Le smartphone ça peut rendre des élèves plus scolaires ? C’est le pari d’ Emmanuelle Vezia et Ketty Flandrina, deux PLP qui travaillent ensemble au quotidien pour ramener des lycéens professionnels aux enseignements scientifiques afin qu’ils décrochent leur examen. Un travail fait de tâtonnements, de découvertes et d’amitié où le smartphone apparait comme un sacré levier pour changer tout le monde. Surtout quand on le prend au sérieux.
Réconcilier les élèves avec les maths
« En lycée professionnel on ne demande pas aux élèves d’acheter une calculatrice graphique. Et celles que l’on a, qui ne sont pas toutes jeunes, ils ne peuvent pas les emmener chez eux pour s’entrainer. Par contre le smartphone ils l’ont toujours dans la poche », remarque Emmanuelle.
Emmanuelle Vezia et Ketty Flandrina sont toutes deux professeures de maths – sciences au Lycée professionnel de la mode Octave Feuillet à Paris. Ou plutôt, les seules professeures de maths sciences du lycée. Et surtout elles sont amies et partagent tout du quotidien de la classe. Alors les élèves peuvent toujours s’accrocher. Impossible d’échapper à leurs ruses mathématiques et quasi amicales.
Au départ il y a un constat. « On ne fait pas de cours magistraux depuis longtemps. On n’a pas d’élèves exemplaires et notre première tâche, comme professeures de maths c’est de les réconcilier avec les maths et les sciences. Du coup on a une approche différente qui s’appuie beaucoup sur l’expérimentation », nous dit Ketty. « On bricole pour qu’ils aient plaisir à travailler ».
Terroriste du smartphone
« Pendant longtemps j’ai été une terroriste du smartphone, reprenant les élèves », raconte en riant Emmanuelle. « Mais quand j’en ai eu un je me suis rendu compte des possibilités de cet outil. Et du fait qu’il permet de suppléer à beaucoup de matériel comme les fameuses calculatrices ».
C’est comme cela en tâtonnant que le smartphone a gagné son droit d’entrée en cours de maths et de sciences jusqu’à devenir un outil indispensable au cours. « Maintenant je les invite à mettre le smartphone sur la table et je vois ce qu’ils font. S’ils regardent leur messagerie je le vois et j’interviens ».
A les écouter on a l’impression que le smartphone a été à la fois l’objet symbole d’une autre posture enseignante et de nouvelles pratiques pédagogiques.
« Les élèves sont évalués par compétences à l’examen et on travaille à ce qu’il les développe. Pour cela on les évalue par compétences. Ca n’a pas été facile pour nous » explique Emmanuelle, « parce qu’on avait une formation classique de professeurs. Quand un exercice était faux on ne notait que le résultat. Maintenant on évalue ce qu’ils savent faire dans le contrôle , y compris par exemple l’expression ».
QR code et expériences
« En cours on part d’un problème et on les aide à le résoudre », explique Ketty. Si on les laisse en recherche libre, on perd trop de temps. Donc on s’appuie sur de nombreuses fiches méthode et sur des documents ».
Et c’est là que le smartphone apparait. Parce que les deux amies ne multiplient pas les photocopies que les élèves perdraient d’ailleurs peut-être. Elles communiquent juste quelques QR codes qui guident les élèves vers les bons documents.
« Le QR code les envoie vers une vidéo expliquant comment utiliser un appareil par exemple », dit Emmanuelle. « Pour eux c’est magique et plus parlant qu’une notice ». Une partie des élèves n’est pas francophone.
Le smartphone sert aussi à filmer une expérience réalisée en classe pour s’en souvenir et la revoir à la maison. C’est lui qui enregistre les traces écrites et le travail à faire à la maison, avec des élèves qui n’ont pas d’agenda papier.
Le smartphone permet aussi de faire directement des maths et des sciences. Evidemment la calculatrice est fortement sollicitée. On trouve sur Android ou Apple de très bonnes calculatrices graphiques.
Un outil de travail collaboratif ?
« On a demandé aux élèves d’installer Géogébra sur leur téléphone », explique Emmanuelle. « Ils l’ont en cours et ils peuvent faire des exercices quand ils veulent chez eux ou sur le trajet ». Les deux enseignantes ont aussi demandé aux élève d’installer un tableur et Aurasma, un outil qui permet de faire de la réalité augmentée, très pratique pour les sciences.
Il y aurait encore d’autres usages à indiquer comme le chronomètre, le sonomètre ou d’autres capteurs utilisables en physique ou en chimie.
Mais là ce qui préoccupe Emmanuelle et Ketty c’est intervenir dans le travail personnel des élèves. « Les jeunes utilisent Whatsapp pour travailler ensemble leurs devoirs. On aimerait leur proposer un outil plus collaboratif ».
Emmanuelle et Ketty nous disent avoir beaucoup appris au contact de collègues de maths sciences ou d’autres disciplines. Elles ont aussi profité d’un voyage en Finlande. On veut bien les croire.
François Jarraud