Patrick Picard
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- Portrait : Philippe Creugny, un enseignant à part.
Notes prises par Patrick Picard
Handicap et intégration : une politique cohérente à Bourges.
Philippe Creugny est un enseignant à part. Depuis 11 ans, la classe fait de moins en moins partie de ses priorités quotidiennes. Maître spécialisé, ses préoccupations professionnelles se sont progressivement centrées sur les élèves « handicapés » et leurs difficultés à trouver une place dans le système scolaire. A Bourges, il travaille au sein du Centre Hospitalier George Sand. Et de plus en plus, le terme de « handicap » lui semble bien incomplet : « Les jeunes à qui nous nous adressons à l’hôpital sont considérés comme » malades « , et donc accueillis dans une perspective psychodynamique, laissant présager à plus ou moins long terme une évolution favorable. La notion de handicap est trop réduite à nos yeux pour englober l’ensemble de la population à qui nous nous adressons.«
Il faut dire que dans le département, on a pas attendu les Maisons du Handicap pour engager un travail en profondeur sur la question. L’Inspecteur AIS (Adaptation et Intégration Scolaire) et le Médecin chef du service de pédopsychiatrie de l’hôpital spécialisé ont construit progressivement un travail de fond sur la question. Petit à petit, cinq postes ont été créés au sein de l’Hôpital spécialisé, afin de chercher des solutions pour scolariser des enfants relevant jusque là du secteur psychiatrique. Une véritable équipe se crée, qui va acquérir une compétence spécifique : être capable de porter un regard proprement pédagogique sur des enfants qu’on a jusque là du mal à considérer comme des élèves, créant ainsi un autre regard que celui des médecins. « Je peux participer aux formations pluricatégorielles organisées au sein de l’hôpital, mais aussi profiter des formations très spécifiques sur les enfants autistes organisées au CNEFEI.«
Au fur et à mesure de l’entrée de ces nouveaux publics dans les classes « ordinaires », le rôle de l’équipe de transforme. On va faire appel à elle pour accompagner les enseignants qui intègrent des élèves dans leur classe. « Tous les enseignants qui intègrent des élèves ont un énorme besoin de soutien. Mais je m’aperçois, en les rencontrant dans leur classe, que ce simple espace de dialogue suffit parfois pour les rassurer, surtout lorsque je leur renvoie les compétences qu’ils savent mettre en œuvre dans le quotidien de la classe, alors qu’ils ont beaucoup moins de moyens que les équipes spécialisées qui travaillent dans les structures hospitalières. Une fois qu’ils ont eu cet espace de verbalisation, nombre de collègues sont rassérénés, d’autant plus lorsque je leur précise bien qu’intégrer ne signifie pas forcément faire réussir.«
Bien des blocages viennent du fait que les enseignants s’angoissent du devenir scolaire des élèves qu’ils intègrent. « Mais que va-t-il devenir au CP ? » lui demandait récemment une collègue de maternelle.
Avec le développement de la demande sociale d’intégration, les problèmes se multiplient : le lobbying des associations de parents d’enfants handicapés amène parfois des conflits, lorsqu’ils refusent d’entendre que l’Education nationale a changé de position : « Ils ont parfois du mal à entendre que nous ayons des discours professionnels qui ne correspondent pas à leurs attentes. Parfois, il est de l’intérêt même de l’enfant que de trouver des fonctionnements aménagés qui ne soient pas une simple intégration à la hussarde dans une école ordinaire. L’institution a changé. Elle ne se cache plus derrière son petit doigt pour trouver des faux semblants pour ne pas accueillir ces enfants…«
Conséquence logique : le département du Cher a très largement progressé, et les élèves pour lesquels aucune solution n’a encore été trouvée est inférieur à 50, ce qui est très largement à ce qui peut être constaté dans d’autres départements.
Evidemment, les missions deviennent de plus en plus variées pour l’équipe dont Philippe fait partie : participation à la formation des AVS ou aux formations des enseignants.
Le sentiment du chemin parcouru est réel, même si Philippe se sent souvent isolé de part sa fonction si spécifique. « Je sais que de plus en plus, de nouveaux métiers se créent chez les enseignants, selon différentes modalités selon l’histoire des départements. Mais je sais que ces processus sont longs à mettre en œuvre, nécessitent un engagement à long terme de l’institution. Je ne suis pas sûr que les méthodes actuelles de pilotage de l’Education nationale nous permettent longtemps de travailler dans ce long terme. Ce serait un risque formidable pour la réussite de l’intégration de ces élèves dans le système éducatif.«
Pour en savoir plus :
http://www.ac-orleans-tours.fr/circ18-b[…]
(attention, site au fonctionnement parfois aléatoire…)