Il reste de la colère. L’association Régions de France (ARF) n’a toujours pas digéré la nouvelle loi sur la formation professionnelle, qui a dépossédé les régions de leurs compétences en matière d’apprentissage. Ils n’ont pas mieux apprécié les propos de Muriel Pénicaud. Après ce vif combat perdu, l’ARF cherche l’apaisement et le compromis avec le gouvernement et spécialement avec le ministre de l’éducation. C’est que les régions n’ont pas le choix. Une autre loi leur transfère l’orientation et la réforme du lycée va entrainer de nouvelles dépenses que les élus n’envisagent pas de faire supporter aux familles. Le numérique pourrait être la planche de salut des conseils régionaux.
Changement de ton
« La rentrée 2008 est une rentrée extraordinaire pour notre responsabilité ». François Bonneau , président délégué de Régions de France et président de la région Centre Val de Loire, présente avec Kamal Chibli, président de la commission éducation de l’association et vide président d’Occitanie, présentent le 28 août le « Manifeste des régions pour le lycée d’aujourd’hui ».
Ce petit fascicule parle de l’architecture des lycées, son évolution, les perspectives pour développer le bien être, l’ouverture, le développement des nouveaux usages. Mais les esprits sont ailleurs et le Manifeste, bien anodin, n’est qu’un prétexte à rappeler que les régions sont maitresses des lycées.
Ce sont deux autres questions, le financement des manuels des lycéens et celui de l’orientation, qui animent François Bonneau et Kamal Chibli. Deux échéances que les régions doivent relever. Mais elles doivent le faire dans l’encadrement financier très étroit de leur budget imposé par l’Etat. C’est toute la question du jour.
On est bien loin des invectives de ces derniers mois. Rappelons nous début juillet, moment où les communes, les départements et les régions décidaient de bouder la Conférence nationale des territoires présidée par le Premier ministre. « Depuis plusieurs mois, le Gouvernement a refusé tout dialogue, en décidant unilatéralement la mise sous tutelle financière des collectivités et en s’exonérant de tout effort », déclaraient les collectivités territoriales. Elles dénonçaient » pour la première fois en trente ans, la recentralisation d’une compétence, l’apprentissage » en application de la loi sur la formation professionnelle ».
Le 28 août le ton est bien différent. « La réforme du lycée annoncée par le ministre va induire une évolution forte des supports pédagogiques et des manuels », explique F Bonneau. « On veut maintenir la gratuité. On ne veut une nouvelle charge pour les familles », pose-t-il. La solution passe par le numérique.
Un plan pour des manuels numériques
Le remplacement des manuels des lycées représente un investissement de 300 millions que les régions ne peuvent pas se permettre car elles dépasseraient les objectifs budgétaires qui leur sont imposés. Et les régions, qui financent toutes les manuels depuis des années d’une façon ou de l’autre, ne veulent pas transmettre la charge aux familles. « Si on s’y prend bien on peut assurer le maintien du papier nécessaire et introduire le numérique sans augmentation pour les régions et sans faire payer les familles », explique F Bonneau.
La région Grand Est avec son lycée numérique montre le cap. Il s’agit de faire passer le budget des manuels papiers en grande partie vers l’achat de licences de manuels numériques. Les établissements ne garderaient plus que quels jeux de manuels papier. Le passage au numérique pourrait se faire avec le BYOD. La région économiserait sur les couts de maintenance et remplacement des ordinateurs des lycées. Là aussi un jeu serait conservé pour les élèves sans smartphone. « Tout le monde est équipé donc l’achat systématique d’ordinateur n’est plus la solution », explique F Bonneau.
Il reste à convaincre le ministère, toujours responsable de la pédagogie et de la formation des enseignants, et les éditeurs. L’un nécessite peut-être l’autre…
Comment intégrer les personnels de l’orientation ?
Le second dossier est plus épineux encore. La nouvelle loi sur la formation professionnelle confie aux régions la responsabilité de l’orientation scolaire. « On veut le faire en bonne intelligence avec le ministre de l’éducation nationale », précise F Bonneau. « Le ministre a annoncé l’évolution ou la disparition des CIO. On dit au ministre qu’on est prêt à relever le défi à condition que les moyens nous soient donnés pour le faire ».
La loi sur la formation professionnelle reste floue sur le périmètre des transferts de fonctionnaires vers les régions et sur le calendrier. « On ne sait pas qui va continuer à relever de l’éducation nationale ». En fait c’est du sort des personnels des CIO et des directions régionales Onisep dont il est question. L’avenir de cet organisme interroge aussi : » la direction nationale si elle doit exister doit être très directement portée par l’organisation régionale », estime F Bonneau.
Les régions sont prêtes à accueillir les personnels des CIO et de l’Onisep si l’Etat donne les moyens. » Il n’y aura pas de réussite de cette réforme si l’Etat ne clarifie pas les missions de chacun et ne transfère pas les moyens aux Régions », déclare F Bonneau. Il demande au ministre un cadre précis et un calendrier. Le cadre national doit permettre la variété des déclinaisons régionales.
Cicatrices et grands flous
Restent à soigner les cicatrices du conflit sur l’apprentissage. Les régions ne voient pas comment leur compétence sur la carte des formations peut être respectée si l’offre en alternance n’est pas coordonnée avec elles. Or « la loi ouvre un total libéralisme en la matière », remarque F Bonneau. Elle permettra de mettre en concurrence les lycées professionnels et les CFA existants avec les structures crées par les branches professionnelles. « Si la logique libérale va à son terme on aura des sections qui fermeront » prévient-il. Et cela fera des dégats en terme d’aménagement du territoire.
Les crédits de péréquation qui doivent aider au maintien des petits CFA en zone rurale sont insuffisants, estime F Bonneau. « On a dit au ministre qu’avec 250 millions ça n’ira pas. Pour corriger les inégalités on demande 380 millions ». A défaut les régions cesseront de soutenir les CFA.
Même flou sur le financement des lycées. Kamal Chibli rappelle, par exemple, que 35% du financement du lycée professionnel Gallieni de Toulouse provient de la taxe d’apprentissage. Le nouveau partage imposé par la loi Pénicaud « ne permettra pas d’assurer la totalité de ce qui existe aujourd’hui ».
Il ne reste plus que quelques mois pour poser le cadre du transfert des CIO et des DROnisep, qui doit être arrêté au 1er janvier 1919. La commande des nouveaux manuels de seconde s’impose aussi maintenant. Après des mois de conflit, les régions cherchent le dialogue avec le gouvernement. Présents lors de cette présentation, des personnels de l’Onisep attendent toujours de savoir de quoi leur avenir sera fait.
François Jarraud
Les collectivités rompent avec l’Etat