Si toutes les disciplines du lycée attendent leurs nouveaux programmes, les Sciences économiques et sociales (SES) se préparent à une normalisation idéologique de leur discipline. Pour Erwan Le Nader, président de l’Apses, l’association qui réunit la moitié des professeurs de SES, voit dans les derniers moments de la réforme la main de son ennemie de toujours, l’Académie des sciences morales et politiques (ASMP).
« Prendre deux membres de l’Académie dans la commission des nouveaux programmes est inconcevable », estime Erwan Le Nader, « car elle a mené des rapports à charge contre les SES. On est clairement dans une offensive idéologique contre les SES ».
Petit rappel des épisodes précédents. L’ASMP, largement composée de représentants patronaux, mène effectivement un combat obstiné pour modifier l’enseignement des SES. Le dernier épisode a eu lieu en mars 2017 quand l’ASMP a publié un rapport estimant « néfaste » l’enseignement de SES. « Le dernier rapport de l’ASMP formulait des critiques mesurées et certains économistes saluaient même la qualité de l’enseignement des SES. Ca s’est transformé dans le rapport de synthèse par une manipulation grossière par ce jugement d’un enseignement néfaste », estime E Le Nader.
En juillet 2018, le ministre de l’éducation nationale s’est fendu d’une lettre de cadrage envoyée au Conseil supérieur des programmes qui reprend les critiques de l’ASMP. » Il convient de renforcer les approches microéconomiques nécessaire (sic) pour comprendre les mécanismes fondamentaux de l’économie », disait JM Blanquer. Il demandait aussi de renforcer la part des maths dans cet enseignement. Deux thèmes récurrents des critiques de l’ASMP.
« L’ASMP veut qu’on fasse aimer l’entreprise et l’économie de marché », estime E Le Nader. « Mais on n’est pas là pour faire aimer mais pour faire comprendre… A quel titre le ministre demande t-il plus de micro économie ? Les programmes actuels lui font déjà une large place. Pour ne prendre que l’exemple de la classe de première, sont ainsi abordées les notions de rareté, de coût d’opportunité, d’élasticité-prix, d’élasticité-revenu, d’utilité marginale, de contrainte budgétaire, de prix relatifs, de facteurs de production, de coût (total, moyen et marginal), de recettes (totale, moyenne et marginale), de loi des rendements décroissants, de preneur de prix, de rationnement, de surplus, de gains à l’échange, d’allocation des ressources, de pouvoir de marché, d’oligopole, de monopole, d’asymétries d’information, d’externalités, de bien collectifs, de taux d’intérêt, de risque de crédit. L’accroitre ce serait au détriment de la macro économie. Or on veut garder un enseignement pluraliste. On veut continuer à s’intéresser à des sujets de société qui font débat. C’est ce qui fait le succès des SES et c’est important pour la formation citoyenne. «
Quant aux outils mathématiques, E Le Nader y voit une injonction paradoxale. « Nous partageons l’idée de leur importance dans l’enseignement des SES », dit-il. « Dans la série ES il y a une spécialité maths. Elle disparait avec la réforme du lycée. Les élèves qui suivront des cours de SES pourront avoir abandonné l’enseignement des mathématiques ».
Propos recueillis par François Jarraud