La réforme de l »éducation prioritaire a-t-elle fait progresser les élèves et si oui pourquoi ? Alors que le ministère lance enfin une évaluation de l’éducation prioritaire auprès des seuls chefs d’établissement, l’Observatoire des zones prioritaires (OZP), une association d’acteurs de l’éducation prioritaire, s’est emparé de l’évaluation prévue par une circulaire de 2014 devant la carence ministérielle. Le 18 mai, à l’occasion de ses journées nationales, l’OZP proposait les regards croisés de Jean Yves Rochex, Anne Armand et Patrick Picard sur ces premiers résultats.
Des progrès dus à quoi ?
L’OZP a lancé son enquête en février 2019 lors d’un séminaire qui a vu la construction du projet. Trois mois plus tard un peu près de 300 questionnaires ont été dépouillés. L’OZP a demandé à trois acteurs de l’éducation prioritaire, Jean-Yves Rochex (université Paris 8), Anne Armand (IGEN honoraire) et Patrick Picard (formateur IFé) leur regard sur ces résultats.
La nouvelle éducation prioritaire lancée en 2014, avec son référentiel et une réorganisation des services pour encourager le travail collectif, a-t-elle fait progresser les élèves ? Selon JY Rochex, une minorité des répondants en a une idée. 55% signalent une évolution positive dont 10% une amélioration importante souvent en lien avec les classes dédoublées. 12% voient une évolution négative et 20% des résultats stables des élèves. Mais peu de sondés peuvent citer des indicateurs quantifiables.
Qu’est ce qui fonde une évolution positive ? Dans les représentations des répondants, le travail collectif, la stabilité des équipes, le travail en réseau et la baisse des effectifs arrivent en premier, suivi des formations seulement en seconde position. La paupérisation des familles et des formations insuffisantes expliquent les évolutions négatives. « Il y a une demande de formation et d’outils pour le travail collectif », estime JY Rochex, par exemple une demande de maitres +, ces maitres surnuméraires supprimés petit à petit par le ministère.
Un référentiel encore mal connu
Les enseignants se sont-ils vraiment emparés du référentiel de 2014, demande Anne Armand. Selon son analyse des réponses au questionnaire, les répondants ont une connaissance sélective du référentiel de 2014. Le « lire écrire parler » revient régulièrement mais tout ce qui relève des « stratégies éprouvées » n’a pas marqué les mémoires. L’enseignement explicite, un point fort du référentiel, n’est évoqué que pour l’avenir.
Patrick Picard analyse lui aussi les réponses sur le référentiel. Si globalement son utilité est reconnue, c’est de façon fort variable selon les corps d’appartenance. Les personnels de direction, IEN, CPC, directeurs le jugent fort utile. C’est le cas de près de la moitié des enseignants du premier degré et d’environ 15% seulement de ceux du 2d degré. « Plus on descend vers la classe et moins son utilité est reconnue », estime P Picard.
Et la formation ?
Une majorité de répondants (60%) estime que le travail collectif s’est répandu depuis 2014. Mais là aussi c’ets plus les enseignants du 1er degré que du second. Ce travail collectif est surtout utilisé pour travailler les difficultés des élèves.
Qu’est ce qui compte le plus pour la réussite des élèves ? Le travail et les parents, répondent en premier les répondants, devant l’enseignement explicite puis le travail d’équipe et la vie scolaire. Mais parents et manque de travail sont aussi mis en avant dans les difficultés pour faire réussir les élèves ! La formation vient bien après.
« Une culture professionnelle émerge dans l’éducation prioritaire. On voudrait qu’elle soit considérée par l’Education nationale ». Marc Douaire, président de l’OZP, résume ainsi cette première journée sur l’évaluation de l’éducation prioritaire.
François Jarraud
Comment évaluer l’éducation prioritaire ? Note Depp