est plus exigé d’évaluer « huit travaux aboutis » durant l’année, seulement « des travaux aboutis », toujours cependant dans leur forme la plus scolaire (commentaire de texte, dissertation, contraction de texte suivie d’un essai) ; néanmoins, en première il est toujours stipulé que « les élèves réalisent au moins huit travaux aboutis par an. »
Régression sur le « carnet de lecture »
Dans cette restauration d’un passé fantasmé de la discipline, une seule nouveauté venait donner de l’air : le « carnet personnel de lecture et de formation culturelle » qu’il s’agissait de tenir tout au long des deux années de lycée pour se construire comme sujet lecteur et sujet écrivant, un dossier qui devait être l’objet de l’entretien lors de l’oral du bac de français.
La nouvelle version parait sur ce point régressive. Il semble qu’on ait effacé tout ce qui concernait les épreuves anticipées de français au bac. D’où tous les passages consacrés au carnet de lecture sont rayés à plusieurs endroits. En ce qui concerne le travail de l’année, il ne s’agit plus d’une obligation en tant que telle, mais d’une possibilité parmi d’autres : « L’élève garde la trace du travail et des activités menées tout au long de l’année. À cet effet, le professeur propose les outils de son choix : carnet de lecture, fiches de révision, travaux de synthèse, etc. » (Première, p.12). En première, il est dit que les lectures cursives (elles seules ?) doivent « faire l’objet d’une restitution dans le carnet personnel que [l’élève] est invité à tenir tout au long de l’année » (Première, p. 11). Mais cette même partie de phrase est barrée dans la partie consacrée à la Seconde (p. 11). Autant dire que faute d’en avoir le temps, l’habitude, le devoir, beaucoup d’enseignant.es risquent de ne pas mettre en œuvre cette modalité de travail si riche de possibilités pour construire un rapport authentique et formateur à la littérature.
En bref : rien de nouveau et même toujours moins de nouveau sous le soleil.
Jean-Michel Le Baut