Par Françoise Solliec
Roger Guesnerie a remis le 3 juillet à Xavier Darcos le rapport de la mission d’audit des manuels et programmes de sciences économiques et sociales du lycée. Si deux des préconisations, la filière ES devrait devenir une filière d’excellence et un enseignement de SES devrait être proposé à tous les élèves de seconde, feront sans doute l’objet d’un consensus, d’autres telles le renforcement de l’apprentissage des outils et des méthodologies pour aboutir à une vision plus « scientifique» du rôle de l’économie et à une vision moins « compassionnelle » de notre société laissent prévoir de fortes réactions.
En remettant son rapport à Xavier Darcos, Roger Guesnerie précise que la commission d’audit a beaucoup travaillé (lecture de 70 manuels, auditions, lecture de rapports, etc). Elle s’est attachée à comprendre l’histoire de la filière, le devenir des élèves, les défauts des programmes et des manuels. Composée de personnalités extrêmement diverses, elle a néanmoins adopté une attitude largement consensuelle.
Il a été relativement difficile pour la commission de démêler dans les critiques qui ont conduites à cet audit la part due aux manuels et aux programmes. Il a été noté une grande variabilité de la qualité des manuels et des informations qu’ils contiennent, même si elles sont généralement en adéquation avec les programmes.
La comparaison internationale poussée a été l’occasion pour la commission de formuler un premier objectif : il faut faire de la filière ES une filière d’excellence et donner à tous les élèves de seconde les bases d’une culture économique et sociale.
C’est là, selon R. Guesnerie, que la commission se heurte à une première tension. Comment concilier un objectif de formation citoyenne pour tous les élèves, avec nécessairement un vaste champ d’étude, et un objectif de formation intellectuelle qui, s’appuyant sur quelques concepts fondamentaux en nombre restreint, servira de socle aux poursuites d’études dans le domaine ? La commission estime qu’à balayer trop large, on perd sur tous les tableaux et qu’on n’offre qu’une approche superficielle. Le rapport recommande donc de se tourner davantage vers l’acquisition de connaissances fondamentales, mais laisse aux experts le soin de définir la liste des thématiques et des concepts.
Si la commission recommande de restreindre fortement les thématiques abordées, elle refuse clairement une forme d’enseignement qui, comme en Angleterre, se rapprocherait d’une pré-propédeutique spécialisée.
Selon Roger Guesnerie, l’enseignement actuel met davantage en valeur les échecs que les réussites de notre société (à titre d’exemple, on parle plus volontiers du chômage que de l’élévation du niveau de vie). Il pense cependant qu’il ne s’agit pas de donner une vision plus positive de l’économie de marché, mais bien de donner aux élèves une vision plus scientifique, en les familiarisant en 1ère et en terminale avec les bases du raisonnement en matière de problèmes économiques et sociaux et en abordant les grands débats dans un esprit de neutralité plus affirmé qu’aujourd’hui. L’entreprise pourrait utilement être abordée, à la fois comme objet économique et sociologique.
Selon Xavier Darcos, le rapport s’inscrit pleinement dans la réforme des lycées. Il sera remis à un groupe de travail auquel participera l’IG, pour permettre d’aboutir à un projet de nouveaux programmes. Certains aménagements (par exemple, si une décision de ce type est prise, l’introduction d’une culture SES pour tous les élèves de 2nde) pourraient être effectifs dès la rentrée 2009. Il estime tout à fait justifiées les recommandations de la commission de s’attacher d’abord à faire acquérir aux élèves les fondamentaux et les éléments constitutifs des sciences économiques ou sociales avant d’aborder les grands débats. « L’autonomie intellectuelle passe par la maîtrise des fondamentaux » déclare-t-il. « L’enseignement ne peut se permettre d’avoir un côté « amateur » s’il veut survivre ».