On savait que les élèves français se caractérisent par un faible sentiment d’appartenance à leur école. Depuis 2003, l’enquête internationale Pisa inscrit la France en tête des pays où ce sentiment est faible. Mais une nouvelle publication basée sur Pisa 2015 montre son recul général dans les pays de l’OCDE. Comment expliquer ce phénomène ?Comment le contrer ? Et quelles sont ses conséquences ?
10 à 20% d’élèves sans lien avec leur école
« De 2003 à 2015, le sentiment d’appartenance à son école s’est affaibli », affirme l’OCDE dans un nouveau numéro de Pisa à la loupe. « Le pourcentage d’élèves qui se considèrent comme étrangers à leur école a augmenté de 10%, de 7 à 17% », continue l’OCDE. Ceux qui se disent isolés à l’école a augmenté de 7%. Pisa a aussi interrogé les élèves sur le fait de se faire facilement des amis à l’école (nette chute entre 2012 et 2018), le sentiment de solitude à l’école (forte hausse de 2012 à 2015).
Un graphique montre un recul presque général du nombre d’élèves qui ne se sentent pas étrangers à leur école. Il y a bien quelques exceptions (Tunisie, Roumanie) mais elles sont rares. Partout c’est la dégringolade. Ainsi au Royaume Uni ces élèves « étrangers à leur établissement » passent de 7% à 20% de 2003 à 2015. En Allemagne de 6 à 16%.
La France se singularise un peu. C’est le pays où le sentiment d’appartenance à son école est le plus faible. La France fait partie des pays où le taux d’élèves se déclarant étrangers à leur école est parmi les plus forts avec 22% d’élèves se sentant étrangers. Depuis 2003 c’est une chute de 18 points, presque le double de celle de l’Allemagne. Mais en France l’essentiel de la baisse a eu lieu entre 2003 et 2012. Depuis 2012 l’érosion semble arrêtée.
Comment l’expliquer ?
Comment expliquer cette situation ? Il ne faut pas lier cela à une déprime générale. Par exemple, Pisa montre que les jeunes Français sont parmi les plus nombreux à se déclarer heureux : 7% des jeunes Français se disent malheureux contre 29% des Turcs, 22 des Coréens du Sud, 11% des Allemands, 16% des Britanniques. L’anxiété à l’école qui était en 2012 un point faible des élèves français est passée en dessous de la moyenne OCDE. 47% des élèves français se disent anxieux à l’école. C’est beaucoup mais moins que 72% des élèves britanniques ou 67% des Espagnols.
L’OCDE met en avant la croissance du nombre d’enfants issus de l’immigration comme un facteur possible. Mais ce facteur n’expliquerait en rien la particularité française par exemple, l’immigration étant devenue faible. L’OCDE lie aussi ce phénomène à la croissance des réseaux sociaux. Plus on participerait à ces réseaux , moins on aurait besoin des relations réelles dans la classe.
Mais Pisa aussi fait le lien avec des pratiques scolaires. Ces élèves qui ne se sentent pas appartenir à leur école sont aussi plus nombreux à ressentir un sentiment d’injustice dans leur école. Pisa montre aussi les forts écarts entre les établissements et l’impact des inégalités. Le pourcentage d’élèves qui se déclarent traités injustement est plus fort en France que dans l’OCDE (en moyenne10 points au dessus). Mais ce sentiment d’être traité de façon injuste par son enseignant est nettement plus ressenti chez les élèves défavorisés que favorisés en France : l’écart est trois fois supérieur à la moyenne OCDE. PISA montre aussi que le climat scolaire est nettement plus dégradé dans les établissements où les enfants se sentent moins heureux que dans les autres , ce qui est aussi lié à la condition sociale. L’écart entre les écoles est presque 4 fois plus élevé en France que dans la moyenne de l’OCDE.
Quelles conséquences ?
Ce faible sentiment d’appartenance à son école a des conséquences sur les résultats scolaires, affirme l’OCDE. Selon l’Ocde, les jeunes qui se sentent étrangers dans leur école ont aussi trois fois plus de chance de se sentir insatisfaits de leur vie. Il réussissent aussi moins bien à l’école. En France les élèves qui se sentent étrangers à leur école accusent un retard de 30 points en sciences, soit presque une année scolaire.
En 2017, Agnès Florin (Université de Nantes) nous confiait : « Au CREN on a lancé une étude sur le lien entre le bien être à l’école et la performance scolaire en suivant un millier d’écoliers et de collégiens sur plusieurs années. .. L’étude établit que le bien être a un impact pas énorme mais significatif sur la performance scolaire à travers le sentiment d’efficacité personnelle. La perception de la relation avec les enseignants et du bien être a un effet sur ce sentiment d’efficacité. Quand les élèves se sentent compétents cela impacte leur performance. La qualité de vie à l’école rend plus confiant et donne de meilleurs résultats. La démonstration est faite ».
Que faire ?
Comment travailler ce sentiment d’appartenance et le bien être ? Une étude récente québécoise donne des pistes : » Des stratégies pédagogiques peuvent être adoptées par l’enseignant pour développer et maintenir le sentiment d’appartenance des jeunes. En voici quelques exemples : choisir les règles de classe démocratiquement; offrir des choix; débattre et discuter; considérer le point de vue de tous; favoriser l’autonomie des élèves; offrir une variété d’activités; lier le contenu de la classe à la vie des élèves; avoir des attentes élevées; susciter une atmosphère de respect mutuel en classe; mettre l’accent sur l’effort et l’amélioration ». Une petite révolution scolaire.
François Jarraud