Patrick Picard
9 mars : De Robien souffle le chaud et le froid
Rappels des épisodes précédents : avec la circulaire du 3 janvier, le ministre ouvre une forte polémique sur la lecture. Il propose, fin février, une première modification des programmes prônant le recours exclusif à l’enseignement de la lecture par une méthode syllabique stricte, centrée sur l’apprentissage des correspondances entre graphèmes et phonèmes par voie synthétique (B et A, ça fait BA). Quelques jours plus tard, il tempère son ardeur en proposant une seconde version de la modification des programmes, intégrant :
- deux types d’approches complémentaires : la synthèse, mais aussi l’analyse (quand on connaît mardi et manteau, ça peut aider à lire marteau)
- savoir reconnaître les lettres ne suffit pas pour lire : importance de la production d’écrit, du lexique, des « connaissances nécessaires pour comprendre le propos d’un texte ».
Sans faire consensus (voire la réaction des organisations professionnelles), l’inflexion est réelle. On peut donc imaginer qu’il va tenir un discours plus modéré lors du séminaire destiné à donner la ligne aux recteurs, IA, directeurs d’IUFM et IEN réunis le 9 mars à Paris. Durant la journée, malgré les différences de points de vue, plusieurs intervenants insistent d’ailleurs sur la nécessité de ne pas fixer l’orientation sur un point de vue simpliste. Emile Gombert soulève les applaudissements nourris de la salle en arguant fortement contre le retour au B-A-BA. L’inspection générale tente de préserver un point de vue cohérent sur l’enseignement de la lecture-écriture, rappelant l’équilibre des grands champs de travail préconisés par les programmes de 2002.
Mais le ministre, fidèle à son image, reste droit dans ses bottes. Est-ce un discours de façade pour ne pas perdre la face ou l’expression d’une volonté de ne pas dévier sa route ? Dans son discours, les choses sont à appliquer sans discussion ni état d’âme : le déchiffrage sera la seule activité du CP citée dans son discours de clôture. Avec une vision simplissime de l’idée de cycle : à la maternelle, on apprend à parler et on enseigne le vocabulaire (un mot par jour !), au CP on décode, au CE1 on comprendra. Aux cadres intermédiaires d’appliquer la ligne, à coup de conférences, de DVD, voire de formation à distance ! Et que ceux qui ne seraient pas assez dociles se rappellent qu’ils sont liés par un « principe républicain » d’exécution.
Ceux qui, dans les circonscriptions ou dans les lieux plus institutionnels, s’attachent à lire le complexe du réel, vont avoir, dans les semaines à venir, un souci majeur : montrer qu’ils en savent plus que le ministre sur l’apprentissage de la lecture.
Suite : Extraits du discours de clôture de M. De Robien
Page publiée le 10-03-2006