La nette victoire des candidats du parti du président aux élections législatives se dessine. Emmanuel Macron devrait disposer d’une large majorité absolue à l’Assemblée nationale. Cela lui donnera la possibilité d’appliquer entièrement ses conceptions en matière d’éducation. Une situation qui lui donne d’autant plus une très grande responsabilité que son parti ne tient qu’à sa personne. Les défis se dessinent déjà. Et les rendez vous avec l’opinion aussi.
La situation politique d’Emmanuel Macron et de son gouvernement sont-elles si exceptionnelles que cela ? Oui si on considère le poids probable de son parti à l’Assemblée nationale. E. Macron va disposer d’une majorité telle qu’il pourra faire passer aisément tous les textes gouvernementaux. L’opposition, réduite au stricte minimum, aura même du mal à se faire entendre. Mieux, « ses » députés n’existent que par son investiture. Ils lui doivent tout. Il faut remonter à 1968, le scrutin suivant les fameux « événements », pour retrouver un raz de marée d’une telle ampleur et un lien personnel aussi fort.
Cependant cette situation mérite d’être relativisée. D’abord parce que ces députés seront probablement les plus mal élus de la 5ème République, avec un taux d’abstention exceptionnel et qui pourrait encore augmenter au second tour. Le parti du président n’est en rien majoritaire dans l’opinion.
Ensuite parce que l’histoire récente montre qu’avoir un tel pouvoir est aussi une charge. Rappelons nous le quinquennat Hollande. Le parti du président de la République a eu à la fois la majorité à l’Assemblée nationale, au Sénat et le contrôle de très nombreuses collectivités locales (la quasi totalité des régions, la majorité des départements, les grandes villes). Cinq ans plus tard, le parti socialiste se retrouve au 5ème rang et il n’est pas certain de pouvoir constituer un groupe à l’Assemblée. Il n’y a pas loin du Capitole à la roche Tarpéienne.
Alors revenons sur les défis qu’Emmanuel Macron aura à affronter en nous attachant à l’éducation.
Réformer l’éducation prioritaire sans désespérer les enseignants
La mesure étendard de son programme éducatif pourrait bien devenir un boulet. E Macron a annoncé vouloir réduire à 12 élèves par classe les effectifs des CP et CE1 de l’éducation prioritaire (Rep et Rep+). Cette mesure, basée sur la thèse de Piketty et Valdenaire, devrait permettre de mieux prendre en charge les fondamentaux sur les 2 premières années cruciales de l’école. En ce sens c’est une vraie avancée pour l’Ecole.
La mesure a déjà été revue à la baisse. A la rentrée 2017, elle ne va concerner que les CP de Rep+. Le ministre reste évasif sur la façon de l’appliquer. Mais ce qui se distingue sur le terrain c’est l’affectation des maitres surnuméraires des Rep+ en CP à la rentrée.
Ces enseignants particulièrement motivés viennent d’opter pour ces postes particuliers et ils animent souvent de véritables réseaux pédagogiques sur le terrain. Leur disparition renvoie à un classique de l’Education nationale : lancer un dispositif où les enseignants s’investissent puis le supprimer par décision politique venue d’en haut sans aucune évaluation. C’est un très mauvais signal envoyé au monde enseignant. Enfin la mesure posera problème aux communes, même si le nouveau président a prévu de budgeter 200 millions pour les aider à construire des locaux.
Pour le moment, cette mesure semble plutôt décourager les enseignants du primaire et désorganiser la rentrée. D’autant qu’elle se cumule avec d’autres signaux négatifs : la redéfinition des rythmes à quelques jours de la fin de l’année scolaire, le retour aux 4 jours, l’apologie du redoublement y compris au primaire.
De l’autre mesure phare, n’affecter que des enseignants expérimentés en Rep+, on n’entend plus parler. E Macron avait promis qu’aucun enseignant ne devrait commencer sa carrière en Rep+ sauf volontariat. Pour cela il prévoyait de porter la prime annuelle des enseignants en Rep+ de 2300 à 5300 €. Ces 2 mois de salaire supplémentaires seront-ils suffisants pour rendre les Rep+ attractifs en milieu de carrière ? Et la mesure sera-t-elle même prise ?
