Page 1 – Page 2 – Page 3 – Page 4 – Page 5 – Page 6 – Page 7 – Page 8 – Page 10
Le dossier à télécharger (en pdf) – L’affichette pour la salle des profs (en pdf)
« […]
« Pour moi, la conclusion de tout cela est limpide : l’apprentissage de la lecture doit commencer par le son et la syllabe. Il faut le dire clairement, nettement, explicitement et le faire savoir à l’ensemble du système éducatif. Cela, je le dis avec force, n’a jamais été fait. Les instructions ont jusqu’ici prêté à confusion ; elles sont demeurées ambiguës. » |
La méthode obligatoire
Roland Goigoux
Pourquoi jugez-vous la méthode syllabique inappropriée ?
Cette méthode repose exclusivement sur une démarche synthétique : elle va de l’étude des lettres à celle des syllabes écrites puis aux mots et aux phrases (cf. la circulaire du 3 janvier). À cette fin, elle considère la conscience phonémique comme un prérequis, ce qui pénalise une forte minorité d’élèves comme le confirment l’Observatoire national de la lecture et l’Inspection générale : « Les méthodes de lecture syllabiques traditionnelles qui partent de l’idée que p + a = pa est le point de départ de l’apprentissage de la lecture ne peuvent être retenues en l’état. […] Cette prise de conscience phonémique est le résultat de l’enseignement qui est dispensé en grande section de maternelle, absente de la réflexion ministérielle, puis au cours préparatoire à travers des activités spécifiques d’analyse phonologique et d’écriture tâtonnée.
Ignorant tout cela, le ministre prend pour modèle la méthode syllabique Léo et Léa qu’il demande à tous les éditeurs scolaires d’imiter. Dans ce manuel, avatar moderne de la méthode Boscher, les textes soumis aux élèves sont exclusivement rédigés avec des mots constitués de syllabes connues. […] Le vocabulaire choisi ne tient aucun compte du sens et de l’intérêt du texte pour les élèves, ni de leurs connaissances lexicales.
Dans la mesure où les méthodes syllabiques, dans leur souci de simplification extrême, confondent la lettre et le son, elles retardent l’étude des graphèmes complexes. Ainsi, dans Léo et Léa, le phonème /o/ est exclusivement associé à la lettre o jusqu’à la 41è leçon de l’année, obligeant les auteurs à fabriquer des pseudo récits tels que : «Léa sort le cheval. Faro le mord». […] et à différer au troisième trimestre l’introduction de mots tels que beau, auto ou château.
Pire encore, de nombreux mots, parmi les plus fréquents du français ne sont jamais proposés aux élèves car ils sont irréguliers ou trop complexes du point de vue graphophonologique. Sur ce point aussi, les méthodes syllabiques sont en contradiction flagrante avec les programmes en vigueur qui demandent aux enseignants d’introduire des mots fréquents dès le début de l’année, «pour l’essentiel des mots outils» dont «la forme orthographique est mémorisée». Pas un seul «et», «dans» ou «un» dans les dix premières leçons de Léo et Léa ; pas une seule fois le verbe «être» conjugué au présent. Plus de la moitié des vingt mots les plus fréquents de la langue française n’est jamais lue au cours du premier trimestre.
Dans les méthodes syllabiques, plusieurs mois sont ainsi consacrés à l’étude de phrases simplement juxtaposées, loin des récits de la littérature pour la jeunesse que les élèves avaient l’habitude de travailler à l’école maternelle : tous les verbes sont au présent, on ne trouve pas de connecteurs, peu de substituts nominaux ou pronominaux, etc.
L’enseignement de la compréhension, pourtant exigé par les programmes, n’y est pas assuré. De manière plus générale, l’entrée dans la culture de l’écrit (ses oeuvres, ses codes linguistiques et ses pratiques sociales) est délaissée. L’accès au livre est réservé aux bons élèves, ceux qui ont terminé leurs exercices avant les autres. Les activités d’écriture (au sens de production de textes courts avec l’aide de l’enseignant) y sont absentes au début de l’apprentissage alors que les recherches indiquent leur importance pour tous les apprentissages langagiers, y compris celui du code alphabétique.
Pour toutes ces raisons, les instituteurs et professeurs des écoles ont abandonné les méthodes syllabiques pour les remplacer progressivement par des méthodes basées sur des progressions phonémiques que l’on peut qualifier d’intégratives car elles visent tous les apprentissages évoqués ci-dessus en interaction et tout au long du cycle 2.
Ces enseignants sont convaincus que l’école ne doit pas déléguer aux familles des pans entiers de l’enseignement si elle ne veut pas contribuer à accroître les inégalités sociales. Se limiter au B-A, BA est de ce point de vue tout aussi inacceptable que de ne pas le prendre sérieusement en charge.
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/contribs_goigoux3.aspx
André Ouzoulias
Il est pleinement connu du ministre de l’Education nationale, comme des professionnels de l’enseignement, que la quasi-totalité des enfants en grande difficulté en lecture au-delà du CP ont été instruits selon des méthodes syllabiques. Les difficultés en lecture ne relèvent pas toujours d’une identification malhabile des mots écrits, mais concernent au moins autant la compréhension des textes. La méthode idéovisuelle n’a été pratiquée, à partir de la fin des années 70, que par une toute petite minorité de maîtres et a quasiment disparu du paysage pédagogique. «la méthode syllabique pure» de M. Boscher n’avait pas la magie que lui prêtent ses partisans : à l’apogée de sa diffusion, au milieu des années 1960, plus de 30 % des enfants redoublaient le CP ! C’est également l’époque du «boum de la dyslexie».
Texte intégral : Libération 15/01/2006
« […]
Alain Bentolila, membre de l’Observatoire National de la Lecture. Erik Orsenna (président de l’ONL) prévient : |
Page publiée le 03-02-2006