Le bien être à l’école, mais pourquoi ? Les 1er et 2 juin, l’Université de Nantes a accueilli un colloque international consacré à la qualité de vie à l’école organisé en partenariat avec le Cnesco. En France, ce sujet doit encore convaincre alors que dans de nombreux pays c’est une mission classique de l’Ecole. Agnès Florin, organisatrice pour le CREN de ce colloque, fait le point sur la situation en FRance au regard des recherches internationales.
Le bien être à l’Ecole c’est vraiment important ?
En France quand on évoque ce sujet souvent on nous traite de « bisounours ». On rappelle que l’Ecole est là pour enseigner et même parfois qu’il faut souffrir pour apprendre ! C’est que nous sommes dans un pays qui historiquement a séparé les savoirs et l’épanouissement de l’individu.
Pour savoir si c’est important, regardons Pisa. En 2012 quand on interroge les chefs d’établissement sur l’idée que le bien être est aussi important que la réussite scolaire, la France arrive dernière. C’est en France que ce sujet fait le moins consensus dans l’Ocde.
Or le bien être à l’Ecole c’est important. D’une part on sait que de plus en plus dans les politiques publique son interroge les usagers parce que ça apporte à ce spolitiques. C’est un droit mais aussi l’intérêt de l’école d’interroger les élèves sir leur vie scolaire.
Ce que nous disent les élèves c’est certes qu’ils sont globalement contents. Mais ils disent aussi que les relations avec les enseignants ne sont pas bonnes, que la charge de travail est trop lourde et surtout ils sont mécontents de l’orientation pour 70% des élèves.
Au CREN on a lancé une étude sur le lien entre le bien être à l’école et la performance scolaire en suivant un millier d’écoliers et de collégiens sur plusieurs années. J’ai pu présenter les résultats au colloque. L’étude établit que le bien être a un impact pas énorme mais significatif sur la performance scolaire à travers le sentiment d’efficacité personnelle.
La perception de la relation avec les enseignants et du bien être a un effet sur ce sentiment d’efficacité. Quand les élèves se sentent compétents cela impacte leur performance. La qualité de vie à l’école rend plus confiant et donne de meilleurs résultats. La démonstration est faite.
On sait maintenant sur quels points l’école doit travailler : l’évaluation, la relation aux enseignants , la confiance.
Peut-on aller jusqu’à des recommandations ?
Laurence Cornu est intervenue lors du colloque sur la confiance. Avec l’expérience de 18 pays , on peut dire que la prise en compte du point de vue des élèves sur ce qui fait leur vie est très importante. On voit l’effet des réunions où les élèves peuvent s’exprimer sur l’école. On voit aussi l’impact du mentorat, quand un élève plus âgé aide un plus jeune. Cela favorise le sentiment d’appartenance à l’établissement. On sait aussi qu’il faut une évaluation plus bienveillante qui ne mette pas l’accent que sur les fautes. La question de l’inclusion des enfants handicapés ou des élèves vulnérables a été aussi évoquée au colloque.
Avec Philippe Guimard je vais m’impliquer dans une enquête internationale portant sur la qualité d vie des élèves à 8, 10 et 12 ans. Ce sera la première participation française à cette enquête.
Une intervention fait le lien entre bien être et savoirs enseignés…
C’est celle de RF Gauthier. Il nous a expliqué qu’on prend peu en compte les avoirs scolaires dans la qualité de vie à l’école. Comme si c’était neutre et que les savoirs scolaires étaient sans lien avec le bien être. Or on a une école qui sélectionne, qui classe avec les savoirs scolaires. Et qui se soucie peu de ce que les savoirs apportent à la vie des élèves. Or il y a du bien être à maitriser des compétences et à les partager. Toute connaissance touche notre vie.
Le dernier Pisa, celui de 2015, montre que la France est à la traine pour le sentiment d’appartenance des élèves. Cette constatation est souvent mal acceptée. Pourquoi autant de résistance en France ?
Parce que cela va à l’encontre d’une culture bien installée et qui se reproduit. D’abord il y la tendance à ne regarder que ce qui se passe en France et à ignorer le reste. On l’a vu par exemple quand Omar Zanna a évoqué des dispositifs sur l’empathie. Dans la salle une enseignante est intervenue pour dire que c’était trop compliqué de travailler avec les élèves sur les émotions.
Mais c’est banal au Québec ! Il y a des programmes et des manuels pour cela dès la maternelle. Il ne s’agit pas de remplacer le raisonnement par l’émotion. Mais la psychologie nous a appris que le raisonnement passe aussi par l’émotion. L’émotion est perçue et analysée par le bébé dès 18 mois ! Comprendre ce que ressent autrui fait partie de la découverte du monde pour les bébés comme pour tous les jeunes. J’ai fait une recherche auprès d’écoliers français qui montre leur peu de vocabulaire pour dire leurs propres émotions.
A lieu , comme on l’a vu lors de l’élection, de balancer de vieilles idées comme le retour des blouses grises, on devrait développer des compétences utiles aux élèves comme parler plusieurs langues, travailler en groupes et avoir confiance en soi.
Claudia Cenik l’a très bien dit à propos du pessimisme français : « Les politiques devraient prendre en compte l’influence indiscutable des facteurs psychologiques et culturels dans la perception du bien-être. Et comme ceux-ci sont en partie acquis à l’école, et dans d’autres instances de socialisation, cela pointe de nouveaux aspects des politiques publiques liés aux aspects qualitatifs de notre système éducatif ».
Cela m’amène à dire que la loi de refondation a promu l’école de la bienveillance. Il faut lui laisser le temps de se réaliser et de se consolider. On voit avec les groupes académiques sur le climat scolaire qu’il se fait des choses. Il faut laisser ces pratiques se développer.
Propos recueillis par François Jarraud
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