Améliorer l’orientation des bacheliers sans mettre les lycéens dans la rue
JM Blanquer a commencé à évoquer la réforme du bac. On sait que le président veut réduire le bac à 4 épreuves en examen final. Mais l’équipe d’E Macron n’a pas fait mystère que cette réforme est surtout une réforme de l’entrée dans le supérieur. Le bac ne donnera plus accès à n’importe quelle université. Chaque établissement supérieur pourra exiger un certain niveau dans les disciplines présentées à l’examen final du bac.
C’est bien la sélection à l’entrée dans le supérieur que va instaurer officiellement le nouveau président. Et on peut gager qu’on va assister à une belle surenchère entre universités pour accaparer les meilleurs candidats et exclure les autres.
D’autres responsables politiques ont essayé. Que l’on se rappelle par exemple le sort de M. Devaquet… Toucher au bac et à l’entrée dans le supérieur pourrait bien à nouveau mettre dans la rue des lycéens et des étudiants.
E Macron a également prévu une réforme spécifique aux bacheliers professionnels. Pour faciliter leur réussite dans le supérieur, il prévoit de créer des filières de licences professionnelles commençant en L1. Le diplôme serait préparé en alternance. C’est une solution pour financer l’afflux des bacs pros dans le supérieur. Mais les entreprises sont elles prêtes à investir davantage dans l’éducation, surtout que le candidat veut aussi développer l’apprentissage au niveau lycée ? Et surtout que vaudra un diplôme qui ne sera accessible qu’aux bacheliers professionnels ? Le président de la République va-t-il mettre fin en réalité à la promotion de ces jeunes dans le supérieur ?
Renforcer l’autonomie des établissements sans augmenter la ségrégation
Sur ce point les choses vont vite. Depuis le CSE du 8 juin, on sait ce qu’il en est. Les collèges pourront décider d’affecter quasi librement les 20% de la DHG qu’ils gèrent déjà en autonomie dans le cadre de la réforme. Ils pourront affecter ces moyens aux EPI et à l’AP ou à la recréation de parcours bilangues ou langues anciennes par exemple.
L’idée d’autonomie est à la mode et se trouvait dans les programmes de plusieurs candidats. En accordant une marge de manoeuvre aux établissements on leur permettrait de mieux ajuster leur offre éducative à la réalité de leurs élèves. Mais le signal envoyé par la rue de Grenelle est bien plus le retour à l’ordre ancien que celui d’aller plus loin dans l’audace.
Ce qui se dessine c’est la reconstitution des filières d’excellence dont on sait qu’elles sont connotées socialement. Autrement dit, E Macron prend le risque d’encourager la ségrégation scolaire. Une mesure qui fait écho à celle des rythmes où le retour à la semaine de 4 jours pénalisera aussi les enfants de milieu populaire.
Ne pas oublier la mixité sociale
Le candidat d’En Marche a promis de continuer les expérimentations de mixité sociale au collège lancées par N Vallaud Belkacem. Il souhaite y entrainer l’enseignement catholique mais ne mise que sur la négociation pour y arriver.
Mais après son élection, c’est silence radio. Les mesures prises, comme le rétablissement des filières européennes ou latin grec vont exactement en sens inverse.
Ne pas céder au pilotage par les résultats
La refondation a laissé un souvenir amer chez les enseignants à qui on a demandé plus, et parfois trop, alors que leur rémunération était bloquée. E Macron a promis d’appliquer les accords PPCR. Ils comportent deux volets. D’une part une revalorisation salariale. D’autre part une modification de leur évaluation. Toutes les enquêtes, par exemple le baromètre Unsa, montre un fossé net entre les enseignants et l’encadrement. On peut se demander ce que compte faire E Macron sur ce terrain ?
On espère qu’il saura résister à la tentation du pilotage par les résultats. Car il se profile bien avec les évaluations nationales qui seraient instaurées de la maternelle à la fin du collège. Officiellement il s’agit d’aider les enseignants à évaluer leurs élèves et de leur apporter des outils de remédiation.
En réalité les enseignants n’ont pas besoin d’évaluation nationale pour évaluer leurs élèves. La dernière tentative d’évaluation nationale, sous Sarkozy, avait pour but d’évaluer les enseignants à travers les résultats de leurs élèves. Ses promoteurs sont dans l’entourage du nouveau président. Et ils ont aussi des croyances bien installées sur les méthodes pédagogiques efficaces…
Là où il s’est installé le pilotage par les résultats n’a pas fait ses preuves. Bien au contraire il a abouti à des déviations.
François Jarraud
Les français attendent Macron sur l’éducation
Sur le pilotage par les résultats