Les collégiens de Saint Dié ne manquent pas d’idées pour leur mini-entreprise. Après une séance de recrutement et une étude de marché, 15 élèves se lancent dans la confection de tapis à partir de tissus recyclés. Encadrés par Elodie Gremillet, enseignante en lettres classiques au collège Vautrin Lud et Jean-Sébastien Belloy, enseignant en SVT, ce projet est mené pour la 5ème année en DP3. Cette mini-entreprise implique fortement les collégiens et développe « la rigueur et l’organisation ». Rencontre avec deux enseignants qui apprécient de travailler à deux face au groupe.
Quel votre projet cette année avec votre groupe de découverte professionnelle ?
Grâce à l’association EPA Lorraine (Entreprendre Pour Apprendre), les élèves créent une mini-entreprise : Letapi. Cette année, après avoir creusé plusieurs projets ils ont retenu l’idée d’un tapis réalisé à partir de tissus recyclés. Les tissus non exploités seront redonnés à des associations. Les élèves ont organisé une collecte de vêtements usagés au sein du collège. Pour la confection du tapis, ils utilisent deux techniques : un canevas (maille) sur lequel ils fixent des bandelettes de tissus et un tressage « rag rug » réalisé, lui aussi, à partir de bandelettes de tissus. Pour l’instant, ils ne savent pas s’ils vont sous-traiter la fabrication ou tout gérer au sein de la mini-entreprise.
Comment s’organisent les séances ? Combien d’élèves sont impliqués ? Ont-ils des fonctions particulières au sein de l’entreprise ?
A raison de 3 heures par semaine, les élèves se retrouvent dans une salle de cours équipée d’ordinateurs, 15 élèves sont impliqués dans le projet. La mini-entreprise fonctionne comme une réelle entreprise, les élèves sont répartis en services dirigés chacun par un directeur. Il y a le service administratif avec cette année une PDG et son directeur général ; un service financier qui comprend 2 élèves ; un service commercial qui comprend 3 élèves ; un service communication (marketing) qui comprend 3 élèves et enfin un service technique composé de 3 élèves. Les mini-entrepreneurs créent un capital initial en vendant des avances remboursables (sorte d’actions sans plus-value possible). Les élèves sont polyvalents et ils peuvent changer de service en fonction des besoins pour faire avancer le projet qui s’étale sur l’année scolaire.
La séance de recrutement a eu lieu sous forme d’entretien avec le PDG de la mini-entreprise. Comment les élèves se sont-ils présentés ?
La séance de recrutement a eu lieu sous forme d’entretien avec la PDG. Les élèves ont d’abord travaillé sur les missions de chacun des services d’une entreprise, et en fonction de leurs goûts et aussi de leurs compétences et de leurs qualités, ils ont postulé pour un service. Ils ont donc rédigé un CV et une lettre de motivation. Pour assouplir la répartition des missions, nous leur avions demandé de réfléchir à un autre service susceptible de les intéresser. Ils ont ensuite passé un entretien avec la PDG et un enseignant. Cette année, la difficulté a été d’attribuer un chef à chaque service : la timidité et la peur aussi de devoir prendre des initiatives ou encore de donner des consignes ou de confier des missions à ses semblables expliquent cela.
Vos collégiens réalisent une étude de marché et appréhendent le principe de l’actionnariat. De quoi s’agit-il ?
L’étude de marché a été réalisée pour quatre projets différents (un pouf réalisé en bouteille recyclées, une lampe-étagère, une poupée-manga réalisée avec des tissus recyclés et le tapis). Les élèves ont sondé des personnes de leur entourage et dans la rue. Ils ont, comme tous les ans, joué le jeu. C’est un exercice difficile pour des adolescents qui doivent présenter leur projet et aussi parfois essuyer des refus. En classe, les études de marché ont été étudiées et comparées : chaque groupe a présenté son projet à l’oral à l’aide d’un diaporama. Le bilan de chaque étude de marché et l’étude de la faisabilité et du coût de fabrication ont permis de choisir le tapis en tissus recyclés.
Quant à l’actionnariat, il est mis en place dans le but de constituer un capital de démarrage. Chaque mini-entreprise de Lorraine doit vendre 125 avances remboursables (4 euros l’action), pour un capital de 500 euros maximum, et ce, afin d’éviter des inégalités. Ces avances sont vendues par les mini-entrepreneurs, chacun d’entre eux doit en posséder une. EPA ouvre un compte à chaque mini-entreprise, le service financier dispose d’une caisse et d’un chéquier, grandes découvertes pour des élèves de 3èmes. Rigueur et organisation sont de mise !
Vous portez la DP3 pour la 5ème année, quelques mots sur les mini-entreprises précédentes. Qu’avaient choisi les collégiens comme projet ?
Les mini-entreprises précédentes ont travaillé sur des projets très différents à chaque fois. La première année, les élèves ont travaillé sur une horloge personnalisée, la deuxième année sur un cadre photo lumineux, la troisième année sur 3 livres pour enfants et la quatrième année sur une cabane à insectes en bois. De la nouveauté garantie chaque année ! Au-delà de l’aspect pédagogique, c’est aussi un projet humain où la personnalité de chacun prend une place importante. Le projet avance, recule, piétine ; les mini-entrepreneurs tâtonnent, testent, réussissent, doutent, ont peur mais se prennent de toute façon au jeu ! Ce projet les aide à progresser notamment à l’oral, car ils sont mis dans des situations inédites (présentation à un jury de chefs d’entreprise, émission de radio, vente…).
Un co-enseignement est mis en place pour cette option. Quels avantages voyez-vous à travailler entre collègues ? Quels apports spécifiques avez-vous selon votre discipline ?
La co-animation est très intéressante à plusieurs niveaux : nous enseignons dans deux disciplines complètement différentes, les élèves sont quelque peu surpris… D’autant plus que nous perdons notre casquette de professeur de SVT ou de français, latin, grec. Nous sortons par ailleurs de situations de cours plus traditionnelles puisque le contenu de la DP3 n’est pas disciplinaire à proprement parler. Les élèves apprécient cela et nous perçoivent différemment. Le fait d’être présents tous les deux dans un projet de ce genre nous permet d’être plus efficaces et plus disponibles pour les élèves, qui doivent travailler de façon autonome et prendre des initiatives certes, mais qui sont encore jeunes et qui ont besoin d’être coachés et guidés. Et parfois, nous ne sommes pas trop de deux ! Cela nous permet de plus de garder du lien avec le projet.
Les deux premières années, nous prenions le relai (un professeur 1 heure), cela était frustrant et très gênant pour la communication. Nous n’avions pas toujours le temps de tout nous dire pour suivre au plus près les élèves dans leur projet. La co-animation nous a paru une évidence. Ensuite, nous apportons l’un et l’autre des compétences et un éclairage différents (en informatique, au niveau technique, des idées, de la rédaction, du suivi des élèves…). Nous apprécions réellement de pouvoir travailler ainsi, cela apporte du changement dans nos pratiques, nos rôles s’équilibrent bien, nous apprenons aussi beaucoup de l’enseignant qui nous accompagne en travaillant avec. Chacun vient aussi avec ses habitudes et son tempérament, c’est enrichissant et vraiment agréable.
Propos recueillis par Julien Cabioch
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